Projet de loi de finances - PLF 2017 et finances locales : des confirmations et des ajustements
Le projet de loi de finances pour 2017 est présenté ce mercredi 28 septembre en Conseil des ministres. Comme le veut la tradition, le contenu de son volet finances locales a été dévoilé la veille devant le Comité des finances locales (CFL) par Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, le binôme ministériel en charge des collectivités, ainsi que Christian Eckert, secrétaire d'Etat chargé du budget. Avec, cette année, relativement peu de nouveautés saillantes ou de surprises. La plupart des dispositions présentées sont en effet la traduction d'éléments déjà annoncés par l'exécutif au cours des derniers mois. Et, pour certaines, anticipées depuis plusieurs mois par les élus eux-mêmes, que ce soit au sein du CFL ou du côté du Parlement.
Recevant la presse à l'issue de cette séance du CFL du 27 septembre, Jean-Michel Baylet a tout d'abord tenu à décrire l'environnement dans lequel intervient ce PLF, en reconnaissant "l'importance de l'effort qui a été demandé aux collectivités" - un effort qui a permis, a-t-il dit, de "mettre de l'ordre dans leurs dépenses de fonctionnement" et a "contribué au redressement des comptes publics". "Leur situation reste contrainte, mais on est bien loin de la catastrophe annoncée", a diagnostiqué le ministre. Pour 2017, "la contribution des collectivités est encore une nécessité" mais permettra de veiller au maintien de l'investissement local, a-t-il assuré.
"La totalité des engagements" pris par François Hollande
Comme prévu, le PLF vient matérialiser le principal engagement pris par François Hollande en juin dernier lors du congrès des maires, à savoir la réduction de moitié en 2017 de la contribution du bloc local (voir notre article du 3 juin "François Hollande : la baisse des dotations réduite de moitié"), contribution ainsi ramenée à un peu plus d'1 milliard d'euros.
Lors d'une conférence de presse organisée peu après celle du ministre, le président du CFL, André Laignel, s'est d'ailleurs félicité que le gouvernement ait intégré au projet de loi de finances "la totalité des engagements" pris par le président de la République lors du congrès des maires. Et s'est donc notamment réjoui que la réduction par deux de la baisse des dotations des communes et de leurs groupements "soit actée". En diminution de 3,5%, les concours financiers de l'Etat aux collectivités (hors transferts de fiscalité) passent donc de 65,3 milliards d'euros cette année à 63 milliards d'euros l'an prochain.
Sur le front de l'investissement, Jean-Michel Baylet a parlé de "grand retour de l'Etat aux côtés des collectivités". Comme annoncé là encore par le chef de l'Etat en juin, le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) créé par le projet de loi de finances pour 2016 est pérennisé et abondé de 200 millions d'euros pour atteindre 1,2 milliard d'euros. Le ministre notant au passage que sur cette année, "85% du fonds est engagé, pour 4.000 dossiers". La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) s'élèvera quant à elle à 1 milliard d'euros. Son montant est "en hausse de 62% en trois ans", a relevé André Laignel, Jean-Michel Baylet ayant pour sa part rappelé que FSIL, DETR et Fnadt (fonds national d'aménagement et de développement du territoire) étaient "cumulables" pour un même projet.
Un "PLFC" pour une réforme de la DGF en 2018
Conformément au voeu du chef de l'Etat, la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est bien reportée. L'article 150 de la loi de finances pour 2016 qui détaillait les modalités de la réforme et devait s'appliquer au 1er janvier 2017 sera purement et simplement supprimé. L'objectif est de faire figurer de nouvelles dispositions dans un projet de loi de financement des collectivités territoriales pour 2018 qui, pour la première fois à l'automne 2017, prendra place aux côtés du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
"Je considère que la réforme de la DGF doit s'inscrire dans ce cadre-là", a souligné Jean-Michel Baylet, se félicitant de la création de cette loi de finances spécifique aux collectivités dont il est régulièrement question depuis des années. Elle offrira notamment l'avantage d'être "beaucoup plus lisible". Quant au report de la réforme, il était selon lui largement préférable. "J'ai bien vu qu'au-delà de l'affirmation selon laquelle il faut une réforme de la DGF, dès que l'on entre dans le détail, il n'y a aucune vision commune" de la part des élus, témoigne le ministre, pour qui ce type de réforme est de toute façon "plus facile en début de quinquennat".
