Développement des territoires - Les JO et "l'Expo" s'invitent dans le Grand Paris... avec les autoroutes
"Nous devons construire le Grand Paris avec les collectivités, et d'abord avec les maires." Pour la première intervention d'un Premier ministre devant les assises de l'association des maires d'Ile-de-France (Amif), Manuel Valls est venu présenter, mardi 14 avril au parc Floral de Vincennes, les 51 mesures arrêtées par un comité interministériel sur le Grand Paris qui s'est tenu le matin même. L'occasion de faire le point sur les décisions du précédent comité interministériel d'octobre "qui avait pour but la mise en chantier de grands projets" mais aussi de les prolonger. Aux quatre piliers du Grand Paris (transports, logement, développement économique et gouvernance) sont en effet venus se greffer de nouveaux dossiers comme la candidature des JO de 2024, l'Exposition universelle, l'enseignement supérieur et l'emploi...
Après les transports collectifs, place aux autoroutes
Alors que le volet transports du Grand Paris avait été jusqu'à présent quasi essentiellement consacré aux transports collectifs, Manuel Valls a annoncé dans son discours que l'Etat allait engager un programme doté de 810 millions d'euros pour "moderniser" les autoroutes et voies rapides routières d'Ile-de-France non concédées au privé. "Jusqu'à présent", l'Etat ne s'est pas assez impliqué sur cet "enjeu majeur" du transport routier, a affirmé le Premier ministre. Or, "des millions de Franciliens et de visiteurs de la région se déplacent en automobile" et "n'ont souvent pas d'autres solutions", a-t-il déclaré, jugeant que le réseau de voies rapides n'offre "pas toujours une qualité de service suffisante". Avec le programme que l'Etat compte engager, "il s'agira de faciliter la mobilité, avec l'amélioration de la gestion dynamique du trafic ou encore la création de voies réservées aux autobus et aux taxis", a précisé Manuel Valls. Les premières voies réservées seront mises en service "dès la fin du mois", a-t-il assuré. Il ne s'agira pas de nouveaux crédits budgétaires mais d'un financement provenant du contrat de plan Etat-région francilien, qui comprend un volet routier, selon Matignon. Les 810 millions d'euros du programme ne seront pas pris sur des crédits budgétaires mais proviendront du contrat de plan Etat-région francilien, qui comprend un volet routier, selon Matignon. Le cabinet du Premier ministre a aussi assuré que le plan concernera uniquement les autoroutes et voies rapides qui ne sont pas concédées au privé et restent directement gérées par les pouvoirs publics.
Manuel Valls a aussi estimé qu'il fallait "travailler à une meilleure insertion des autoroutes dans la ville, en réduisant les nuisances et en investissant sur les questions paysagères". "La France compte de grands architectes et paysagistes, des artistes reconnus. Pourquoi ne pas faire appel à leur talent pour transformer certaines de ces autoroutes ? Je pense par exemple aux autoroutes reliant Paris aux aéroports", a-t-il dit.
Côté transports collectifs, le chef du gouvernement a salué les "étapes décisives" franchies par les nouvelles lignes de métro du Grand Paris Express - déclaration d'utilité publique (DUP) de la ligne 15 sud et engagement des travaux préparatoires à Champigny et à Issy-les-Moulineaux, DUP de la ligne 16 en préparation, démarrage prochain de l'enquête publique pour l'extension de la ligne 14 à Orly. Mais "l'amélioration des réseaux de transports existants doit avancer de pair", a souligné Manuel Valls. "Le plan de modernisation régional sera mis en œuvre grâce à des financements contractualisés dans le cadre du CPER : 1,4 milliard d'euros de l'Etat et 140 millions d'euros par an de la région, qui bénéficie d'une dotation supplémentaire", a-t-il détaillé tandis que "les financements de la SGP [Société du Grand Paris, ndlr] sont au rendez-vous pour la modernisation des RER, et notamment des lignes A, B, C et D et de la ligne 11". A propos de l'extension du RER E à l'ouest, qui reliera La Défense en 2020 et Mantes-la-Jolie en 2022, permettant d'"augmenter de 80% la capacité sur l'axe est/ouest", le Premier ministre a assuré que "les financements de l'Etat, de la région et de la SNCF sont à présent sécurisés".
