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Rénovation urbaine - L'avenir de la rénovation urbaine passe par l'Ile-de-France

Encore un rapport sur les quartiers sensibles ! A l'annonce de la publication par le Conseil économique et social régional d'Ile-de-France en ce début 2010 d'un rapport intitulé "Intégration des quartiers sensibles et politiques régionale du logement", il faut bien le dire, l'enthousiasme était assez modéré... Pourtant, à la lecture de l'étude de Nicole Smadja, chef de la mission Ville à la préfecture de région Ile-de-France, on comprend vite ce qui fait la spécificité et l'intérêt de ce travail : loin de reprendre des chiffres publiés par l'Anru, la rapporteur est allée dans cinq communes d'Ile-de-France demander aux acteurs locaux comment avançait la rénovation urbaine chez eux. Une démarche pas si fréquente qui débouche sur un rapport vraiment riche.

 

La rénovation en Ile-de-France, où en est-on ?

Commençons tout de même par quelques chiffres : le programme national de rénovation urbaine en Ile-de-France, c'est 14,7 milliards de travaux prévus, pour 135 quartiers répartis sur 90 communes. Sur ces 14,7 milliards, l'Anru apportera 4,2 milliards de subventions, la région 1,15 milliard, le tout sur la période 2004-2013. Voilà pour la programmation.
Et concrètement, où en est-on ? En 2009, plus de 90% des quartiers ayant droit ont signé une convention. L'ensemble de l'enveloppe francilienne de l'Anru est programmée. Mais, quand on regarde les engagements financiers, seulement 33% de l'enveloppe est engagé. Quant aux opérations effectivement livrées, en mai 2009, on est à 27% pour les démolitions, 12,2% pour les constructions, 19,3 % pour les réhabilitations, 11,6% pour les résidentialisations par rapport aux objectifs 2013 (p.76). Sans surprise donc, le rapport constate un retard sur toutes les actions concernant le logement. En particulier, Nicole Smadja souligne que l'objectif du 1 pour 1 (1 logement détruit, 1 logement construit), s'il conditionne toutes les aides publiques, est loin d'être tenu dans les faits. Pour rattraper le retard de reconstruction, elle calcule qu'il faudrait passer à la règle du 2 pour 3 : pour 2 logements détruits, 3 reconstruits. Un objectif qui ne pourrait être atteint qu'en mobilisant la reconstruction hors commune actuellement trop faible pour être significative : 52% des logements sont reconstruits sur site, 34% hors site mais sur la même commune. Ainsi, seuls 14% des logements construits le sont hors de la commune du quartier Anru (p.80). Le PNRU ne conduit aucunement, en Ile-de-France, à une meilleure répartition des logements sociaux entre les communes. Encore moins entre les départements car la règle du 1 pour 1 ne s'applique qu'à l'intérieur de chaque département.

 

Reconstructions et réhabilitations

En dépit de ces critiques, pour l'ensemble des interlocuteurs rencontrés, "l'Anru a permis de changer de vitesse et de dimension". Une remarque qui s'explique par l'ancienneté des politiques de la ville dans les douze quartiers visités, à l'exception de Pierrefitte. Le rapport souligne également que derrière une même volonté affirmée de mixité et un même programme, des projets très différents sont menés. A Gennevilliers est privilégiée une reconstitution dispersée en petites opérations sur l'ensemble de la commune. A Garges-les-Gonesse, l'offre sociale est majoritairement reconstituée sur site. Sur les sites visités, les PLUS et PLUS CD sont largement majoritaires (93,5%), les PLAI ne représentant que 6,5% des logements livrés. Un taux inférieur au niveau régional qui prévoit 20% de PLAI.
La rapporteur n'a pas obtenu d'informations précises sur la taille et le nombre de pièces des logements reconstruits. Un point sur lequel pourtant il serait important d'avoir une visibilité, les grands logements étant généralement remplacés par des plus petits.
Côté réhabilitation, si sur certains sites les politiques ont été adaptées aux besoins réels des habitants, dans d'autres, les travaux ont été réalisés de "façon minimale, trop rapidement" (p.48). Ainsi, par exemple, la suppression des caves a eu pour conséquence "l'entassement des vélos et poussettes sur les balcons" (p.48). De même, pour les travaux de résidentialisation qui parfois se traduisent par des "hautes grilles un peu agressives" (p.50).

 

Relogements : une concurrence entre les pauvres

Les relogements doivent s'effectuer en priorité dans des logements neufs, sinon dans des logements conventionnés ou réhabilités depuis moins de cinq ans, sinon enfin dans des immeubles dont la réhabilitation est programmée. Sur ce point, le rapport pointe d'abord le manque de suivi. Ensuite, dans certains quartiers, en prévision des relogements à faire, des bailleurs avaient arrêté les attributions de logements dans des quartiers proches du quartier Anru pour pouvoir faciliter les relogements. Une situation qui peut conduire à la reconstitution de "poches de pauvreté", et susciter l'insatisfaction des personnes relogées. Autre difficulté, la concurrence entre les publics en relogement et les publics Dalo qui impose aux bailleurs des choix cornéliens dans l'attribution de leurs logements.

Sur le volet transport, Nicole Smadja souligne l'amélioration des dessertes entre Paris et les quartiers visités mais pointe le manque persistant de dessertes fines (bus) dont la fréquence, la régularité et le confort restent nettement insuffisants. Enfin, le parent pauvre de la rénovation urbaine demeure l'installation ou le maintien de commerces : "Le commerce de proximité en rez-de-chaussée d'immeubles réhabilités ou reconstruits est rare (scepticisme au regard des échecs du passé, concurrence lorsque les grands centres commerciaux sont facilement accessibles)."

Enfin, si "les transformations opérées par le PNRU sont importantes", le pilotage régional de ces politiques est resté jusqu'à présent minime : si un accord entre l'Anru, l'Etat et la région avait bien était signé en 2007, ce n'est que le 3 février dernier qu'un comité de pilotage des opérations de rénovation urbaine en Ile-de-France a été installé. Dans ce contexte, et vu les retards pris sur l'avancement prévu du programme, le Conseil économique et social d'Ile-de-France s'est prononcé, solennellement le 28 janvier 2010, en faveur de la poursuite du PNRU après 2013.

 

Hélène Lemesle