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Rénovation urbaine / Grand Paris - Et si le Grand Paris avait son programme Anru ?

L'étude du comité d'évaluation et de suivi de l'Anru sur "La rénovation urbaine au coeur du Grand Paris" tombe à pic. Les suggestions du comité, comme un PNRU 2 conçu pour la métropole parisienne, pourraient bien en inspirer plus d'un, alors que Jean-Marc Ayrault doit annoncer dans les prochains jours l'enveloppe du nouveau programme national de rénovation urbaine, alors que François Lamy peaufine son projet de loi sur la réforme de la politique de ville qui comprendra un volet "Ile-de-France", alors que les députés tenteront à la mi-juillet de trouver un consensus pour donner naissance au futur Grand Paris métropole et à son schéma régional de l'habitat, alors que s'est ouverte l'exposition "Habiter le Grand Paris" présentant la vision des architectes de l'Atelier international du Grand Paris, alors que tout semble encore possible...

"La réalisation des deux futures gares du métro Grand Paris Express, Sevran-Beaudotte et Sevran-Livry, à l'horizon 2023 impacte directement la vie quotidienne de celles et ceux qui vivent, étudient ou travaillent à Sevran." Voici un maire de banlieue parisienne (en l'occurrence Stéphane Gatignon) qui entend bien ne pas laisser passer la chance que représente le Grand Paris pour les habitants de sa ville et notamment ceux de ses grands ensembles. Au moins dans son discours (voir également notre encadré ci-dessous), le maire de Sevran est totalement en phase avec celui de la récente étude du comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'Anru qui vient d'être publiée à La Documentation française, intitulée "La rénovation urbaine au coeur du Grand Paris" et réalisée avec Algoé Consultants.
Car, jusqu'à présent, "malgré les investissements records du PNRU en Ile-de-France avec plus de 19 milliards d'euros sur la période 2003-2018, et le fait qu'un million de personnes vivent dans les quartiers concernés, la problématique des grands ensembles n'a pas été centrale dans les débats du Grand Paris", constate avec regret Yasid Sabeg, président du CES de l'Anru, dans le préambule de l'ouvrage.

Une déclinaison du PNRU 2 pour la métropole parisienne

La première proposition du comité n'est pas nouvelle mais elle est d'autant plus d'actualité que se prépare le nouveau programme national de rénovation urbaine (le NPNRU ou PNRU 2, comme on le surnommait jusqu'à présent) sensé prolonger le programme engagé en 2003 par Jean-Louis Borloo.
Le CES suggère d'élaborer un programme métropolitain de rénovation urbaine (PMRU) qui servirait de cadre aux conventions avec l'Anru signées par les intercommunalités. Le PMRU "permettrait d'appréhender correctement les spécificités des quartiers de la zone dense et de leur intégration dans la métropole, en terme de désenclavement, d'accès à l'emploi mais aussi de création d'activité au cœur des quartiers", argumente l'étude du CES.
Réciproquement, le PMRU comprendrait ce que les quartiers de la rénovation urbaine pourraient apporter au projet du Grand Paris, en termes de disponibilités foncières pour la construction de logements (sociaux et privés) ou le développement d'activités économiques, mais aussi en terme de "potentiel de main-d'oeuvre", de "jeunesse", de "dynamisme".

75 % de reconstruction hors site

Plus précisément, le comité souhaite que le PMRU permette de réviser la règle du 1 pour 1 (1 démolition / 1 reconstruction) en proposant une mutualisation à l'échelle métropolitaine des projets de rénovation urbaine, via une gouvernance unique du volet Habitat. Le principe serait alors de reconstruire au minimum 75% des logements sociaux hors site et 50% de logements aux loyers très sociaux (PLAI). Cette gouvernance unique pourrait ainsi imposer des objectifs de mixité sociale, et aussi donner une chance à une autre vieille ambition jamais suivie des faits : "le rééquilibrage de la répartition du logement social entre l'est et l'ouest de la métropole".
Dès lors, le PMRU pourrait comprendre un volet sur la rénovation du parc privé des copropriétés dégradées, un autre définissant des objectifs en termes d'intensification des quartiers, de traitement des friches et des zones tampons entourant les quartiers en rénovation urbaine, ainsi qu'un volet sur la diversification de l'habitat et des fonctions.
Et naturellement, le grand pari de "lier le développement des quartiers avec une articulation fine aux réseaux de transport existants et projetés, et notamment le Grand Paris Express".

