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Contrats de partenariat - Alain Rousset sonne la charge contre les PPP

En période de vaches maigres, le recours aux partenariats public-privé peut être séduisant. Mais le président de l'ARF met en garde contre ses effets pervers : bombe à retardement sur les finances publiques, perte de compétence et d'ingénierie pour les collectivités, et PME évincées des marchés...

Une "mécanique infernale" : c'est l'expression qu'Alain Rousset, le président des régions de France a utilisé, le 3 octobre, pour qualifier les partenariats public-privé (PPP). Cet outil, créé par une ordonnance de 2004 sur le modèle britannique, est pourtant adulé par les élus. Un sondage réalisé par l'Ifop en 2011 montrait que les trois quarts des élus de villes de plus de 10.000 habitants en avaient une bonne opinion. En période de vaches maigres, le recours au privé a bien des avantages en effet. Le principe du PPP est de confier à une entreprise la construction, puis l'exploitation et l'entretien d'un équipement de service public. L'entreprise prend en charge les investissements et se fait ensuite payer par les loyers versés par la collectivité sur une durée variable, souvent de plusieurs décennies.
Dans l'immédiat, il permet donc d'engager des investissements sans grever le budget de la collectivité. C'est ce qui a par exemple conduit le conseil général de Seine-Saint-Denis, pris à la gorge financièrement, à recourir au PPP pour la construction de cinq collèges en début d'année. L'une des plus grosses opérations de ce type pour l'Education nationale, mais vivement critiquée par les syndicats.
Pour le président de la région Aquitaine, le contrat de partenariat représente une bombe à retardement : "Cette période de rigueur impose des choix, mais le PPP renvoie le choix sur les générations futures", a-t-il dénoncé, mercredi, à l'occasion du renouvellement de la signature de la Charte des services publics locaux qui fête ses dix ans, aux côté de Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), de Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), et d'Alain Dupont, président de l'Institut de la gestion déléguée (IGD).

Série de couacs

En quelques années les PPP se sont imposés dans tous les domaines : grand stade de Lille, ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, nouveau zoo de Vincennes... Mais une série de couacs est venue ternir leur image, comme le fameux "Pentagone" à la française, futur siège du ministère de la Défense livrable en 2015, qui devrait coûter pas moins de 3,5 milliards d'euros de loyers à l'Etat sur un bail de vingt-sept ans. Ou encore le centre hospitalier sud-francilien (CHSF) entre les villes d'Evry et Corbeil-Essonnes qui a ouvert en janvier avec un an de retard. Ce qui devait être le fleuron de l'hôpital public s'est transformé en fiasco financier. Dès septembre 2010, la chambre régionale des comptes avait critiqué un projet "surdimensionné et très coûteux". Ici, le loyer est d'environ 40 millions d'euros par an, pendant trente ans... Ces précédents ont conduit l'actuel gouvernement à faire machine arrière avec le canal Seine Nord.

Grands groupes

Les défauts du PPP ne sont pas que d'ordre financier. Alain Rousset s'en est également pris au mode de sélection des entreprises qui ne permet pas aux PME ou aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) de se faire une place. De fait, les PPP sont généralement attribués aux grands groupes : les champions du BTP (Bouygues, Eiffage, Vinci, etc.) se taillent la part du lion. Lors du lancement du plan Campus à Bordeaux, "les ETI d'Aquitaine, même rassemblées, ne pouvaient pas postuler", s'est offusqué Alain Rousset, critiquant le recours dogmatique au PPP dans ce vaste programme de rénovation des universités françaises. Selon lui, les PPP font peser un dernier risque aux collectivités : en déléguant la maîtrise d'ouvrage au privé, elles vont vite se trouver impotentes. "Il faut que les collectivités ne perdent pas l'ingénierie et le contrôle, y compris pour les services qu'elles délèguent." "Si nous perdons cette compétence, nous ne ferons pas le travail que nos concitoyens attendent de nous", a-t-il mis en garde.
L'Institut de la gestion délégué, à l'origine de la création des PPP en France, reconnaît ses imperfections. Il a notamment mis en place un groupe de travail pour faciliter l'accès aux PME. Pour son président Alain Dupont, qui a pris la succession de Claude Martinand décédé en juin dernier, "chacun a en effet conscience à présent que les partenariats public-privé au sens large, pour être durables, doivent reposer sur une relation équilibrée dans laquelle le concédant joue pleinement son rôle d'autorité organisatrice du service et donc de contrôle du concessionnaire".