Projet de loi logement - Le Sénat supprime l'article assouplissant les 20% de logements sociaux
Comme on pouvait s'y attendre, le Sénat a supprimé l'article 17 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Cette disposition - la plus contestée du texte - avait pour objet d'assouplir l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), en donnant la possibilité de prendre en compte, dans le calcul du quota de 20% de logements sociaux, les logements en accession sociale à la propriété.
Cas très rare pour un amendement, celui présenté par le rapporteur de la commission des affaires économiques en vue de supprimer l'article 17 du projet de loi a fait l'objet d'un scrutin public, à l'issue d'un long débat. Il a recueilli une très large majorité, avec 314 voix pour et seulement 21 contre. Autre fait insolite : alors que le rapporteur (UMP) de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Braye, est à l'origine de l'amendement de suppression, le rapporteur (UMP également) de la commission des affaires sociales a, au contraire, plaidé pour l'inclusion de l'accession sociale à la propriété dans le quota des 20% de logements sociaux. Brigitte Bout, sénatrice du Pas-de-Calais, a notamment fait valoir que le plafond de ressources mensuelles pour bénéficier de l'accession sociale à la propriété (1.974 euros pour une personne seule en Ile-de-France) est inférieur à certains plafonds d'accès aux logement social locatif (jusqu'à 2.218 euros pour le même type de profil). Mais en dépit de ces arguments, les sénateurs ont préféré ne pas toucher au symbole des 20% de logements locatifs sociaux. Après avoir défendu - assez mollement - un article condamné d'avance et s'être déclarée "convaincue que seule la chaîne de la solidarité humaine résoudra la question du logement", Christine Boutin a préféré s'en remettre à la sagesse du Sénat. La ministre du Logement avait d'ailleurs affirmé par avance, le 14 octobre, qu'"il n'y a aucune honte à ce qu'un ministre soit battu sur un article" (voir notre article ci-contre). A l'issue du scrutin, elle a déclaré, le 21 octobre, n'être "pas une femme en colère quand il s'agit d'un débat serein, respectueux, ce qui s'est passé hier". Elle a néanmoins indiqué n'avoir "pas entendu vraiment [d'arguments] sinon qu'on ne veut surtout pas lever le couvercle de la loi SRU" et a évoqué un "blocage" de la commission des affaires économiques. Il est toutefois peu probable que le gouvernement tente de rétablir cet article lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
Encore des amendements
Contrepartie de ce coup d'audace ? Le Sénat a beaucoup moins modifié que les jours précédents les autres dispositions du projet de loi examinées lors de la séance du 20 octobre. Plusieurs amendements importants ont néanmoins été adoptés.
Les sénateurs ont ainsi voté, malgré des amendements de suppression émanant des groupes PS et PC, l'article 19 du projet de loi, qui limite à une année au lieu de trois la durée maximale de sursis à exécution d'un jugement d'expulsion qui peut être accordée par un juge. Ils ont toutefois supprimé la possibilité qui était offerte au bailleur de proposer également des solutions "d'hébergement" et non plus seulement des solutions de "relogement".
Le Sénat a aussi validé la possibilité de déroger - afin d'encourager la production de logements - au plan local d'urbanisme (PLU) ou à un document d'urbanisme, mais ils ont procédé à un renversement de procédure. Alors que le texte initial instaurait une possibilité générale de dérogation, les sénateurs ont prévu la nécessité d'une "délibération motivée" du conseil municipal, précisant notamment les secteurs concernés et le taux de dépassement autorisé (qui ne peut excéder 20% pour chacune des règles concernées : gabarit, hauteur, emprise au sol et coefficient d'occupation des sols). Ils ont également exclu ces dérogations dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit.
Les sénateurs ont complété l'article 14 en prévoyant que "l'Agence nationale de rénovation urbaine peut financer la construction, l'acquisition suivie ou non de travaux d'amélioration ou la réhabilitation de structures d'hébergement, d'établissements ou logements de transition, de logements‑foyers ou de résidences hôtelières à vocation sociale, pour les opérations retenues dans le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés [...]".
Si, sur l'article 15, les sénateurs ont adopté le texte initial "recadrant" le dispositif Robien, ils ont en revanche refusé la suppression, proposée par le gouvernement, de l'avantage fiscal supplémentaire accordé aux investisseurs qui acquièrent ou font construire des logements locatifs dans les zones de revitalisation rurale. Ils ont également prolongé d'un an (jusqu'au 31 décembre 2010) le bénéfice de la TVA à 5,5% pour les opérations individuelles réalisées en Pass-Foncier, ce qui les aligne sur les dispositions applicables aux opérations collectives (article 16).
A l'article 18, les sénateurs ont interdit à un bailleur ayant souscrit une assurance garantissant les obligations locatives du locataire de demander un cautionnement à ce dernier.
Enfin, les sénateurs ont introduit un volumineux article 28 - présenté par Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin et vice-président du conseil régional d'Alsace - réaménageant le processus d'informatisation du livre foncier dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, tout en respectant l'existence et les principes du droit local en matière de publicité foncière.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (examiné en première lecture par le Sénat à partir du 14 octobre 2008).