Des subventions Anru selon l'intégration métropolitaine

D'autant que, parmi ses propositions, le CES de l'Anru suggère d'"adapter la géographie prioritaire et les moyens mobilisés en fonction du niveau d'intégration des quartiers à la dynamique métropolitaine". Il s'agirait plus précisément que l'Anru module ses financements en fonction, non pas du seul revenu par habitant (comme l'envisage le ministère dans le cadre des contrats de ville), mais aussi de "l'influence positive des marchés métropolitains" sur les quartiers en rénovation urbaine, en termes d'emploi, de formation, d'immobilier, de services… ainsi que du niveau d'accès au réseau de transport métropolitain.
Dès lors, quatre types de quartiers sont identifiés, dont trois seulement relèveraient du programme métropolitain de rénovation urbaine spécifique au Grand Paris.
Le premier correspond aux quartiers qui, de par leur situation (en proche couronne parisienne, à proximité immédiate de pôles gares ou de pôles d'emplois attractifs) sont déjà dans la dynamique métropolitaine et n'auraient plus besoin "prioritairement" des aides Anru (le PNRU 1 ayant fait son oeuvre). Ce sont le Chaperon Vert à Arcueil et Gentilly, le Noyer Doré à Anthony, certains quartiers des Hauts-de-Seine... Pour eux, deux types d'intervention seraient toutefois nécessaires : la lutte contre les copropriétés dégradées (qui ne faisait pas partie de la cible du PNRU en 2003) et le traitement (voir la reconversion) des zones d'activités et industrielles également dégradées.

Ne pas lâcher les exclus de la dynamique métropolitaine

La deuxième famille identifiée par le CES de l'Anru regrouperait ceux qui "souffrant d'un enclavement très lourd" demeureraient "exclus des dynamiques métropolitaines et considérés comme 'hors marché' ". Pour ceux-là (quartiers Nord d'Aulnay-sous-Bois, de Villiers-le-Bel, Est de la Seine-Saint-Denis), le comité estime que la mobilisation de l'Anru doit se poursuivre "pour espérer à long terme inverser durablement la tendance".
Le troisième type de quartiers est certainement celui où l'intégration à la dynamique métropolitain relève du pari à jouer, à une opportunité formidable qu'il s'agirait de ne pas laisser passer. Situés à proximité d'une future gare "Grand Paris Express", ces quartiers encore très enclavés aujourd'hui malgré le passage du PNRU 1 devraient encore, selon le comité, bénéficier d'investissements. Ces investissements ne seraient plus pour "réparer", mais pour "anticiper l'arrivée de l'infrastructure de transport, de manière à maximiser ses effets, au travers de mise en service de nouvelles offres locales de transport, d'actions de formation, de gestion de compétences, de restructuration urbaine…" C'est tout l'enjeu des quartiers de la Boucle Nord des Hauts-de-Seine, d'Aulnay-sous-Bois ou encore de Clichy-Montfermeil, selon le CES de l'Anru.
Enfin, le comité a identifié une quatrième famille de quartiers, situés en grande couronne et que l'influence métropolitaine a peu de chance de toucher : grand ensemble de Meaux, quartiers Nord de Melun, Val Fourré à Mantes-la-Jolie… Ces quartiers n'auraient pas vocation à faire partie d'un PMRU spécifique au Grand Paris, mais s'intègreraient au PNRU 2 national.

Articulation conventionnement Anru et CDT

Enfin, le comité suggère d'articuler le conventionnement Anru (et donc les futurs contrats de ville) avec la prochaine génération de Contrats de développement territoriaux, même s'il a conscience des différences entre les deux dispositifs. Le premier étant caractérisé par sa "souplesse" et le second par sa "rigueur", sur tous les plans : définition de projets, tour de table financier, partenariat, périodicité…
Le comité regrette ainsi qu'"aucun tour de table et dispositif partenarial n'est prévu au-delà des signataires du CDT", lesquels sont "limités par la loi aux seules collectivités territoriales avec l'Etat", rappelle-t-il. "Il en découle une relative mise à l'écart des acteurs économiques ou du logement (bailleurs, promoteurs) alors qu'ils sont les premiers concernés par le contenu, voir le portage de certains projets inscrits dans les CDT", observe le comité, suggérant qu'à l'avenir l'Etat conditionne sa signature à l'association des acteurs économiques et du logement qui interviennent dans les projets de rénovation urbaine.

Valérie Liquet

  Le maire de Sevran rêve d'une "urbanité renouvelée" par le Grand Paris

"La réalisation des deux futures gares du métro Grand Paris Express, Sevran-Beaudotte et Sevran-Livry, à l'horizon 2023 impacte directement la vie quotidienne de celles et ceux qui vivent, étudient ou travaillent à Sevran", a déclaré son maire, Stéphane Gatignon, vendredi 28 juin, suite à la visite dans sa ville de représentants de la Société du Grand Paris. Il s'est également félicité de "l'engagement de la part des pouvoirs publics d'inscrire la ville dans la dynamique de développement urbain et économique du Grand Paris", que "ce projet représente un levier indispensable pour l'avenir de notre territoire, dans la mesure où les nouvelles gares permettront d'améliorer les conditions de transport, mais également de rendre la ville plus attractive", que "le Grand Paris Express constitue un premier pas vers la nouvelle métropole parisienne" dont un des objet est "celui d'oeuvrer à réduire les inégalités territoriales en Ile-de-France"… et localement, il invite ses partenaires à prendre conscience et à anticiper que "demain, tout autour de ces deux gares, nous construirons le nouveau visage de Sevran : celui d'une urbanité renouvelée. Nous devons l'imaginer sur la base de véritables lieux de vie tournés vers l'activité économique, le commerce, le sport, les loisirs et la culture. Nous devons continuer de penser la ville et le logement, mais nous devons aussi penser emploi, économie, transition énergétique et circuits courts de production et de distribution".
V.L.