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Education / Sécurité - Une rentrée scolaire 2016 sous haute tension

En ce jour de rentrée scolaire, le gouvernement met en garde contre la menace d'attentats terroristes. L'école, les collèges et les lycées sont considérés comme des lieux potentiels d'intrusion. Une série de mesures sont mises en place et des budgets sont dégagés. L'ensemble de la communauté éducative est mise à contribution. Entre Etat et collectivités, la coordination doit être totale.

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a annoncé mercredi 31 août, à l'issue du conseil des ministres, une "vigilance totale et extrême" pour la rentrée scolaire du lendemain, face aux risques d'attentats. "On est dans un niveau de menaces qui sont extrêmement élevées", a-t-il déclaré, rappelant les mesures présentées la semaine précédente (voir ci-contre notre article  du 29 août 2016) pour assurer la sécurité dans les établissements scolaires, cibles potentielles du groupe jihadiste Etat islamique (EI). Il a ainsi redit que, pour le jour de la rentrée, jeudi 1er septembre, 3.000 réservistes de la Gendarmerie nationale seront mobilisés et qu'une "attention particulière sera portée aux abords des établissements tout au long de l'année, avec des patrouilles mobiles en lien avec les polices municipales".
"Les collectivités ont un rôle important à jouer aux côtés de l'Etat pour assurer une coproduction de sécurité qui soit réellement efficace", avait insisté Bernard Cazeneuve le 24 août. L'enveloppe de 50 millions d'euros annoncé ce jour-là servira à aider les collectivités à engager des travaux nécessaires à la sécurisation des espaces vulnérables repérés dans les établissements scolaires (visiophones, vitres opaques en rez-de-chaussée, systèmes d'alarme...). Ces travaux auront été identifiés lors des diagnostics sécurité réalisés dans le cadre de la mise à jour des plans particuliers de mise en sûreté (PPMS). Rappelons que ce sera ensuite à la collectivité locale de fixer l'ordre de priorité des travaux à effectuer.

Un exercice "attentat-intrusion" avant la Toussaint

Durant l'année scolaire 2016-2017, toutes les écoles ont l'obligation de mettre à jour leur PPMS, conformément aux circulaires du 25 novembre 2015 (voir notre article du 2 décembre 2016). Elles peuvent s'appuyer sur le Guide d'élaboration du PPMS. Le PPMS doit être validé par trois exercices. A noter que, pour l'Education nationale, "il est essentiel d'associer les personnels des temps périscolaires à au moins un de ces trois exercices, voire d'organiser en accord avec la mairie un exercice sur le temps périscolaire". Et il serait également bon que l'exercice "attentat intrusion" soit organisé "si possible avant la Toussaint", en coordination avec la police, la gendarmerie et/ou la commune.
Par ailleurs, dans les jours suivants la rentrée des classes, les directeurs sont invités à rassurer les parents en leur expliquant l'organisation mise en place. Ceci à l'occasion de la traditionnelle réunion de rentrée et "si possible en présence d'un élu local ou d'un de ses représentants".
A noter aussi que l'Education nationale a demandé aux directeurs d'école d'exiger des familles qu'elles ne s'attardent pas devant les portes d'accès pendant la dépose ou la récupération de leurs enfants.

Lycées fumeurs

Il est également question d'"assouplir éventuellement, en lien avec le périscolaire, les horaires d'entrées et de sorties pour mieux contrôler les flux d'élèves". Il faudrait enfin tout faire pour "éviter que les élèves attendent l'ouverture des portes de l'école sur la voie publique".
La question de l'attroupement est également posée devant les lycées, où bon nombre d'adolescents fumeurs se retrouvent. Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF), a adressé un courrier à Bernard Cazeneuve, lui demandant d'adapter la loi (en l'occurrence la loi Evin) aux réalités locales et de laisser "une marge d'appréciation" aux chefs d'établissements. L'élu dit "relayer l'inquiétude des chefs d'établissements qui ont consigne d'éviter tout attroupement devant leur établissement et se trouvent, en même temps, devant la justice pour avoir recréé une zone fumeur". Pour ce qui est des lycées de sa commune, des espaces fumeurs seraient selon lui tout à fait possibles "qui permettent d'envisager que des élèves fument dans des périmètres délimités, mais protégés de l'extérieur, tout en restant sous la surveillance des chefs d'établissements". Le débat, entretenu par des associations de lutte contre le tabagisme, n'est pas clos.

