Enfance - Les mesures sur l'adoption se précisent, mais le projet de loi Famille s'éloigne
Dominique Bertinotti, la ministre déléguée chargée de la Famille, s'est rendue, le 14 janvier, à Nantes pour un déplacement sur le thème de l'adoption. Elle a notamment visité l'unité du CHU qui prend en charge les accouchements sous le secret, puis l'espace départemental de l'adoption du département de la Loire-Atlantique.
A cette occasion, la ministre a fourni quelques précisions sur les dispositions relatives à l'adoption et à l'accès aux origines, qui devraient figurer dans le futur projet de loi sur la famille (voir notre article ci-contre du 17 octobre 2013). Comme il est de règle sur le sujet, elle a affiché son souhait de "faciliter les procédures d'adoption" et de "respecter davantage le temps de l'enfant, qui ne peut pas âtre calqué sur un temps administratif ou judiciaire".
Un coup de pouce à l'adoption simple
La ministre de la Famille a confirmé les propos tenus dans l'émission "Complément d'enquête", diffusée sur France 2 le 9 janvier. Le gouvernement "est en train de réfléchir" aux moyens permettant de favoriser l'adoption simple et de donner "une seconde chance familiale" à des enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements.
Dans le cadre d'une adoption simple, l'enfant a les mêmes droits et devoirs au sein de sa nouvelle famille qu'un enfant biologique ou qu'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière. De leur côté, les parents adoptifs détiennent l'intégralité et l'exclusivité de l'autorité parentale (sauf dans le cas particulier de l'adoption simple d'un enfant du conjoint, qui nécessite une démarche particulière). La seule véritable différence est que, contrairement à l'adoption plénière, l'adoption simple ne rompt pas les liens de l'enfant avec la famille d'origine.
Ce statut pourrait donc se révéler adapté à des situations où un enfant pris en charge par l'ASE ne peut plus retourner dans sa famille biologique, mais gagnerait à retrouver un cadre familial stable et sécurisant. Ainsi que l'a indiqué Dominique Bertinotti, il importe "de ne pas forcément rester dans le système de la protection de l'enfance et vivre avec l'étiquette ASE - pour certains de l'âge de 2-3 mois jusqu'à l'âge de 18 ans -, mais [de] leur assurer un véritable avenir". Or, aujourd'hui, "on attend peut-être trop longtemps pour prendre une véritable décision". Outre l'intérêt possible pour les enfants concernés, ceci permettrait aussi d'accroître le nombre d'enfants adoptables, qui ne cesse de diminuer depuis plusieurs années, notamment à l'international.
La mesure envisagée par Dominique Bertinotti reprend, au demeurant, les grandes lignes de la proposition de loi "sur l'enfance délaissée et l'adoption" de la députée Michèle Tabarot et une soixantaine de ses collègues UMP, mais qui - en raison de l'alternance - n'a pas dépassé le stade de l'adoption en première lecture à l'Assemblée (voir nos articles ci-contre du 26 septembre 2011 et du 2 mars 2012).
Réformes en vue pour l'accouchement secret et l'agrément des familles adoptantes
Dominique Bertinotti a aussi abordé la question de l'accouchement secret, en s'interrogeant sur l'éventualité d'une réforme de l'acte de naissance, afin de disposer d'un document officiel qui conserve la trace des conditions de la naissance, y compris en cas d'accouchement secret et/ou d'adoption. La ministre a expliqué que l'enfant devenu adulte "saura au moins officiellement qu'il a été adopté, qu'il est né sous X, alors qu'aujourd'hui on est encore sur le bon vouloir d'adultes qui peuvent lui dire, ou ne pas lui dire".
Elle a également évoqué la possibilité de "revoir les conditions d'agrément des familles adoptantes". Cette révision irait plutôt dans le sens d'un durcissement, puisque Dominique Bertinotti s'est ouvertement demandée si "on n'ancre pas les familles dans une illusion douloureuse", étant donné la baisse du nombre d'enfants adoptables. Sans doute inspirée par la récente jurisprudence de la Cour de cassation sur le "préjudice d'anxiété" (à propos des travailleurs exposés à l'amiante), elle a aussi évoqué ce qui pourrait devenir le cauchemar des départements : "Un jour viendra où des citoyens pourraient se retourner contre la collectivité [en disant] : 'vous n'avez pas été suffisamment responsables de me laisser penser pendant cinq ans, dix ans, que je pourrai adopter'".
Pas de texte au Parlement avant le second semestre 2014
Si le volet relatif à l'adoption et à l'accès aux origines du futur projet de loi Famille commence ainsi à se préciser, le calendrier du texte reste encore assez incertain. Annoncé à l'origine pour mars 2013 (en même temps que le mariage pour tous), le projet de loi avait été reporté une première fois. A l'automne dernier (voir notre article ci-contre du 17 octobre 2013) - et même dans l'émission "Complément d'enquête" du 9 janvier -, Dominique Bertinotti évoquait encore le printemps 2014 pour l'adoption du projet de loi. Mais, lors de son déplacement à Nantes, elle a évoqué un nouveau calendrier, avec une présentation en Conseil des ministres en avril 2014 et un examen au Parlement au deuxième semestre 2014.
Même incertitude sur les propositions des quatre groupes de travail installés par Dominique Bertinotti pour préparer le projet de loi : ils sont "en train d'approfondir et finaliser un certain nombre de leurs propositions, donc on verra à quel moment effectivement on pourra rendre publiques, dans les semaines qui viennent, leurs conclusions"...