Un cycle des déchets "vertueux"
Pour Manuel Valls, la nouvelle métropole du Grand Paris doit faire du développement durable "une composante essentielle de chacun des projets, dès l'étape décisive de la mise en chantier". "Il s'agit d'abord de veiller à ce que le cycle des déchets soit un cycle vertueux, depuis la collecte des produits - qui doit se faire principalement par voies d'eau et voies ferrées – jusqu'à leur recyclage", a-t-il souligné. "La création de la forêt de Pierrelaye [au nord-ouest de l'agglomération, entre Cergy-Pontoise à l'ouest et la vallée de Montmorency, à l'est ndlr] sera emblématique de cette démarche, a-t-il poursuivi. Après un siècle d'épandage des eaux usées, cette plaine sera transformée grâce à la réutilisation des déblais du chantier du Grand Paris express. Elle doit devenir un nouveau poumon vert de la métropole".
Logement : "c'est le rôle de l'Etat de lever les oppositions"
En matière d'accès au logement, "notre méthode est connue : accompagner les maires, faciliter les projets quand ils veulent avancer. Mais quand le potentiel est là, et quand les résistances ne sont pas justifiées, c'est le rôle de l'Etat de lever les oppositions", a déclaré Manuel Valls.
A l'issue du comité interministériel du 13 octobre 2014, des "sites prioritaires" pour le logement, susceptibles de bénéficier d'une implication de l'Etat dans le cadre du Plan de mobilisation pour l'aménagement et le logement en Ile-de-France, avaient été identifiés en petite et grande couronne. Ces premiers travaux font aujourd'hui l'objet d'une concertation à travers les Ateliers territoriaux "Grand Paris du logement", annoncés par la ministre du logement le 24 février dernier (voir notre article ci-contre du 26 février 2015).
"Ne précipitons pas les décisions", a déclaré Manuel Valls, reconnaissant que le projet d'opération d'intérêt national, dit OIN multi-sites, "a suscité beaucoup de craintes" de la part d'élus locaux redoutant un interventionnisme trop fort de l'Etat. "Nous verrons, dès septembre, pour chaque site, ce que l'Etat peut faire pour apporter son soutien. Nous verrons quels seront les sites retenus pour faire partie de l'OIN multi-sites et ceux qui nécessiteront d'autres modes d'intervention", a-t-il ajouté.
Pour piloter une nouvelle OIN multi-sites, le décret de transformation de l'AFTRP en "Grand Paris Aménagement" est actuellement en Conseil d'Etat. Sa publication est annoncée à l'été 2015. Le comité interministériel du 14 avril précise que "dans un second temps, une fois le nouveau contexte institutionnel établi, la gouvernance de l'établissement évoluera pour donner toute leur place aux collectivités territoriales". La mission de préfiguration rendra son rapport fin avril.
La création d'une aide aux maires bâtisseurs, dont le décret est en cours d'examen au conseil d'Etat, est également rappelée à l'occasion de ce comité interministériel (voir notre article du 20 mars 2015). Il est précisé que le soutien de l'Etat a été inscrit dans le volet territorial du projet de contrat de plan Etat-Région et que une première partie de l'aide serait versée sur la base des logements faisant l'objet d'un permis de construire au 1er semestre 2015.
Quartiers Anru : une convention entre l'Agence et la SGP
Le comité interministériel a annoncé qu'une convention spécifique serait signée entre l'Anru et la Société du Grand Paris. Elle se déclinera dans chaque convention de renouvellement urbain du territoire métropolitain. L'Ile-de-France compte 58 quartiers Anru (dont 37 quartiers sur Paris et la petite couronne) sur les 200 désignés au titre des "projets nationaux". 33 sont situés aux abords des projets de gares du Grand Paris (voir aussi notre article ci-contre du 3 juillet 2013).
La région bénéficie en outre d'une enveloppe non fléchée par l'Anru, de 170 millions d'euros pour les opérations "régionales", intégrée dans le volet territorial du projet de contrat de plan Etat-région. Une première liste, établie par la préfecture de région et les préfets de départements, doit servir de base à la discussion que le préfet de région va "prochainement" ouvrir avec le conseil régional "pour arrêter, de manière concertée et en liaison avec les collectivités franciliennes concernées, la liste des projets régionaux dont le principe est inscrit dans le volet territorial du CPER", sachant que l'assemblée régionale a acté, lors de sa session du 12 février 2015, le principe du soutien régional aux projets nationaux et aux projets régionaux (voir notre article ci-contre du 12 février 2015).
