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Commande publique - Les PPP entre stabilité juridique et instabilité financière

Après une première journée placée sous le signe de la pédagogie en direction des acheteurs publics et élus locaux (voir notre article ci-contre), la deuxième journée des Rencontres internationales des partenariats public-privé (PPP) organisées le 21 et 22 octobre a été l'occasion de débattre notamment des effets de la crise sur le montage des projets.

 

Des taux d'intérêts élevés incitent à la prudence 

La crise se traduit par une baisse des liquidités, une réduction des durées de financement, un renchérissement des coûts et une limitation de la validité des offres de financement. Des projets encore envisageables il y a moins d'un an ne le sont plus aujourd'hui et la question des sources de financement - ou plus précisément des stratégies de financement des PPP - est clairement posée. François Bergère, secrétaire général de la Mission d'appui à la réalisation des partenariats public-privé (Mappp), tient toutefois à préciser que si ces difficultés sont réelles, elles concernent principalement les projets de grande envergure, c'est-à-dire les PPP de plus de 100 millions d'euros. Un certain nombre d'outils issus du plan de relance - tels que la garantie de l'Etat, le préfinancement par la personne publique ou le bouclage du financement après remise de l'offre finale - devraient néanmoins permettre d'assurer la pérennité des projets majeurs.
Ce contexte économique tendu semble toutefois présenter un aspect positif. La raréfaction des financements et l'enchérissement de leur coût conduisent à une évaluation plus exigeante des projets. La crise replace ainsi la qualité du projet - et non son financement - au centre des préoccupations des décideurs publics.

 

La Cour des comptes attentive sur les PPP : gare au "démontage budgétaire"

Selon André Barbé, conseiller-maître à la Cour des comptes, le contrôle financier des PPP par les chambres régionales des comptes devrait s'amorcer dans les mois à venir. Les magistrats contrôleront non seulement la régularité formelle du contrat mais également la  "volonté politique" de la collectivité. En effet, l'un des avantages du recours au PPP est de limiter la dette de la collectivité en faisant sortir le coût du projet de la section investissement pour le faire figurer dans la section fonctionnement. Les juges seront donc attentifs à la sincérité et à la qualité des arguments présentés à l'issue de la phase d'évaluation : ils vérifieront que l'argument budgétaire n'a pas conduit à négliger d'autres éléments et notamment la performance de la dépense publique.

 

Une stabilisation du cadre juridique des PPP

La plupart des intervenants se sont félicités de l'arrivée à une forme de "maturité" des PPP, de la qualité des textes législatifs et réglementaire adoptés ces derniers mois.
Jérôme Grand d'Esnon, l'ancien directeur des affaires juridiques de Bercy, désormais avocat associé au cabinet Landwell, a émis cependant trois regrets. Tout d'abord, la nouvelle réglementation n'a pas fait disparaître les "ancêtres" des PPP, que sont la loi d'orientation et de programmation pour la justice (Lopji) et la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi). Il juge que rien ne justifie aujourd'hui le maintien de ces contrats moins contraignants que les PPP, qui n'imposent pas d'évaluation préalable. Par ailleurs, il déplore le vide juridique entourant la problématique de la délégation de service public dans les PPP. En effet, même si en pratique le partenaire privé peut exercer une mission de service public liée à l'investissement, les textes sont très ambigus en ce qui concerne cette possibilité. Il faudra donc attendre que le juge administratif se prononce sur cette pratique ou que le législateur remette l'ouvrage sur le métier. Enfin, il regrette que le Conseil d'Etat ait choisi de soumettre les PPP aux directives européennes. Cette approche lui semble trop contraignante : elle limite le recours au dialogue compétitif qui semble pourtant être la procédure la plus pertinente pour ce type de contrat. En dépit de ces imperfections, Jérôme Grand d'Esnon, comme la quasi-totalité des participants à ces journées, ont dit leur bonheur de travailler désormais dans un cadre juridique "très largement modernisé".

 

L'Apasp