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Aménagement numérique - Les maires ruraux attendent le "bon débit"

"Il faut accélérer l'équipement des territoires ruraux", insiste Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France. Selon lui, le haut débit est "un service d'intérêt général" et la véritable urgence est maintenant la performance des accès à internet dans les territoires ruraux.

Le forum RuraliTic, organisé pour la cinquième année consécutive les 30 et 31 août à Aurillac, a ravivé la question du haut débit sur fond de plan gouvernemental et de réforme des collectivités territoriales. Dans une interview à Localtis, Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), revient sur la portée du numérique dans le développement rural et sur les difficultés rencontrées.

Localtis : La réforme des collectivités pourrait avoir des conséquences sur la gouvernance des projets d’installation de réseaux dans les territoires. Quels risques identifiez-vous pour les communes ?

Vanik Berberian : Le haut débit a souvent focalisé les élus sur des objectifs de performance, qui étaient tout aussi rapidement dépassés par l’évolution des besoins. Et pourtant on continue à nous présenter le 512 Kbt/s comme du haut débit. Un peu à l’image de la "quatre chevaux", voiture sympathique, qui peut encore rouler, mais avec laquelle tout le monde sait qu’on ne va pas très loin. La lenteur du téléchargement de simples courriels ou de l’accès aux pages web en dit beaucoup plus sur les obstacles actuels. On nous promet le très haut débit pour 2015. Mais la question du haut ou du très haut est un peu dépassée. Nous attendons surtout le "bon débit", c'est-à-dire celui qui correspond aux usages et aux évolutions technologiques du moment. Aujourd’hui, les agriculteurs, les artisans, les travailleurs indépendants sont fortement pénalisés, comme les ruraux en général. La conséquence mesurable est l’accélération de la concentration de l’activité économique sur les pôles urbains. Plus que le développement économique, le maintien de l’activité existante, désormais lié à la performance des accès à internet, est notre véritable urgence. Aussi l’AMRF mène campagne pour accélérer l’équipement des territoires ruraux. La réforme territoriale risque de conduire à une régression, surtout si les départements et les régions se voient retirer la clause de compétence générale, comme c’est envisagé. Il sera alors plus difficile d’obtenir une cohérence stratégique, d’éviter que les infrastructures mises en place ne se concurrencent ou d’anticiper sur l’évolution des besoins.

Concrètement que proposez-vous ?

Nous n’avons cessé de proposer une mobilisation nationale sur cette question. Dans l’esprit des propositions récentes du député Pierre Morel-A-l’Huissier qui invite à la création d’un fonds d’investissement équivalent à celui qui avait permis l’électrification de la France au XIXe siècle. Le parallèle avec l’électrification est assez juste. Le haut débit est un service d’intérêt général et non un service facultatif. L’AMRF va soutenir sa proposition de loi. D’autres associations s’apprêtent à le faire également. Mais le travail de sensibilisation doit également se poursuivre auprès des élus locaux qui n’ont pas toujours conscience de la place croissante du numérique dans la société. Un forum sur le sujet, organisé dans l’Indre, en 2009, n’avait réuni qu’une cinquantaine d’élus alors qu’à quelques semaines d’intervalle, la gestion des cimetières faisait le plein des 241 communes.

On évoque le potentiel du télétravail et de l’apparition de nouveaux métiers autour de l’informatique et du web, ne nécessitant pas une présence permanente dans les villes...

Tout est lié. Sans connexion rapide pas d’installation possible. Je regrette que le télétravail reste un domaine expérimental alors qu’on en parle depuis plusieurs décennies. Au final, ce sont toujours les mêmes expériences du Cantal, de la Corrèze ou de Soho-Solo, dans le Gers, qui sont présentées. Il faudrait passer à une autre échelle de développement. Les mentalités doivent aussi changer dans les entreprises car de plus en plus de Français aspirent à venir s’installer à la campagne.

Le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, a fait référence dans son discours de rentrée aux 6.700 écoles numériques rurales déjà constituées et a appelé à un renforcement de la coopération Etat/collectivités territoriales. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

L’AMRF s’est fortement mobilisée sur ce projet présenté aujourd’hui comme une réussite. En trois mois, nos communes ont déposé 8.000 dossiers de demande de financement. Personne à l’Education nationale n’avait imaginé une telle réactivité, qui confirme l’appétence et les attentes locales. Si bien qu’aux 5.000 projets soutenus, le gouvernement a dû prévoir une rallonge, mais qui ne couvre pas toutes les demandes. Nous sommes ouverts à la concertation avec le ministre. Mais nous allons aussi adresser dans les prochains jours une lettre au président de la République afin qu’il intervienne sur le financement de l’ensemble des communes rurales non encore dotées.
 

Philippe Parmantier / EVS

 

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