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Décentralisation - Les élus locaux attendent du Sénat qu'il corrige la réforme Lebranchu

La commission des lois du Sénat examinera, le 15 mai prochain, le premier des trois projets de loi de décentralisation présentés en Conseil des ministres le 10 avril dernier. Un texte qui traite de la clarification des compétences et institue des métropoles dans les plus grandes agglomérations. Les sénateurs ont, de ce fait, auditionné, du 23 au 25 avril, une quarantaine de personnalités, en particulier des représentants des associations d'élus locaux et les ministres en charge du dossier. Les élus locaux ont appelé à des clarifications. Et demandé tant au gouvernement qu'au législateur de leur faire confiance. Les sénateurs ont dit avoir entendu le message. Désireux d'un texte plus simple, ils ont promis un "élagage".

En scindant la copieuse réforme de la décentralisation en trois textes plus digestes, le gouvernement espérait apaiser la colère des élus locaux. Finalement, ce découpage décidé en catastrophe, suscite, lui aussi, des interrogations. Ainsi, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) redoute que le troisième texte – sur les départements et les solidarités territoriales – ne voie jamais le jour. Parmi les élus insatisfaits du découpage, on trouve aussi le président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et des sénateurs, qui auraient aimé plus de simplicité et de cohérence.
Comme la forme, le fond de la réforme est très critiqué. "La philosophie générale n'est pas claire", déplore Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, parle d'"usine à gaz". Du côté des associations d'élus locaux, la plus remontée est l'Association des maires de France (AMF). Le puissant lobby est vent debout contre la "mise sous tutelle" des communes que va impliquer, selon lui, la mise en place des schémas régionaux décidés sans concertation. "Les communes sont marginalisées, parfois réduites à une fonction d'exécution", déplore l'AMF. En dénonçant, par ailleurs, "une conception rigide de l'intercommunalité". Egalement mécontents, les maires ruraux dénoncent une réforme qui fait trop de place aux métropoles et pas assez au monde rural.
L'Association des régions de France (ARF) n'affiche pas non plus un grand enthousiasme. Son président, Alain Rousset, évoque "les immenses réserves" de ses collègues. "Nous sommes loin de l'acte fort de décentralisation qui s'impose", souligne-t-il.

"Les élus vont s'écharper"

L'une des grandes innovations, l'instauration de conférences territoriales de l'action publique (CTAP) à l'article 4 du premier projet de loi, doit permettre aux élus locaux d'organiser entre eux la répartition des compétences, de manière à l'adapter à la réalité locale. Avec les pactes de gouvernance, ces conférences pourraient aboutir à ce que des compétences majeures changent de main, puisque la gestion des lycées pourrait, dans ce cadre, revenir à certains départements, si l'on reprend un exemple cité par la ministre en charge de la Décentralisation lors de son audition, le 16 avril, devant la commission du développement durable du Sénat. Mais Marylise Lebranchu "n'attend pas de révolution sur le premier mandat des pactes de gouvernance". "A partir de la deuxième génération de pactes, il y aura certainement plus d'évolutions...", a-t-elle estimé.
Ces conférences sont-elles une marque de confiance envers les élus locaux, comme le prétend le gouvernement ? Les avis sont très partagés. Elles donnent "la souplesse, la liberté", estime Jean-Pierre Balligand, président délégué de l'Association des petites villes de France (APVF). Les présidents de l'ADF et de l'ADCF se disent également séduits. Mais les modalités concrètes doivent être améliorées selon eux. Sinon, les conférences seront pléthoriques, pointe Claudy Lebreton président de l'ADF. Qui, par ailleurs, préférerait une "présidence tournante" à un pilotage revenant de droit au président de la région. Les CTAP "doivent être des lieux où l'on fabrique du consensus, non des instances de décision", a critiqué, de son côté, Daniel Delaveau président de l'ADCF.
Un coup de griffe, en comparaison des obus tirés par le président de l'ARF contre ce "Sénat régional" à la "lourdeur effarante". Jean Germain, sénateur-maire de Tours, n'a pas été tendre non plus. "La conférence territoriale ne sera pas le pays des bisounours de la décentralisation : les participants s'écharperont", a-t-il prédit. Egalement du côté des détracteurs du nouveau dispositif : le sénateur Yves Krattinger, rapporteur en 2009 de la mission sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. "Un [élu] sur dix viendra pour savoir ce qu'il donnera aux autres, les neuf autres viendront chercher des sous. Drôle de conférence !", a-t-il déclaré. Plus souples dans leur organisation, la conférence des exécutifs, qui aurait fait ses preuves dans plusieurs régions, a la préférence des opposants à la CTAP. Le président de la commission des lois se range à leur avis : la CTAP "doit être complètement revue, laissons l'initiative aux élus locaux", a-t-il jugé.

