Développement économique - SRDEII : les régions à périmètre et majorité inchangés ont une longueur d'avance
Avant le 1er janvier 2017, toutes les régions devront avoir approuvé leur schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Il définira leur feuille de route pour cinq ans an matière d'aides aux entreprises, comme le soutien à l'internationalisation, à l'investissement immobilier et à l'innovation, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional. Il s'agit de la troisième génération de documents de ce type pour les régions prévue par la loi Notr du 7 août 2015 qui renforce le rôle économique des régions. Le SRDEII succède au schéma régional de développement économique (2005 à 2010) et à la stratégie régionale de développement économique et d'innovation (2011-2015). A la différence près qu'il sera désormais "prescriptif", c'est-à-dire qu'il s'imposera aux autres échelons. La loi Notr prévoit, lors de l'élaboration des SRDEII, une concertation spécifique avec communes et les communautés, ainsi que l'organisation d'un débat au sein de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). Cependant, là où existe une métropole, l'élaboration doit se faire conjointement. En cas de désaccord, la métropole pourra même élaborer son propre document en lien avec le schéma régional.
Cinq mois après le renouvellement des exécutifs régionaux, où en sont ces travaux ? "Leur démarrage a été plus rapide dans les régions à iso-périmètre et sans changement de majorité", précise à Localtis Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) qui a commencé, fin avril, un état des lieux de l'avancement de ces schémas. Pour étudier la mobilisation des communautés et des métropoles dans le processus d'élaboration des SRDEII, l'ADCF a constitué un groupe de travail composé de développeurs économiques intercommunaux. Le but est également de préparer les grandes échéances programmées par la loi Notr (avenir des agences de développement, réorganisation des sociétés d'économie mixte/SEM et sociétés publics locales d'aménagement/SPLA) et de réfléchir aux modalités de mise en réseau des professionnels du développement économique territorial à l'échelle régionale en lien avec l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) ou d'autres réseaux quand ils existent, comme l'Association professionnelle du développement économique en Rhône-Alpes (Aradel).
Chantiers ouverts
Au 29 avril, d'après les informations dont disposait à cette date l'ADCF, "la mise à l'agenda du SRDEII était actée officiellement dans au moins six régions". Mais dans les autres collectivités, "l'absence d'ouverture officielle du chantier n'empêche pas que des rencontres bilatérales ont déjà eu lieu entre les présidents de région et les agglomérations, métropoles ou pôles métropolitains", souligne Maxime Goudezeune, chargé du suivi des SRDEII à l'ADCF. C'est le cas par exemple en Normandie, dans le Grand-Est et en région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. D'autres ont débuté en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente. "Deux schémas stratégiques vont désormais cohabiter et se substituer à la douzaine de schémas régionaux pré-existants: le SRDEII et le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet)", explique Nicolas Portier. Ces deux schémas structurants dans les champs du développement économique et de l'aménagement du territoire doivent être "co-construits avec les communautés", insiste le délégué général de ADCF qui ajoute : "La région ne doit pas être considérée comme un espace uniforme mais comme le regroupement de bassins d'emploi avec chacun ses spécificités." C'est le principe qu'avait défendu l'ADCF dans son Pacte pour l'emploi, la croissance et l'innovation signé en octobre 2014.
