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Mobilité - Financement des transports du Grand Paris : Gilles Carrez maintient ses propositions

Dans le rapport définitif qu'il a remis le 30 septembre à François Fillon, le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale Gilles Carrez, qui avait été chargé par Nicolas Sarkozy d'étudier le financement des projets de transports du Grand Paris, a maintenu la nécessité de réaliser les 35 milliards d'euros d'investissements annoncés en deux phases. Gilles Carrez, qui s'est appuyé sur des techniciens et des élus, souligne en outre que "la réussite du volet transports du Grand Paris passe par un accord explicite entre l'Etat et la région d'Ile-de-France compétente pour les transports et le schéma régional d'aménagement". La première phase d'investissements qu'il préconise - 24,4 milliards d'euros à l'horizon 2025 - permettrait de réaliser une rocade ferroviaire express autour de Paris (le projet Arc Express), le prolongement de la ligne 14 du métro au sud vers Orly et au nord à Pleyel, l'amélioration de la desserte de Roissy, la reconfiguration du réseau RER, sa modernisation ainsi que le prolongement du RER E (Eole) à l'ouest.
Le rapporteur retient aussi les opérations relevant de la logique actuelle des contrats de projets Etat-région et intéressant notamment les moyenne et grande couronnes comme le déploiement de bus à haut niveau de service ou l'offre de rabattement sur les pôles d'échange. Figurent également les programmes de rénovation de matériel roulant et de mise en accessibilité aux personnes handicapées.
Gilles Carrez chiffre à 43,2 milliards d'euros les besoins de fonctionnement sur la période 2010-2025, réduits par emprunt à 38,2 milliards. Pour les financer, il prône d'augmenter deux fois les taux du versement transport (VT) des entreprises de 0,1 point (en 2010 puis en 2020) et d'"actualiser le zonage du VT" en intégrant en zone 2 l'ensemble de l'agglomération au sens de l'Insee. Il propose aussi une revalorisation de la tarification à un rythme "qui ne dépasse pas celui du pouvoir d'achat", sa restructuration profonde et sa modulation dans le temps, pour tenir compte des heures de pointe et des vacances. La contribution des usagers serait de 13 milliards d'euros, celle des employeurs de 14,5 milliards, et les contributions publiques devraient croître à un rythme de 4,2 points au-dessus de l'inflation, "exigeant un effort au niveau de la fiscalité régionale et départementale que la réforme de la taxe professionnelle rend plus difficile".
Pour financer les investissements, le rapporteur préconise une poursuite de l'effort budgétaire, la modernisation des ressources fiscales assises sur les bureaux, les commerces et les locaux de stockage, une double contribution des usagers de la route (écoredevance poids lourds à partir de 2013 et relèvement à 20 euros des amendes de stationnement). Contribueraient aussi au financement la fiscalité (mise en place d'une taxe spéciale d'équipement additionnelle), une taxe additionnelle à la taxe de séjour et les recettes de valorisation foncière, dont il n'attend que quelques centaines de millions d'euros.
Tout ceci rapporterait 17,6 milliards d'euros, laissant apparaître un solde à financer de 5,8 milliards. Pour le couvrir, il propose un emprunt de 9,3 milliards d'euros, "fléché" sur Eole, la ligne 14 et la rocade Arc Express. Au total, Gilles Carrez propose donc de recourir à l'emprunt à hauteur de 20,3 milliards d'euros (9,3 pour l'investissement et 11 pour le fonctionnement).

 

Interrogations de Jean-Paul Huchon

Dans un communiqué, le président du conseil régional d'Ile-de-France a estimé ce 1er octobre que le rapport Carrez "conforte la pertinence" et "l'urgence" de son propre plan de "mobilisation pour les transports". Jean-Paul Huchon, qui préside également le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), "constate" que ce rapport "souhaite une accélération du lancement des projets" de transport pour l'Ile-de-France. Il demande un "engagement formel et financier de l'Etat sur la réalisation de ce plan" dont le montant de 18,95 milliards d'euros est jusqu'à présent à la charge de la région, du Stif et des conseils généraux.
Le président de la région s'interroge cependant sur "la compatibilité des conclusions du rapport Carrez avec les desseins du gouvernement sur le Grand Paris". Il se déclare "très inquiet des dispositions inscrites à l'avant-projet de loi Grand Paris- du moins dans la dernière version dont il dispose - qui permettrait selon lui au gouvernement de retarder de plus d'un an le lancement de ces projets essentiels pour la vie des Franciliens", comme l'Arc Express, la ligne 14 et le prolongement du RER E à l'ouest.
De son côté, l'association Transport Développement Intermodalité Environnement (TDIE) qui regroupe l'ensemble des acteurs de la mobilité en Ile-de-France décerne plusieurs satisfecit à la mission Carrez : le recours à l'emprunt, "qui est une évidente nécessité", "la levée d'un tabou sur le VT", "l'absence de toute démagogie (…) sur les recettes tarifaires" ou la réaffectation à la région de recettes à base uniquement régionale, en particulier la taxe sur les bureaux. Mais elle s'inquiète de l'affectation au Grand Paris d'une partie de la recette générée par l'écotaxe poids lourds à hauteur de 100 millions d'euros par an ou plus, ce qui réduirait sa participation au financement de l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf). "Sans être illégitime, elle encouragerait une revendication de chaque région à percevoir des financements égaux aux recettes générées et sonnerait la fin de la péréquation (…) pour cette taxe dont le produit, pourtant ne sera pas comparable d'un département à l'autre". TDIE regrette aussi une "impasse fâcheuse" sur les pôles gares et "une bien trop grande timidité sur le stationnement payant". L'association formule aussi plusieurs propositions de recettes à étudier et à inclure dans le plan de financement : l'affectation au Grand Paris des dividendes, dans un premier temps, puis de la cession des participations de l'Etat dans Aéroports de Paris (ADP), une surtaxe exceptionnelle sur les places de stationnement publiques gérées par ADP, l'affectation du produit de la cession par l'Etat de biens immobiliers peu utilisés et à faible rentabilité ou encore le recours à l'épargne populaire.

 

Anne Lenormand avec AFP