Décentralisation - Réaménagement de la réforme : les élus locaux plutôt déroutés...
L'annonce surprise, le 2 avril, d'une réorganisation du projet de décentralisation – découpage en trois textes distincts et étalement du calendrier – continue évidemment de susciter des réactions. Notamment du côté des maires et élus intercommunaux. Il faut dire que le redécoupage proposé bouleverse largement les choses pour eux : un premier texte sur les métropoles, un deuxième sur les régions et un troisième… sur "tout le reste", à savoir les départements, les communes et les intercommunalités. En sachant que le nouveau calendrier semble renvoyer le troisième texte à après les élections municipales, ce qui n'est pas neutre. Du coup, les associations d'élus "prennent acte"… mais, évidemment, pas toutes de la même manière.
Du côté des "élus urbains" représentés par l'Association des maires de grandes villes (AMGVF) et l'Association des communautés urbaines (Acuf), le message est assez simple : on se "réjouit" de "la priorité donnée aux métropoles et aux grandes agglomérations" qui feront l'objet du premier texte. Certes, on considère aussi que les deux autres volets devront "trouver rapidement leur place", sachant que "les grandes villes et agglomérations doivent également participer à la mise en cohérence des politiques nationales, régionales et départementales".
Pour l'Association des maires de France (AMF), la "satisfaction" domine, dans la mesure où l'annonce de Jean-Marc Ayrault est avant tout synonyme de "temps supplémentaire" pour "améliorer le projet qui, à son stade actuel, laisse peu de place aux communes". Les dispositions de l'avant-projet de loi Lebranchu relatives à l'intercommunalité avaient été très fraîchement accueillies par l'AMF, notamment celles portant sur l'intérêt communautaire ou sur le fameux plan local d'urbanisme intercommunal. Certains maires ne seraient donc sans doute pas mécontents de voir ces dispositions être renvoyées aux calendes grecques...
L'AMF, en tout cas, rappelle le schéma qu'elle avait récemment proposé : une loi-cadre "concentrée sur l'essentiel", complétée par les projets de loi spécifiques déjà annoncés par le gouvernement (urbanisme, logement, énergie, politique de la ville....). L'association présidée par Jacques Pélissard redemande d'ailleurs "que les domaines de compétences relevant des politiques publiques pour lesquelles sont annoncés des textes législatifs spécifiques soient disjoints des projets de loi [de décentralisation]".
L'Association des petites villes (APVF) espère elle aussi que les nouveaux délais permettront de donner "plus de souffle, de clarté et d'ambition" à une réforme qui suscite "une très forte attente" mais dont la traduction législative s'est jusqu'ici révélée "difficile". Elle souhaite toutefois que les trois textes puissent être adoptés avant les municipales.
Une vision "sectorielle" qui pose problème
Pour l'Assemblée des communautés de France (ADCF), le jugement est plus sévère et plus complexe. Son président, Daniel Delaveau, craint en effet "un enlisement de la réforme" et reste très perplexe face au nouveau découpage. Le fait de traiter les métropoles à part et non pas "de manière solidaire" avec les autres formes intercommunales ne lui semble pas pertinent. De plus, il conçoit mal que l'élection de nouvelles équipes municipales et communautaires ait lieu sans que ne soient connues les "nouvelles règles du jeu". L'ADCF demande donc que les dispositions relatives à l'intercommunalité soient toutes rattachées au premier volet de la réforme. Au moins "les plus urgentes" d'entre elles. Ou bien qu'elles soient rattachées "à d'autres projets de loi en préparation", l'ADCF citant elle aussi le projet de loi sur l'urbanisme et le logement… mais pas pour les mêmes raisons que l'AMF, les deux associations n'ayant pas franchement le même point de vue, on le sait, sur les PLU intercommunaux.
Le traitement en silos que redoute l'ADCF ne concerne pas uniquement l'intercommunalité. Le fait de prévoir un texte spécifique pour les régions est également en cause : "Envisager un traitement à part des compétences régionales, indépendamment de la réflexion sur l'articulation des compétences entre niveaux de collectivités, n'aurait guère de sens […] Les régions assurent une mission essentielle de coordination et de soutien d'autres acteurs territoriaux, publics et privés. Fédératrices des stratégies économiques, elles exercent un rôle également considérable en matière de solidarité entre les territoires à travers leurs politiques contractuelles", écrit l'ADCF.
Ce constat d'une perte de cohérence, l'Assemblée des départements de France (ADF) le formule aussi... avec une déception non dissimulée. Le bureau de l'ADF, qui s'est réuni le 2 avril, craint "une vision strictement sectorielle s'éloignant des grands objectifs d'efficacité et d'équité". Il voit aussi évidemment d'un mauvais œil le fait que le devenir du département puisse être "évoqué dans le troisième texte, à une date aussi indéterminée qu'aléatoire"... et soit ainsi "considéré comme un sujet annexe". "Une telle issue est inacceptable", tranche le président de l'ADF, Claudy Lebreton, qui compte l'écrire au président de la République et au Premier ministre.