Les régions les plus avancées dans l'élaboration de leur SRDEII sont "celles qui n'ont connu ni élargissement de leur périmètre, ni alternance politique", poursuit Maxime Goudzeune. Ce sont celles dans lesquelles l'ADCF a déjà pu organiser une première rencontre régionale avec les exécutifs. En région Centre-Val de Loire, les concertations ont ainsi débuté dès le mois de janvier. Mais, la collectivité a entamé ses travaux sur le SRDEII "dès septembre dernier", précise Harold Huwart, vice-président chargé de l'économie, de l'agriculture et de l'économie sociale et solidaire. Les états généraux du développement économique et de l'emploi organisés dans les six départements, du 29 mars au 11 mai, ont permis de "mesurer les besoins et les attentes de chaque acteur du développement économique". Sur les 2.500 participants à ces états généraux, "80% étaient des chefs d'entreprise", souligne le vice-président de Centre-Val de Loire. Ces réunions, dont les thématiques variaient à chaque fois, ont mis en évidence "la nécessité d'instaurer des outils de financement nouveaux ou pour abonder le financement participatif, le capital risque et le capital développement". Harold Huwart note également qu'a émergé la nécessité de créer une SEM régionale sur l'immobilier d'entreprise pour aider à la reconversion des friches industrielles. La CTAP réunira fin juin l'ensemble des élus des collectivités territoriales et des réseaux consulaires pour valider la nouvelle feuille de route économique de la région. Celle-ci compte en outre "mettre en place un système de convention avec l'intercommunalité" sur ces questions économiques. Le SRDEII de Centre-Val de Loire devrait être prêt "fin octobre" et "voté en décembre pour que les outils soient opérationnels au 1er janvier 2017".
Glaz économie
En Bretagne, la stratégie régionale de développement économique avait été définie en décembre 2013 pour la période 2014-2020. Ce SRDEII par anticipation a été baptisé Glaz économie. "En langue bretonne, le 'Glaz' est une couleur mêlant le bleu (l'économie marine), le vert (l'agriculture et l'agroalimentaire) et le gris (le numérique, les nouveaux modèles collaboratifs mais aussi les services autour de la silver economy qui sont autant de potentiels de développement pour la Bretagne", décrypte Loïg Chesnais-Girard, premier vice-président de l'assemblée bretonne. La Glaz économie a fait l'objet d'une large concertation pilotée par l'agence de développement économique de la région (Bretagne Développement Innovation/BDI). En conséquence, "la stratégie bretonne de développement économique sera simplement reconduite" après débat au sein de la CTAP.
Cette stratégie se décline autour de quatre axes stratégiques "étroitement liés à la stratégie régionale en matière d'emploi et de formation", précise Loïg Chesnais-Girard : "Une économie productive, renouvelée et compétitive; une création de valeur par la transition énergétique et écologique; un développement qui valorise et s'appuie sur toutes les compétences et toutes les énergies; et une gouvernance de l'économie régionale partagée, réactive et efficace." Elle vise à accompagner onze filières structurantes: six filières "socles et historiques" (alimentaire, naval-nautisme, tourisme, automobile, aéronautique…) et cinq filières à "fort potentiel" (biotechnologies, énergies marines renouvelables, cyber sécurité…). La Glaz économie définit aussi sept domaines d'innovation prioritaires qui répondent à des marchés d'avenir (innovation sociale et citoyenne, chaîne alimentaire durable pour des aliments de qualité, santé et bien-être, activité maritime…).
Dans les régions dont le périmètre géographique et la majorité politique ont changé, le démarrage du chantier sur le SRDEII est moins aisé. "Depuis avril, nous nous sommes engagés dans une phase active de concertation à l'échelon régional et départemental", précise Martial Saddier, vice-président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, délégué aux entreprises, à l'emploi et au développement économique. En plus des multiples rencontres avec les réseaux consulaires, les partenaires sociaux, les clusters, les pôles de compétitivité, etc., une plateforme web participative (Ambition Eco 2021) a été mise en place à laquelle tout chef d'entreprise, tout salarié ou toute structure économique est invité à participer entre avril et juin 2016. Un document stratégique devrait être prêt avant la fin de l'été. Les métropoles se sont vu également confier des compétences en matière économique. "Chacune doit élaborer son propre schéma économique et le schéma régional devra comporter un volet métropolitain. En cas de désaccord sur certaines orientations, il appartiendra au préfet de trancher", précise l'élu régional. Il déclare être "en contact permanent" avec les deux métropoles rhônalpines (Lyon et Grenoble) pour que", suffisamment en amont, chacun élabore un schéma cohérent pour limiter les points de divergence". En Auvergne-Rhône-Alpes, une CTAP centrée sur les questions économiques est à l'étude pour le mois de septembre.