Archives

Décentralisation - Grand Paris métropole passe à la trappe

Après avoir supprimé, le 31 mai, le pacte de gouvernance territoriale et l'encadrement des cofinancements, qui étaient l'une des pierres angulaires du projet de loi de décentralisation en cours d'examen, les sénateurs ont, le 3 juin, annulé la création, prévue pour le 1er janvier 2017, du syndicat mixte Grand Paris métropole.

Par 162 voix contre 157, les sénateurs ont voté la suppression de l'article 10 du projet de loi, qui, initialement, prévoyait l'achèvement de la carte intercommunale dans la petite couronne francilienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). Des intercommunalités à fiscalité propre de plus de 300.000 habitants devaient, ainsi, voir le jour autour de Paris. L'abaissement de ce seuil à 200.000 habitants, auquel avait procédé, le 15 mai, la commission des lois, n'a pas suffi à calmer la colère des élus. Se posant en défenseurs des communes, ceux-ci ont critiqué une intégration intercommunale "imposée" et une condition de population trop élevée. Philippe Dallier (UMP) a, pour sa part, dénoncé le projet du gouvernement, parce qu'il "signe l'échec de la métropole intégrée", solution qu'il avait préconisée, en 2008, dans un rapport.
Après le rejet de l'article 10, les sénateurs ne pouvaient, par cohérence, que supprimer l'article 11 portant sur le schéma régional de coopération intercommunale. Ce schéma devait être élaboré, avant le 1er septembre 2014, par le préfet et la commission régionale de la coopération intercommunale. Il devait être approuvé au plus tard le 28 février 2015.

Réapparition du fonds de solidarité entre les départements

La suppression de l'article 10 a remis en cause également l'article 12 créant le syndicat mixte "Grand Paris métropole". En effet, le projet de loi prévoyait que la nouvelle structure serait administrée par un conseil métropolitain réunissant le maire de Paris et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Ce choix supposait la généralisation de l'intercommunalité à fiscalité propre dans la petite couronne.
Conséquence, toujours, de la suppression de l'article 10, l'article 13 disparaît. Dans le but d'atteindre l'objectif de 70.000 nouveaux logements par an en Ile-de-France, il confiait à la région le soin d'adopter avant septembre 2016 un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH). Grand Paris métropole aurait eu pour mission d'élaborer, dans un délai d'un an après sa création, un plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement (PMHH) déclinant les objectifs du SRHH. Le logement devait être, en effet, sa raison d'être, depuis que la commission des lois du Sénat a, le 15 mai, réduit à cette unique compétence l'action de l'établissement public.
A l'inverse des décisions de suppression concernant la gouvernance de Grand Paris métropole, les sénateurs ont réintroduit dans le texte le fonds de solidarité pour les départements franciliens, que la commission des lois avait supprimé (la commission des finances étant du même avis). En fait, les sénateurs n'étaient pas opposés à un tel fonds mais ils le jugeaient perfectible, en particulier du fait que la Seine-Saint-Denis devait percevoir, à elle seule, les trois quarts de ses 60 millions d'euros. Dans cet esprit, l'amendement signé par Vincent Eblé, président du conseil général de Seine-et-Marne, instaure le fonds et renvoie à "une loi de finances" la définition de son montant et de ses modalités.

"Pas d'alternative"

Les sénateurs ont approuvé sans modifications les articles 15, 16 et 17 qui renforcent la coordination entre les organismes en charge des transports en commun dans l'agglomération parisienne (Syndicat des transports d'Ile-de-France et Société du Grand Paris). Ils ont retouché à la marge les dispositions concernant la gestion du quartier d'affaires de la Défense.
En rejetant les dispositions sur Grand Paris métropole sans proposer d'"alternative", la Haute Assemblée "risque de faire perdre, de nouveau, un temps précieux aux habitants d’Ile-de-France, déjà largement pénalisés par le manque de logements, la précarité énergétique et les écarts de richesses d’une commune à l’autre", a estimé dans un communiqué, la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique.
Les réactions d'élus franciliens n'ont pas manqué. "L'urgence est à la simplification de la carte administrative pour réduire les dépenses publiques" et non à "marier de force les communes au sein de vastes intercommunalités et à créer une nouvelle strate administrative avec la métropole de Paris, compétente en matière d'urbanisme", a ainsi affirmé dans un communiqué Valérie Pécresse, présidente du groupe UMP à la région. On relèvera au passage que l'auteur de l'amendement de suppression de la métropole de Paris n'est autre que le sénateur UMP des Hauts-de-Seine et président de la commission des Finances du conseil régional, Roger Karoutchi. Le groupe EELV a pour sa part parlé de "premier acte manqué pour la démocratie locale", en estimant toutefois que la métropole de Paris telle que prévue aurait "coupé la région en deux en opposant citoyens du centre et citoyens de seconde zone". Quant au député PS de Paris Jean-Marie Le Guen, qui se dit "consterné", il ne peut que compter sur l'Assemblée nationale pour rendre au texte désossé "son ambition initiale de construire une métropole efficace, démocratique et solidaire".

Thomas Beurey / Projets publics

… mais feu vert à la création de la métropole de Lyon

Le Sénat a en revanche donné ce mardi 4 juin son feu vert à la création au 1er janvier 2015 de la métropole de Lyon. L'article 20 du texte créant cette nouvelle collectivité territoriale de plein exercice a été voté par tous les groupes (PS, UMP, UDI-UC, RDSE, Ecologistes), à l'exception des communistes (CRC) qui ont voté contre. Cette métropole lyonnaise résultera de la fusion de la communauté urbaine de Lyon et de la portion du département du Rhône située sur le périmètre urbain. Elle sera dotée de compétences très étendues reprenant celles du département, principalement l'action sociale, mais aussi certaines compétences régionales, avec les financements afférents. D'ailleurs, les questions financières n'ont pas été jugées suffisamment abouties et les sénateurs, avec le gouvernement, ont décidé de mettre en place un groupe de travail pluraliste sur cette question pour affiner les propositions avant la fin de la navette parlementaire. La métropole pourra également reprendre des politiques exercées par les communes membres, mais aussi leur en déléguer, par exemple en matière d'action sociale. L'Etat pourra déléguer à la métropole des compétences en matière de logement. Elle comprendra trois organes : une assemblée délibérante (le conseil de la métropole), des conférences consultatives locales des maires et une conférence métropolitaine des maires chargée d'élaborer un pacte de cohérence entre métropole et communes. Ronan Dantec (Ecologistes) a soutenu la métropole mais a regretté "l'absence de la région Rhône-Alpes" dans le processus et que l'élection directe des conseillers métropolitains n'intervienne qu'en 2020. Le groupe CRC a dénoncé par la voix de Cécile Cukierman "la tutelle d'une collectivité sur toutes les autres" et "la fin programmée des communes", demandant, en vain, un référendum auprès de la population lyonnaise. Localtis reviendra sur l'examen de ce volet du texte dans une prochaine édition.
C.M., d'après AFP