Métropoles : des transferts de compétences à négocier

Sur l'instauration des métropoles, autre grande nouveauté, les questions sont très nombreuses. D'abord, quelles agglomérations doivent accéder à ce statut ? Le sujet avait été très débattu au moment de l'examen, en 2010, du projet de loi de réforme des collectivités. Il sera à nouveau, cette année, au menu des discussions parlementaires. Le texte de loi fixe un minimum de population de 400.000 habitants dans une zone urbaine de plus de 500.000 habitants. Mais, comme ils l'ont fait sous la précédente législature, les maires de grandes villes et l'Assemblée des communautés de France (ADCF) militent pour la prise en compte "des fonctions métropolitaines". Pourquoi des agglomérations comme Clermont-Ferrand ou Nancy, qui disposent d'un aéroport, d'une université, d'un hôpital et de pôles de compétitivité ne pourraient-elles pas, elles aussi, rejoindre le club des métropoles ? Ces exemples ont déjà été cités par l'Association des maires de grandes villes de France. Ils ne sont pas limitatifs. Si la porte était grande ouverte, des agglomérations comme Tours feraient acte de candidature. Sur le nombre des métropoles, la position du rapporteur de la commission des lois, René Vandierendonck est encore assez floue. Le "degré d'intégration de la compétence économique et de cohésion sociale" lui servira de cap. Avec la volonté de "résister à tous ceux qui voudront des métropoles... à leur niveau".
Sur les compétences des métropoles, il a, en revanche, une idée beaucoup plus claire. Il est opposé au transfert automatique des compétences départementales. A la place, il prévoit des délégations de compétences négociées localement. Ce qui satisfait le président de l'ADF. Des compétences régionales seraient déléguées selon les mêmes modalités. De quoi rassurer un peu le président de l'ARF. Mais, pas totalement. Celui-ci a rappelé sa crainte de "voir les régions régresser si l'on émiette la compétence de développement économique".

Effacement des communes ?

Le rapporteur - ainsi que le président de la commission des lois - ont voulu rassurer également les maires. Ceux-ci déplorent de ne pas être consultés lors de la création d'une métropole et, surtout, redoutent que la métropole monopolise l'essentiel des pouvoirs. Une remarque qui vaut pour toutes les métropoles, y compris celles qui auront un statut spécial. Du côté de Lyon, le maire de Villeurbanne se demande par exemple si le théâtre national populaire ne va pas être déplacé. S'agissant du cas de Marseille, Georges Cristiani, maire de Mimet, dénombre "quatorze compétences" qui seront "définitivement transférées à la métropole". Certains de ses collègues vont plus loin, dénonçant l'intégration de force des communes au sein de la métropole. Moins virulents, les élus de Paris métropole n'en expriment pas moins, eux aussi, leur inquiétude. "Les maires d'Ile-de-France ne veulent pas voir leur rôle remis en cause", a déclaré Michel Teulet président de l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif). D'où la proposition d'instaurer un collège des maires au sein de l'établissement public de la Métropole de Paris. L'obligation pour les intercommunalités à fiscalité propre de la première couronne francilienne de comporter au moins 300.000 habitants passe également très mal chez les maires franciliens, qui demandent plus de souplesse.
Pour associer les maires aux décisions de la métropole, le gouvernement a imaginé des conseils de territoires, ou des conférences locales des maires. Ces solutions sont repoussées. L'AMF préférerait "un conseil des maires, associé à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de la métropole". Le rapporteur de la commission des lois s'en inspirera-t-il ? En tout cas, il souhaite que les métropoles soient libres de fixer les règles de l'organisation des structures qui seront chargées de la concertation avec les communes.
Le gouvernement n'a pas inscrit dans le projet de loi l'élection au suffrage universel direct des organes exécutifs des métropoles. Pour lui, le "fléchage" à partir de 2014 est une première étape. Les élus représentant les communautés urbaines et d'agglomérations ont présenté le sujet comme inéluctable, compte tenu du poids que vont acquérir les métropoles. Leurs représentants au Parlement déposeront sans doute des amendements en vue de la discussion parlementaire, qui débutera le 30 mai prochain.
 

 

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