Vers un fonds d'investissements dédié
S'il a jusqu'ici beaucoup été question de transports et de logements, le Grand Paris économique va lui aussi commencer à se concrétiser. Au-delà du bien-être des habitants, c'est bel et bien la concurrence des villes-mondes qui avait motivé ce grand projet dès l'origine, avec le souci de faire de la région la locomotive de l'économie hexagonale… La première priorité de Manuel Valls aujourd'hui : attirer les investisseurs étrangers susceptibles d'être intéressés par les chantiers en cours. Il a chargé Business France de recenser ces projets d'ici le prochain comité interministériel d'octobre 2015. La Caisse des Dépôts, elle, devra dans le même délai proposer une structure d'investissement spécifique, avec un fonds d'investissement dédié.
Le Premier ministre entend aussi renforcer les "places fortes" du Grand Paris que sont aujourd'hui La Défense et le Grand Roissy. Le préfet d'Ile-de-France lui remettra un rapport sur la modernisation du premier centre d'affaires français dans les trois mois. Il devra à ce titre réexaminer la pertinence de son modèle économique actuel. Manuel Valls souhaite parallèlement un important travail d'aménagement autour du corridor aéroportuaire allant du Bourget à Roissy, avec une attention particulière portée au site PSA d'Aulnay où travaillaient 3.000 personnes… "Je veux être clair : l'autoroute ferroviaire ne passera pas à Aulnay", a cependant souligné le Premier ministre, contredisant les déclarations récentes de son ministre des Transports Alain Vidalies.
En matière d'immobilier d'entreprise, une révision de la Redevance pour création de bureaux, commerces et entrepôts (RCBE) sera présentée d'ici juin, avant d'être inscrite dans le prochain projet de loi de finances. Le but : rendre son affectation "plus équitable" entre les territoires franciliens.
Le Premier ministre a également annoncé le lancement d'un "projet d'arc de l'innovation". Objectif : créer 100.000 m2 entre la porte de Versailles et la porte de Clichy pour accueillir des hôtels de projets, des pépinières, des incubateurs, des espaces de travail, des centres d'affaires de proximité, des campus scientifiques, des plateformes logistiques innovantes… Une première tranche sera achevée en 2018 et le reste en 2020.
Contrat de plan interrégional de la vallée de la Seine
Le gouvernement travaille aussi à une articulation plus grande entre le Grand Paris et la vallée de la Seine jusqu'à son estuaire qui est le "premier point d'entrée international de notre pays". C'est le sens du contrat de plan interrégional de la vallée de la Seine élaboré entre l'Etat et les trois régions Ile-de-France, Basse et Haute Normandie. Ce contrat devrait être signé "mi-juin", selon le dossier de presse de Matignon. Près d'un milliard d'euros seront mobilisés à travers ce contrat, dont 219 millions d'euros de l'Etat. Sa réalisation majeure sera la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN). Une convention sur les financements 2015-2016 de la première phase d'études sera signée en juillet. Un montant de 16,2 millions d'euros est prévu. Ports de Paris entamera par ailleurs une nouvelle phase d'études pour la réalisation de Ports de Seine Métropole Ouest amené à jouer un rôle important dans l'approvisionnement en matériaux des chantiers du Grand Paris. Le lancement des travaux est prévu "pour la fin de la décennie".
Le contrat comprend une enveloppe de 5 millions d'euros pour le financement de trois appels à projets qui seront d'ici l'été 2015 autour de trois thématiques : transition écologique, maîtrise du foncier et développement des filières économique.
Gouvernance
Sur le volet institutionnel, Manuel Valls a simplement rappelé que le "cadre politique" de la métropole "verra le jour dans moins de neuf mois", au 1er janvier 2016 (date prévue par la loi Maptam), en même temps que "les intercommunalités renforcées en grande couronne". Sachant que les travaux préparatoires des élus franciliens se poursuit depuis de longs mois (on en est actuellement au "pré-diagnostic social, économique et environnemental destiné à asseoir l'élaboration du projet métropolitain", le Premier ministre a estimé que le rôle de la mission de préfiguration aujourd'hui présidée par Patrick Devedjian - venu succéder à Daniel Guiraud - avait été "confirmé". Il a naturellement mentionné le projet de loi Notr en cours de navette au Parlement, pas mal de points dépendant encore de la tournure que prendront les articles de ce texte consacrés au Grand Paris. Et a indiqué souhaiter, principalement, que la seconde lecture parlementaire soit "l'occasion de revoir la composition du conseil métropolitain", dans la mesure où "les citoyens ne comprendraient pas qu'il comprenne 350 membres".