Fichés S

Najat Vallaud-Belkacem a indiqué que les enseignants fichés S et signalés par le ministère de l'Intérieur pour des faits tangibles font l'objet d'"une suspension immédiate et d'une procédure disciplinaire" en vue d'une exclusion de l'Education nationale. De son côté, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a demandé au gouvernement qu'il transmette aux régions des informations pour que ne soit pas embauché dans des lycées du personnel qui serait "fiché S". Il a par ailleurs précisé que dans sa région, "15 lycées publics ont été équipés de portiques de sécurité, de caméras, et de systèmes qui permettent de filtrer l'entrée" et que "15 autres seront bouclés d'ici la fin de l'année".
Christian Estrosi, président de la région Paca, a également demandé au préfet "de vérifier que tout agent sur le point d'être embauché par la région pour travailler dans un lycée ne soit pas fiché S". Il prévoit la formation des "chefs d'équipe et agents d'accueil des lycées à la détection des signaux faibles de radicalisation et au signalement des comportements suspects". Il note que seuls 71% des établissements de la région ont établi un diagnostic de sécurité et il demande à la ministre de renforcer les équipes académiques mobiles de sécurité. Il a annoncé 3,5 millions d'euros de travaux (vidéoprotection, dispositif d'alerte, clôtures, contrôle des accès…).
Christian Estrosi prévoit également de mettre en place un fonds régional de soutien à la vidéoprotection des communes "pour améliorer la mise en sûreté aux abords de leurs établissements scolaires" ainsi que la mise en place "d'un comité régional de sécurité et de prévention de la délinquance dans les lycées" et le recrutement "d'un expert sécurité" pour les lycées à la région.

Des boutons anti-panique dans les loges des gardiens d'école

Ce n'est pas tout. Sous sa casquette de président de Nice Métropole (et premier adjoint au maire de Nice), Christian Estrosi a promis un plan sécurité municipal "pérenne", conçu avec une société israélienne, Lotan Group. "Toutes les écoles de la ville auront la garantie d'avoir des agents de sécurité volontaires de la ville, mais surtout des policiers municipaux ou nationaux, ainsi que des agents de sécurité privés devant chacune d'elle", s'est-il engagé. Le recrutement de vigiles privés a déjà commencé. La mairie a aussi équipé les gardiens et directeurs d'école de boutons d'alerte (appelés aussi "boutons anti-panique" dans les pays à forte criminalité comme l'Afrique du Sud) qui permettent de faire intervenir rapidement la sécurité. La ville, meurtrie par l'attentat du 14 juillet dernier qui a fait 86 morts, dispose depuis peu d'une salle spéciale où sont retransmises en permanence les images des abords des écoles et des crèches. La mairie estime entre 6 et 6,5 millions d'euros le coût additionnel provisoire des mesures de sécurité, soit environ 200 euros pour chacun des 30.000 écoliers de maternelle et d'élémentaire.

Un kit de trois drapeaux à disposition des lycées franciliens

En Ile-de-France, le budget sécurité des lycées a quasiment doublé entre 2015 et 2016 où il s'établit à 10,3 millions d'euros. La région avait débloqué 3 millions d'euros au premier trimestre 2016 pour sécuriser 107 établissements publics et 66 lycées privés, soit un lycée sur trois. Ces fonds sont destinés à l'installation de clôtures, d'ajout de sas et de matériel de vidéoprotection. Parallèlement, afin de lutter contre la radicalisation, la région propose aux établissements un cycle de conférences intitulé "Des grands témoins contre le terrorisme". Deux parents dont les enfants ont été assassinés par Mohammed Merah à Toulouse en 2012 seraient prêts à participer.
Par ailleurs, la région Ile-de-France a mis à disposition des lycées franciliens un kit de trois drapeaux (national, européen et régional) "pour que les établissements puissent être pavoisés aux couleurs de la France dès la rentrée 2016".
L'année prochaine, la rentrée scolaire verra le renforcement du contrôle des communes et de l'Etat sur l'instruction à domicile et les écoles privées hors contrat, dans le cadre de la lutte contre la radicalisation. Une instruction devait partir avant la rentrée. Pour les sanctions, il faudra attendre le vote de la loi Egalité et Citoyenneté dont le texte revient au Parlement début octobre.

 

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