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Projet de loi logement - Le Sénat adopte un texte profondément remanié

Au terme d'un débat marathon, le Sénat a finalement adopté en première lecture, tard dans la nuit du 21 au 22 octobre, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Après la suppression de l'article 17, cette ultime séance a donné lieu à un nouvel accrochage avec le gouvernement, qui a dû demander une seconde délibération sur l'article 21. Dans un premier temps, les sénateurs ont en effet voté un amendement de suppression de cet article, qui prévoit de diminuer de 10,3% le montant des plafonds de ressources pour l'accès au parc locatif social. L'objectif affiché par cet article est d'éviter d'accueillir ou de maintenir dans le parc HLM des locataires dont les ressources leur permettraient d'accéder au marché libre. Mais la combinaison de cette mesure avec la remise en cause - prévue par l'article 20 - des baux des locataires présentant des revenus trop élevés et avec le décret du 21 août 2008 définissant les modalités de calcul du surloyer de solidarité (voir notre article ci-contre) a suscité l'opposition de bon nombre de sénateurs. Après un débat animé sur les amendements de suppression présentés par la gauche et sur certains aménagements proposés notamment par le groupe Union centriste, les sénateurs ont décidé de supprimer l'article 21, à l'occasion - à nouveau - d'un scrutin public qui a recueilli 160 voix pour l'amendement et 151 contre (les voix centristes s'étant manifestement jointes à celles de la gauche). A la fin de la séance, la ministre du Logement a donc dû demander une nouvelle délibération sur l'article 21, "qui a pu être mal expliqué ou mal interprété". Après un premier scrutin public sur le principe de cette demande de nouvelle délibération, l'article 21 a finalement été adopté par 187 voix contre 153, au grand scandale de l'opposition.

Des garanties supplémentaires

Au-delà de cet incident, le Sénat a également transformé en profondeur plusieurs articles qui restaient en discussion. L'article 20 - qui prévoyait notamment la transformation du bail des locataires du parc social dont les revenus sont au moins deux fois supérieurs aux plafonds de ressources en contrat de location d'une durée de trois ans non renouvelable - a ainsi été presque totalement réécrit. Les sénateurs ont tout d'abord limité cette possibilité aux seuls "logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré et situés dans des zones géographiques définies par décret en Conseil d'Etat se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements [...]" et l'ont entouré de plusieurs garanties supplémentaires (âge du locataire, durée du dépassement des plafonds...). Il en va de même pour les dispositions du même article concernant la sous-occupation des logements sociaux. Les sénateurs ont également revu en profondeur les règles et les sanctions relatives à la sous-location, en précisant les cas autorisés pour cette dernière. Ils ont par ailleurs ajouté des dispositions facilitant le transfert du bail pour les personnes pacsées ou vivant en concubinage notoire avec le titulaire, ainsi que pour les personnes âgées ou handicapées.
Outre l'introduction d'un article supplémentaire de quatre pages consacré aux dispositions particulières aux sociétés d'économie mixte (qui adapte en particulier les dispositions relatives à la mobilité des locataires), les sénateurs ont revu le fonctionnement et le périmètre des commissions de médiation instaurées dans le cadre de la loi Dalo du 5 mars 2007. Les dispositions nouvelles prévoient notamment la possibilité de créer plusieurs commissions par département (pour éviter les engorgements actuels) et la possibilité, en Ile-de-France, de proposer des logements hors du département de dépôt de la demande. Les sénateurs ont également précisé les modalités de calcul de l'astreinte qui peut être décidée par le tribunal administratif en cas de non respect du droit au logement.

Des garanties pour la Vefa

L'article 26 sur les possibilités d'intermédiation locative pour les offices publics de HLM a également été amendé, en conservant toutefois l'esprit général du texte du gouvernement.
Enfin, parmi la douzaine de dispositions diverses ajoutées en fin de texte, figure en particulier un amendement d'actualité concernant les ventes en l'état futur d'achèvement (Vefa) et prévoyant que "le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents". De même, les sénateurs ont décidé la création d'un "répertoire des logements locatifs sur lesquels les bailleurs sociaux [...] sont titulaires d'un droit réel immobilier ou dont ils sont usufruitiers". Ce répertoire remplacera le système actuel de l'enquête sur le parc locatif social (EPLS), dont le fonctionnement laisse à désirer.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (adopté en première lecture par le Sénat dans la nuit du 21 au 22 octobre).

 

Article 17 : le retour ?

Après la suppression par le Sénat de l'article 17 du projet de loi, qui assouplissait les modalités de mise en oeuvre du quota de 20% de logements sociaux (voir nos articles ci-contre), le gouvernement semble hésiter sur la conduite à tenir.
A l'issue de l'adoption en première lecture du projet de loi, Christine Boutin a d'abord indiqué que "l'article 17 est mort", et qu'elle ne soumettra donc pas d'amendement de rétablissement à l'Assemblée nationale, qui devrait examiner le texte en décembre. De son côté, le groupe parlementaire UMP est dans l'expectative. Son président, Jean-François Copé, a ainsi indiqué que le groupe "est assez partagé et a été un peu surpris, il faut bien le dire, par la position de nos amis sénateurs". Tout en indiquant que "c'est un sujet qui aujourd'hui n'est pas tranché", il a néanmoins affirmé : "Nous, nous sommes quand même assez favorables, dans notre ligne politique, à encourager l'accession sociale à la propriété."
Ces flottements ont contraint le Premier ministre à intervenir. Depuis Genève où il était en déplacement, François Fillon a indiqué que "la position du gouvernement est connue, elle était dans le texte qui a été adopté par le Conseil des ministres". Il est toutefois resté prudent, en affichant sa volonté d'engager un "dialogue" entre le gouvernement et le Parlement et de "réserver [sa] position aux parlementaires". Pour sa part, le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, estime qu'"on a le temps de voir" avant le passage devant l'Assemblée et que "si les groupes veulent reprendre l'article ils déposeront un amendement".

 

 

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