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Réforme territoriale - Qui fait quoi ? La clause de compétence générale est supprimée, mais...

… mais il reste encore pas mal de marges de manœuvre aux départements et aux régions pour continuer à intervenir dans beaucoup de domaines. C'est sans doute l'une des conclusions que pourra inspirer la lecture de l'instruction du gouvernement "relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales".
Cette instruction du 22 décembre, mise en ligne le 1er janvier, est précieuse. Elle permet en effet de faire le point sur le fameux "qui fait quoi" depuis la loi Notr conjuguée avec la loi Maptam. Ceci, notamment à travers un "tableau synthétique" (11 pages en petits caractères tout de même…) fourni en annexe classant, thématique par thématique, niveau de collectivité par niveau de collectivité, les compétences des uns et des autres.

La "solidarité territoriale" pourra jusitifier beaucoup de choses

L'instruction elle-même entend réexpliquer en quoi la réforme est venue clarifier et rationnaliser la question des compétences. Entre autres grâce à la suppression de la clause de compétence générale. Et aux transferts de compétences opérés par la loi Notr.
Sauf que l'on s'aperçoit très vite que les choses ne sont pas si simples. "Pour savoir si la région ou le département peut intervenir, il convient de rechercher si un texte lui a attribué la compétence", indique d'emblée la missive signée du ministre de l'Intérieur, de la ministre de la Décentralisation et du secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale. Or les exemples fournis montrent que les frontières sont parfois ténues. Il est ainsi indiqué à titre d'illustration que les départements, bien que présumés non-compétents en matière d'environnement, pourront bien continuer à agir au sein des parcs naturels régionaux dans la mesure où ces parcs ont une vocation de "développement durable des territoires" ruraux. Ou que ces mêmes départements ne sont plus censés intervenir en matière de liaisons aériennes puisqu'aucune loi ne le prévoit… "à moins que la liaison ait un caractère touristique indiscutablement prépondérant". Quant à la région, c'est en vertu de sa compétence en matière d'aménagement du territoire qu'elle pourra s'intéresser à ces liaisons aériennes.
Pour les départements toujours, on voit ce sur quoi ils pourront tenter de s'appuyer pour poursuivre des actions dont ils ne souhaiteraient pas se dessaisir : leur compétence de "solidarité territoriale" reconnue par la loi Notr. L'instruction le dit bien : "La solidarité territoriale des départements a vocation à s'exprimer à travers leur capacité à financer des opérations ne relevant pas strictement de leurs compétences d'attribution".
En octobre dernier, devant les présidents de départements réunis en congrès, la ministre de la Décentralisation l'avait d'ailleurs elle-même évoqué : "On vous a laissé une marge de manœuvre sur la définition de ce qu'est la solidarité territoriale, qui vous permettra par exemple d'aider les communes en investissement, d'aider les EPCI y compris en fonctionnement si cela permet à des projets ou des services qui ne verraient pas le jour sans votre aide de se déployer." "Il faudra affiner cette clause de solidarité territoriale", avait ajouté Marylise Lebranchu. Certains élus s'étaient du coup demandés si, au fond, "cette clause de solidarité territoriale n'est pas une clause de compétence générale déguisée", auquel cas les départements pourraient s'appuyer dessus pour "continuer à faire de l'économie" (voir notre article du 19 octobre 2015).

Des incidences financières

Le document revient en outre sur les "modalités de l'action commune des collectivités". Avec, tout d'abord, les compétences qui, on le sait, restent partagées en vertu de la loi Notr (article 104) : la culture, le sport, le tourisme, la promotion des langues régionales et l'éducation populaire. Là encore, on peut par exemple prévoir que sur certains territoires touristiques, tourisme et économie pourront faire bon ménage…
Action commune, toujours, avec les "domaines de compétences à chef de file" tels que prévus par la loi Maptam, autrement dit les compétences "dont l'exercice nécessite le concours de plusieurs collectivités ou groupements" et pour lesquelles une collectivité est désignée chef de file. Une autre annexe liste et classe ces compétences. Force est de constater que la liste est plutôt longue. C'est au sein des fameuses conférences régionales de l'action publique (CTAP) que les choses se discuteront. L'instruction précise que le chef de file est chargé d'organiser l'action commune en commençant par élaborer une "convention territoriale d'exercice concerté de la compétence" (CTEC), et fournit, là encore en annexe, un mode d'emploi de cette convention (contenu, élaboration, effets, contrôle…).
Troisième façon de continuer d'une certaine façon à faire des choses ensemble… les délégations de compétences entre collectivités.
L'instruction explicite enfin les incidences financières de tout cela. L'idée est toujours bien de limiter les financements croisés. D'où les règles de participation minimale du maître d'ouvrage, le principe de l'interdiction des cofinancements région-département et celui selon lequel une région ne peut participer qu'au financement d'opérations entrant dans son champ de compétences.
Sauf que là-dessus aussi, l'instruction montre que cette idée pourra finalement faire l'objet de pas mal d'exceptions. Principalement via les contrats de plan Etat-région (CPER). En effet, dès lors qu'une opération s'inscrit dans le cadre d'un CPER, la règle de participation minimale ne s'applique plus, départements et régions peuvent cofinancer et on n'est plus tenu de tenir compte de son champ de compétences.
En outre, pour les départements, l'instruction confirme ce que disait Marylise Lebranchu au sujet de la solidarité territoriale : ils pourront contribuer, "même en dehors de leur champ de compétences, au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements." Et le document d'ajouter : "Il y a ici une déconnexion entre compétence et financement".
Une deuxième instruction, publiée le même jour, détaille plus spécifiquement ce qu'il en est de la nouvelle répartition des rôles en matière économique et de l'élaboration du schéma régional de développement économique, d'internationalisation et d'innovation (voir ci-contre notre article dédié).