Le dossier diffusé à l'issue du comité interministériel précise que le second semestre 2015 sera consacré à la préfiguration de la MGP elle-même et des "territoires" qui la composent, institués sous forme d'établissements publics territoriaux (EPT), eux aussi créés ai 1er janvier 2016), en proposant durant le deuxième semestre une carte de ces ETP. Matignon ne nie pas que des "ajustements et compromis" sont à attendre. Le tout sans oublier nous dit-on un "temps de débat avec les habitants".
En parallèle, du côté de la grande couronne, de mai à septembre, les préfets de département vont prendre les arrêtés de projets de périmètres des EPCI. La suite de la discussion sur Notr devra quant à elle permettre de fixer les choses en matière de compétences et de péréquation notamment pour les futurs "grands EPCI" de grande couronne.
Enseignement supérieur et recherche
"L'Ile-de-France est la première région étudiante d'Europe. Mais le Grand Paris de la recherche et l'enseignement supérieur n'existe pas encore", a déclaré Manuel Valls. Il a rappelé la mise en œuvre du "Plan 40.000" qui vise à livrer 40.000 logements sociaux étudiants sur la durée du quinquennat, dont la moitié en Ile-de-France, et dont un bilan avait été présenté le 9 avril dernier (voir notre article ci-contre du 13 avril 2015). Concernant la déclinaison régionale, l'Etat cherchera à reconduire son partenariat avec le conseil régional dans le cadre du contrat de plan, "sur la base d'un financement à parité Etat-Région estimé à 60 millions d'euros entre 2015 et 2020".
Toujours dans le cadre du CPER, "des campus universitaires seront rénovés pour répondre aux enjeux du numérique et de la transition énergétique", a indiqué Manuel Valls. L'Etat et la Région se sont cette fois engagés à parité pour un montant total de 788,52 millions d'euros. Et l'Etat procédera à l'actualisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière des établissements universitaires franciliens.
Le comité interministériel a validé le financement de la première phase du projet du Campus Condorcet et a autorisé la poursuite de la consultation pour la sélection du groupement chargé de la réalisation du Partenariat public privé (PPP), contrairement à la promesse de Geneviève Fioraso, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, de de "zéro PPP à Paris", (voir notre article du 12 mars 2013).
Manuel Valls a également indiqué que les premiers chantiers du projet Paris-Saclay "sont eux aussi engagés", afin que "Paris-Saclay se concrétise pleinement d'ici la rentrée étudiante 2019".
Financement des JO et de l'Expo : une fondation sera créée
"Pour exister pleinement, le Grand Paris doit également orchestrer de grands projets populaires et fédérateurs", a déclaré Manuel Valls, faisant référence aux jeux olympiques 2024 (voir notre article ci-contre du 14 avril 2015) et à l'exposition universelle 2025 dont "je souhaite que le projet soit présenté officiellement dès la fin mai". Il souhaite aussi que la candidature "intègre le cahier des charges du Bureau international des expositions – sans sacrifier ce qui fait son originalité".
Le Premier ministre a confirmé la nomination de Pascal Lamy, ex-directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), pour conduire la mission interministérielle. "Il devra identifier les moyens nécessaires à la réussite de cette candidature et en particulier construire le consensus entre tous les acteurs impliqués", en lien avec ExpoFrance. "Ce dispositif doit s'appuyer sur trois piliers : les collectivités - ville de Paris, région Ile-de-France notamment -, les partenaires fondateurs, et les autres acteurs privés", a ajouté le Premier ministre. Il a enfin annoncé qu'il demanderait au ministre de l'Economie "d'encourager le mécénat d'entreprise par le biais d'une nouvelle fondation. Un dispositif équivalent accompagnera le financement de la candidature olympique".
En matière d'emploi, on retiendra surtout la création d'un site hébergé par Pôle emploi sur "le Grand Paris de l'emploi", le recours aux clauses d'insertion dans les chantiers et la lutte contre le travail illégal.
Le prochain comité interministériel sur le Grand Paris se tiendra en octobre 2015.