Dans une délibération du 12 juillet dernier qui synthétisait ses propositions, le CFL avait affirmé "la nécessité d'une réforme globale de la DGF". En sachant qu'André Laignel était personnellement pour la suppression de l'article 150. "C'est ce qui a été retenu", a-t-il donc pu déclarer ce mardi. D'autres toutefois n'étaient pas de cet avis. "L'article 150 de la loi de finances pour 2016 (...) doit voir son application reportée au 1er janvier 2018 mais ne devrait pas être supprimé, afin de s’assurer qu’une réforme de la DGF demeurera à l’ordre du jour", écrivaient par exemple les députées Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie dans leur rapport d'information de juillet dernier.
Péréquation horizontale gelée, péréquation verticale renforcée
Le maintien du montant du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) à son niveau de 2016 - alors qu'une nouvelle progression de 200 millions d'euros était initialement prévue -, annoncé début septembre par le Premier ministre (voir notre article du 6 septembre), a également été confirmé. "La décision de bloquer la progression du Fpic était une demande des élus", a relevé Jean-Michel Baylet.
En matière de péréquation verticale cette fois, André Laignel a là aussi constaté avec satisfaction que le projet de loi de finances retient la plupart des propositions du CFL. En sachant que les dotations de péréquation progressent dans leur ensemble de 317 millions d'euros, l'idée étant d'atténuer les effets de la baisse de la DGF pour les collectivités les plus pauvres : +180 millions pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), +117 millions pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et +20 millions pour la dotation de péréquation des départements. Quant à la dotation nationale de péréquation (DNP), elle sera maintenue à son niveau de 2016 (alors que le CFL proposait sa suppression et son reversement dans la DSU et la DSR).
Une DSU recentrée et "lissée"
Comme le préconisait le comité, la dotation de solidarité urbaine (DSU) sera recentrée et sa répartition donnera lieu à de moins grands écarts. "La DSU était une dotation assez mal répartie ou répartie de manière dure", a commenté le ministre. L'objectif, a-t-il souligné, était donc de diminuer le nombre de communes bénéficiaires et de "supprimer les effets de seuil, de lisser".
Cette dotation de 2 milliards d'euros bénéficiera aux deux tiers des communes de plus de 10.000 habitants (soit 668 villes) au lieu des trois quarts aujourd'hui (751), en sachant que le nombre des communes bénéficiaires dont la taille est comprise entre 5.000 et 10.000 habitants ne changera pas (121). Résultat : les villes qui continueront à percevoir la dotation bénéficieront de montants plus élevés. Les villes qui seront écartées de la liste des bénéficiaires auront droit à une garantie provisoire et dégressive. Autre nouveauté : l'écart entre les montants perçus par les premiers bénéficiaires (les villes les plus pauvres) et les derniers (des villes plus favorisées) sera resserré. Le gouvernement a fait le choix d'un écart de un à huit. "C'est très exagéré", a réagi André Laignel, qui estime que la majorité des membres du CFL est sur la même longueur d'ondes que lui. Le CFL avait, il est vrai, travaillé sur le scénario d'un écart de un à deux. Nul doute que ce point-là fera l'objet de débats au Parlement. On saura encore que le critère du revenu sera mieux pris en compte pour la détermination des bénéficiaires de la DSU (au détriment du potentiel financier). Il s'agissait aussi d'une demande du CFL.
Carte intercommunale : un impact difficile à maîtriser
En revanche, le gouvernement et les services de l'Etat n'ont pas remis au CFL les simulations que celui-ci demandait sur les effets de l'évolution de la carte intercommunale sur les finances du bloc local. L'Etat a dit son incapacité d'établir des simulations, sachant qu'"entre 20 et 30% des communautés", d'après André Laignel, pourraient au final avoir un périmètre différent de celui fixé par le schéma départemental de coopération intercommunale. Alors que 400 fusions de communautés sont programmées au 1er janvier prochain, certains EPCI pourraient enregistrer des variations considérables - à la baisse ou à la hausse - de leur dotation d'intercommunalité. S'agissant du Fpic, la donne devrait aussi beaucoup changer. Certains des membres du CFL ont fait part de leur inquiétude sur le sujet. Plus que les autres catégories d'EPCI, "les communautés de communes devraient être très impactées par ces mouvements", a redouté André Laignel.
