PLF 2010 - Les dotations de l'Etat vont croître moins vite que l'inflation
L'Etat augmentera ses concours financiers aux collectivités locales (50,8 milliards d'euros) de 0,6% en 2010, soit un taux deux fois moindre que l'inflation prévue par le gouvernement (1,2%). Mais en prenant en compte le fonds de compensation de la TVA, la croissance des dotations de l'Etat aux collectivités sera égale au taux d'inflation évalué pour 2009. Encore très dynamique, le FCTVA, qui représentera 6,2 milliards en 2010, avait été intégré l'année dernière à l'enveloppe normée des dotations de l'Etat, conduisant à une très forte baisse de certaines dotations. Cette année, le FCTVA est disjoint de l'enveloppe normée, ce qui paraît une bonne nouvelle pour l'investissement des collectivités.
D'un montant proche de 41,1 milliard d'euros, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera de 0,6% (soit 245 millions d'euros de plus qu'en 2009). Les dotations d'investissement dédiées à l'équipement des écoles, collèges et lycées, seront, elles, indexées sur l'inflation. Comme chaque année, plusieurs compensations et exonérations de l'enveloppe normée joueront le rôle de "variables d'ajustement", celles-ci reculant de 3,6%.
Les effets du recensement de la population sur le calcul des dotations se feront encore sentir l'année prochaine. C'est pour cela que le projet de loi de finances prévoit un écrêtement de 3,5% du complément de garantie de la DGF. Le mécanisme permettra de financer les quelque 400 millions d'euros de dotations supplémentaires qui bénéficieront aux collectivités locales dont la population a augmenté.
Coûteuse taxe carbone ?
Le projet de loi de finances prévoit, par ailleurs, une progression de 3,4% de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), ce qui représente une hausse de 40 millions d'euros pour la première et de 26 millions d'euros pour la seconde. La dotation de développement urbain (DDU) créée l'année dernière est reconduite à un montant identique (50 millions d'euros). Le texte ne touche pas aux modalités de la DSU : 715 villes bénéficieront de cette dotation, sur les mêmes critères qu'en 2009. Mais le statu quo ne demeurera peut-être pas. Gilles Carrez a prévenu qu'il amenderait le projet de loi si les propositions de réforme dégagées par le Comité des financess locales (CFL) sur le resserrement des bénéficiaires et la rénovation des critères d'éligibilité à la dotation s'avéraient "meilleures" (lire notre article du 10 juillet 2009).
Les élus du CFL ont accueilli très froidement les chiffres présentés par le ministre du Budget. André Laignel, maire d'Issoudun et président de l'Observatoire des finances locales, redoute "l'étouffement" des collectivités locales, dont "les charges naturelles" vont croître "de 2,5% à 3%", soit bien plus fortement que l'inflation. Il dénonce aussi la création de la taxe carbone qui, selon lui, coûtera 280 millions d'euros aux collectivités - un chiffre jugé un peu exagéré par d'autres élus. De plus, avec la prise en compte des nouveaux chiffres de population et ceux des résidences secondaires, près de 20.000 communes vont voir l'an prochain leurs dotations baisser, souligne le secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF).
Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances de l'AMF, a considéré, lui, que ce projet de loi de finances "marque une rupture majeure dans le financement de l'action publique". Du fait du poids des dépenses sociales dans leur budget, les collectivités ne pourront trouver des marges de manoeuvre de ce côté. Elles n'auront donc d'autres choix que de réduire leurs investissements et de fermer des services publics, commente l'élu.
"C'est la roulette russe !"
Gilles Carrez, président du CFL, se veut un peu plus optimiste en rappelant que les dotations de l'Etat n'auraient pas augmenté en 2010 si les règles d'indexation sur l'inflation et la moitié de la croissance du PIB, utilisées ces dernières années, avaient été appliquées.
Présentant dans leurs grandes lignes les 77 pages du projet de loi portant sur la suppression de la part de la taxe professionnelle assise sur les investissements, la ministre de l'Economie n'a pas rassuré les élus locaux, qui ne cessent de réclamer des simulations sur l'impact de la réforme. "On va à l'aveugle, c'est la roulette russe !", dit, en riant jaune, François Pupponi, maire de Sarcelles. Là encore, Gilles Carrez tente de "vendre" la réforme auprès de ses collègues élus, qu'un bon nombre ne veut toujours pas. "Cette réforme arrive au bon moment pour les collectivités", explique le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Avec la crise, l'assiette EBM [c'est-à-dire les investissements des entreprises] aurait pris un sacré coup. La substitution de la valeur ajoutée à cette assiette les protège à un moment exceptionnel."
Comme la ministre de l'Economie l'avait déjà indiqué au début du mois aux parlementaires, la réforme ne s'appliquera réellement qu'en 2011 aux collectivités locales. En 2010, celles-ci percevront sous la forme d'un dégrèvement une compensation intégrale de leur produit de taxe professionnelle. Les élus du CFL ont appris à ce sujet que les collectivités pourront librement opter entre deux solutions, suivant celle qui sera la plus avantageuse : bases de l'année 2009 et taux 2009 / bases de l'année 2010 et taux 2008. "C'est certain qu'on aura beaucoup d'amendements et je ne sais pas quel dispositif on aura à la sortie", a commenté Gilles Carrez.
Calendrier en deux temps
Selon le député, les deux chambres poseront "l'architecture" de la répartition des nouvelles ressources des collectivités. "Le travail qu'il nous reste à faire est monstrueux et nous n'avons que quinze jours", a-t-il confié à ce sujet, déplorant lui aussi que Bercy n'ait toujours pas fourni de simulations. Mais tentant de les excuser, il a reconnu que "les services ont la tête sous l'eau". En tout cas, les députés pourraient accorder une partie du nouvel impôt sur la valeur ajoutée aux communautés qui, aujourd'hui, sont sous le régime de la taxe professionnelle unique. "Tout le monde est unanime et nous avons l'accord du gouvernement", a indiqué Gilles Carrez. Au sujet de la localisation de la contribution sur la valeur ajoutée, l'un des autres points épineux encore à résoudre, Bercy aurait reconnu que cette demande des élus n'est "techniquement pas impossible", mais que toutefois elle est "difficile à mettre en oeuvre".
La nouvelle répartition des ressources et ses conséquences seraient détaillées dans un nouveau projet de loi dont l'examen interviendrait dans le courant de l'année 2010. Mais tout ne va pas changer. Ce qui se joue est une réforme de la "base de l'impôt", a déclaré la directrice de la législation fiscale devant les membres du CFL. Cette réforme étant par ailleurs "très conservatoire" concernant les mécanismes de la fiscalité locale.
Thomas Beurey / Projets publics
Le déficit public à un niveau jamais vu
Le projet de loi de finances pour 2010 présenté ce 30 septembre en Conseil des ministres
table sur une progression du produit intérieur brut de 0,75%. Selon cette hypothèse, le déficit public grimperait de 8,2% du PIB cette année à 8,5% en 2010. Le seul déficit de l'Etat, qui s'établit cette année au niveau record de 141 milliards d'euros, commencerait sa décrue l'année prochaine (116 milliards). Mais la dette publique continuerait sa progression pour atteindre 84% du PIB. Toujours en 2010, la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements coûtera 11,7 milliards d'euros (5,8 milliards d'euros "en régime de croisière" et 4,3 milliards en prenant en compte l'impôt sur les sociétés).