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Fiscalité - Taxe professionnelle : le projet n'est pas encore ficelé...

Lors de deux auditions parlementaires, Christine Lagarde et Alain Marleix ont laissé un peu d'espoir aux élus des communes et intercommunalités qui revendiquent le bénéfice d'une part du futur impôt fondé sur la valeur ajoutée. Chez les députés, la pression grandit à l'approche de l'examen d'une réforme mal maîtrisée.

Auditionnés à huis clos sur la réforme liée à la suppression de la taxe professionnelle, la ministre de l'Economie et le secrétaire d'Etat aux collectivités ont déclaré le 9 septembre devant la commission des finances du Sénat que le gouvernement pourrait revoir sa copie afin que les communes et les intercommunalités bénéficient d'une part de la cotisation complémentaire - cotisation qui sera assise sur la valeur ajoutée des entreprises. Les maires et présidents de communautés réclament en effet l'affectation à leurs collectivités d'une partie de cet impôt que le projet de loi destine pour le moment intégralement aux départements et aux régions. "Il est concevable que les intercommunalités à taxe professionnelle unique bénéficient d'une fraction du produit de la cotisation assise sur la valeur ajoutée", a affirmé Christine Lagarde devant les sénateurs. De son côté, Alain Marleix a indiqué qu'"une avancée est possible" concernant la demande du "secteur communal", rapporte le compte rendu de l'audition. Les deux ministres ont confirmé leurs déclarations, le même jour, lors d'une audition organisée par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Ces propos pourraient quelque peu rassurer les associations de maires et présidents de communautés dont les responsables doivent, ce 15 septembre à Paris, réaffirmer leurs revendications de manière unanime et forte sous forme d'une conférence de presse commune.
Devant les parlementaires, Christine Lagarde a par ailleurs justifié le souhait du gouvernement de spécialiser les impôts locaux par niveaux de collectivités : l'objectif serait de clarifier la fiscalité locale, de la rendre "plus lisible".
Que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée, les parlementaires ont été nombreux à s'interroger sur la pertinence d'un projet qui exclut les intercommunalités du bénéfice de la cotisation complémentaire et réduit considérablement l'autonomie fiscale des départements et des régions. Sur ce dernier point, les ministres se sont contentés de répondre que le texte, en prévoyant l'attribution de nouvelles ressources fiscales aux collectivités, respectait les dispositions constitutionnelles sur l'autonomie financière des collectivités.

 

La pression monte

Plusieurs parlementaires, y compris dans les rangs de la majorité, ont aussi constaté l'absence d'articulation entre la réforme des collectivités territoriales en cours d'arbitrage et celle de la fiscalité locale. Des interrogations subsistent donc sur le coeur même de cette réforme... d'autant qu'elle "impliquera des changements brutaux, potentiellement inéquitables", tel que s'en est inquiété le sénateur Joël Bourdin. A l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, le rapporteur général de la commission des finances, a de même observé que "le fil de la taxe professionnelle tire toute la pelote de nos finances locales" et que "certaines situations vont changer du tout au tout".
Or les conséquences de la réforme sur les collectivités ne sont pas encore connues dans leurs détails, compte tendu de l'absence de simulations précises. Députés et sénateurs de tous bords l'ont fortement déploré. Alain Marleix a toutefois promis de leur remettre des simulations avant le début des débats parlementaires.
A quelques semaines de l'ouverture de ces débats, la pression est montée d'un cran compte tenu des délais et de la complexité des questions à traiter. "Avec ses 160 pages, le texte est aussi touffu qu'une loi de finances", a fait remarquer Gilles Carrez. "Face à une réforme aussi gigantesque, les délais sont les plus courts que notre assemblée ait jamais connus", a-t-il encore déclaré, en avouant que "les coups de fil affluent de toute la France pour exposer autant de cas particuliers".

 

Régime de croisière en 2011

Pour couronner le tout, l'avant-projet de loi contient une "coquille" non-négligeable. Le produit des droits de mutation à titre onéreux actuellement perçus par l'Etat sera ainsi transféré aux communes et non aux départements, comme il est écrit par erreur, a expliqué la ministre. Le rapporteur général du Budget a, pour sa part, reconnu que la commission des finances n'avait "pas compris" l'un des points de la réforme. Un point pourtant essentiel concernant les mécanismes de répartition du produit de la cotisation complémentaire. "C’est le schéma de la TIPP qui a été retenu, avec une nationalisation de l'assiette, au risque de distendre le lien entre fiscalité et territoire", a regretté Gilles Carrez, qui va préparer avec ses collègues une contre-proposition. Il s'agirait de répartir le produit de la cotisation complémentaire en fonction de la surface et des effectifs des entreprises installées sur un territoire donné de façon à préserver le lien entre chaque entreprise et le territoire qui l'accueille. Ce nouveau schéma pourrait être retenu par Bercy.
Le projet de loi de finances pour 2010 qui doit être présenté en Conseil des ministres le 30 septembre et voté d'ici la fin de l'année prévoit la suppression de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010. Mais 2010 constituera une année de transition, au cours de laquelle, notamment, les fonds de péréquation seront mis en place. Chaque collectivité sera individuellement compensée de ses éventuelles pertes de recettes. Le nouveau régime fiscal s'appliquera, lui, à compter de 2011.

 

Thomas Beurey / Projets publics