Pour les communautés d'agglomération, le projet de loi de finances apporte en tout cas une solution. Le groupe de travail commun au Sénat et à l'Assemblée nationale qui avait fait en juillet des propositions sur la réforme de la DGF avait constaté une perte importante de DGF pour ces communautés du fait des évolutions de la carte intercommunale. Il a été entendu : le montant de la dotation d'intercommunalité passera de 45 à 48 euros par habitant.
Rebasage, écrêtement... quelques ajustements
Les parlementaires ayant travaillé sur cette question ont semble-t-il obtenu gain de cause sur un autre point technique : celui des "DGF négatives" – autrement dit le cas des communes et des communautés prélevées sur leurs recettes fiscales au titre de la contribution au redressement des finances publiques parce que leur dotation forfaitaire est insuffisante (voir notre article du 30 août). Les élus avaient proposé un dispositif de "rebasage" permettant de mettre fin à ces DGF négatives.
De même, le PLF s'attaque à la question connexe de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes. Nombre d'élus s'interrogeaient sur la pertinence du plafonnement de l'écrêtement à 3% de la dotation forfaitaire. La question était alors de savoir s'il fallait supprimer ce plafonnement ou le relever. Le gouvernement a opté pour la deuxième variante : le projet de loi relève de 3% à 4% de la dotation forfaitaire l'écrêtement sur les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75% du potentiel fiscal moyen par habitant.
Le FCTVA en baisse
Autre donnée attendue, celle du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA). Le montant inscrit par le gouvernement dans le projet de loi de finances s'élève à 5,524 milliards d'euros, contre 6,047 milliards d'euros l'an dernier. Cette baisse de 9% traduit la réduction de 25% de l'investissement des communes et de leurs groupements en 2014 et 2015, mais aussi les mesures prises par le gouvernement pour élargir l'assiette des remboursements de TVA dont bénéficient les collectivités.
On saura au passage que la réforme de la gestion du FCTVA annoncée en juin par le chef de l'Etat, consistant à "automatiser" cette gestion, ne sera pas opérationnelle début 2017. Un rapport sur le sujet doit être remis tout prochainement.
Parmi les autres annonces de François Hollande que l'on retrouve en revanche dans ce PLF figure la prolongation du délai pour bénéficier des incitations financières prévues dans le cadre de la constitution d'une commune nouvelle, délai reporté jusqu'à la fin de l'année alors qu'il devait initialement échoir en juin (en notant toutefois que si la date limite pour les arrêtés préfectoraux est bien le 31 décembre, les délibérations des communes devront avoir été prises avant le 31 octobre).
Régions et départements : encore un peu de patience...
L'une des mesures importantes du projet de budget devrait être l'inscription d'une nouvelle ressource devant permettre aux régions d'assurer leurs compétences élargies en matière de développement économique. Sauf qu'il faudra pour cela attendre un tout petit peu… puisque c'est ce jeudi 29 septembre que Manuel Valls doit annoncer devant les présidents de région réunis en congrès à Reims la nature de la ressource qui aura finalement été choisie après l'abandon de l'idée d'une taxe spéciale d'équipement régionale. Les choses ne semblaient pas encore arrêtées ce mardi 27 septembre, une réunion ayant encore eu lieu la veille à Matignon avec Jean-Michel Baylet et son homologue de Bercy. Cet élément viendra donc en principe s'inclure dans le PLF par voie d'amendement. Interrogé sur l'éventualité du transfert aux régions d'une fraction de TVA, Jean-Michel Baylet a déclaré : "C'est une piste, mais elle n'est pas simple à mettre en application. Il y a longtemps que les collectivités souhaitent récupérer une part de TVA…".
Quant aux départements, ils devront attendre de découvrir le projet de loi de finances rectificative (PLFR) 2016 pour connaître le montant du fonds d'urgence qui doit leur être attribué pour les aider à garder la tête hors de l'eau malgré leurs dépenses croissantes liées au financement du RSA. "A moins de 300 millions d'euros, ça ne pourrait pas être satisfaisant", déclarait récemment Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF). Jean-Michel Baylet parle quant à lui plutôt d'une enveloppe "autour de 200 millions d'euros". A laquelle s'ajoutera une ligne de 52 millions d'euros "pour accompagner les départements qui s'investissent dans des actions d'insertion des bénéficiaires du RSA". Le ministre sera probablement amené à préciser les choses le 7 octobre lorsqu'il viendra clôturer à Poitiers le congrès de l'ADF.