Universités - Plan Campus : "Zéro PPP à Paris"
"Dans la reconfiguration des opérations Campus, j'ai rompu avec ce dogmatisme du tout PPP pour privilégier les procédures les plus efficaces, les plus collégiales, au service de l'intérêt général", a déclaré la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso, lundi 11 mars, à Aubervilliers, à l'occasion de la signature de l'acte d'acquisition d'une partie du foncier qui accueillera le futur campus Condorcet Paris-Aubervilliers.
Cette signature marque non seulement la volonté de "remettre en mouvement ce beau projet Condorcet", mais aussi, plus généralement, la relance de treize projets immobiliers universitaires parisiens (voir la carte ci-contre) prévus pour la période 2013-2018 par le plan Campus, avec une réorganisation de la gestion des opérations.
Une dotation unique et des prêts de la BEI
Les projets parisiens seront financés par une enveloppe annuelle de 28 millions d'euros, issue d'une dotation de l'Etat de 700 millions d'euros bloquée pendant au moins 25 ans. Si cette dotation n'est pas nouvelle, elle est désormais unique (les 700 millions d'euros étant auparavant découpés en six sous-dotations).
Les revenus de cette dotation s'élèveront à 168 millions d'euros sur six ans, ce qui sera insuffisant pour financer la totalité des projets dont le coût total est estimé à 250 millions d'euros. C'est pourquoi, pour les années où les revenus de la dotation ne permettront pas de faire face aux paiements, la ministre a ouvert "par décret la possibilité de recourir à des prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) et de la Caisse des Dépôts, prêts qui seront remboursés par les revenus de la dotation sur 25 ou 30 ans", a annoncé Geneviève Fioraso, ajoutant qu'"un comité de programmation [...] sera mis en place pour décider et suivre les projets. Il affectera l'argent là où les projets seront prêts". Le comité de programmation associera le rectorat, le ministère, la direction du Budget et les Pres (ou les entités qui leur succéderont). "Je souhaite que la région Ile-de-France et la ville de Paris soient étroitement associées à ces décisions structurantes pour le territoire", a précisé la ministre.
Une économie de 10%
Car les treize projets proposés pour la programmation 2013-2018 ne constitueraient qu'une première vague. Ce sont ceux que le rapport Peylet avait identifiés comme "stratégiques, prioritaires et prêts à partir".
Quoi qu'il en soit, il n'est plus question de recourir aux partenariats public-privé : "En dehors d'une partie de la première phase de Condorcet, zéro PPP à Paris", a déclaré exactement Geneviève Fioraso, car "la taille des projets, leur complexité réduite ne justifiaient pas le recours aux contrats de partenariat". "Au total, l'impact de ces mesures sur la dette consolidée permettra une économie de l'ordre de 10% par rapport à un montage tout PPP", assure la ministre.
Geneviève Fioraso a justifié son choix d'abandonner la formule du tout PPP en s'appuyant sur le rapport Peylet qui "n'est pas très élogieux sur l'utilisation généralisée et inconsidérée des PPP", a-t-elle rappelée (voir également notre article ci-contre du 29 octobre 2013), et sur celui de l'inspection générale des Finances (voir encadré ci-dessous).
La ministre a également eu un mot pour les collectivités en assurant en début de discours que "d'expérience, les projets avancent d'autant mieux qu'ils sont portés par une motivation forte des élus et des collectivités territoriales".
Valérie Liquet
L'IGF recommande également d'interdire aux universités le recours aux PPP
"Pour les Odac (organismes divers d'administration centrale) [dont les pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les universités, ndlr], l'interdiction de recourir directement aux PPP (partenariats public-privé) serait pleinement justifiée", écrit l'IGF (inspection générale des Finances) dans un rapport daté de décembre 2012, dont AEF a eu copie. L'IGF avait été saisie en mars 2012 par François Barouin, alors ministre de l'Economie, d'une mission d'évaluation des PPP portant sur les plans juridique, économique et financier. L'inspection y formule 30 propositions. Elle y constate également une "inflation du recours au PPP", notant que la France est passée de 9 contrats signés annuellement en 2005 à 52 en 2011. Autre indicateur : les PPP représentaient 0,2% de l'investissement public en 2005, contre 12,2% en 2011. 13% des PPP signés en France l'ont été dans le domaine de l'enseignement supérieur.
L'inspection considère que les Odac "ne peuvent pas, par définition, accumuler de l'expérience en matière de PPP", et même que "les PPP peuvent constituer, s'ils sont signés par un Odac, un 'point de fuite budgétaire' pour l'Etat". Rappelant que "les Odac n'ont plus, depuis 2011, l'autorisation de s'endetter, ce qui crée un biais au sein des différents instruments de la commande publique en faveur du recours aux PPP", l'IGF estime qu'il "conviendrait donc d'inclure les PPP dans l'interdiction de recours à l'emprunt des Odac et de favoriser le portage direct des projets par l'Etat".
Considérant que pour le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche "l'utilisation du PPP représente des risques importants", la mission de l'IGF concède que "pour les PPP qui seraient néanmoins réalisés, le service des grands projets immobiliers du ministère pourrait utilement mener le dialogue compétitif et négocier le contrat de partenariat en lien avec les établissements concernés". Elle considère plus généralement que "les acheteurs publics devraient se doter de structures centralisées capables de préciser l'expression des besoins, de fonctionner en 'mode projet' et de conduire efficacement les dialogues compétitifs".
Le rapport montre que "le recours aux PPP s'explique principalement [dans 75% des cas, ndlr] par des motifs d'ordre budgétaire". Il cite l'exemple du projet de Paris-IV Clignancourt, prévu initialement en MOP (maîtrise d'ouvrage publique) où "la suppression des crédits initialement fléchés a incité l'université et le ministère à conduire l'opération en PPP, de manière à sécuriser les crédits".
L'IGF pointe également la stratégie de l'Etat consistant à "contourner les normes budgétaires" (normes de dépense annuelle), en ce sens que le PPP permet de différer les dépenses et de les lisser sur la durée du contrat. Ce qui, d'une part, "l'incite à investir au-delà de ce que ses ressources lui permettraient d'envisager" et, d'autre part, "fait courir le risque de surpayer un investissement, en l'absence de toute preuve sur l'efficience des PPP, et peut inciter à investir dans des projets manifestement surcalibrés".
AEF Enseignement supérieur