Santé - Le Sénat adopte enfin le projet de loi HPST
Quinze jours de débat et trois reports de date pour le vote final auront finalement été nécessaires au Sénat pour adopter en première lecture le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), vendredi 5 juin. Le texte de la "petite loi" comprend plus de 160 pages et apporte de très nombreuses innovations en matière d'organisation des politiques de santé, de gouvernance hospitalière et de santé publique.
Si les débats ont été parfois très animés, le gouvernement a globalement tenu bon sur son texte. Malgré 1.500 amendements examinés en commission et 1.400 en séance publique, la version issue des travaux du Sénat a en effet tendance - sur les points clés du projet de loi - à se rapprocher davantage du texte initial et de la version adoptée le 18 mars dernier par l'Assemblée nationale plutôt que du texte élaboré par la commission des affaires sociales du Sénat. Les principales modifications au texte originel - qui portent sur le renforcement de l'association des médecins à la gouvernance hospitalière - ont en effet été introduites par le gouvernement sous la pression des manifestations de professions de santé. En revanche, les dispositions sur les agences régionales de santé (ARS) ont été assez peu modifiées, le Sénat étant finalement revenu, à la demande du gouvernement, sur certains amendements adoptés par la commission. Cette situation devrait clore le débat sur la nécessité d'une seconde lecture à l'Assemblée nationale, malgré l'introduction par le gouvernement de plusieurs dispositions relatives aux centres hospitaliers universitaires (CHU), absentes du texte lors de son passage à l'Assemblée.
Etablissements médicosociaux et permanence des soins
Lors des dernières séances, le Sénat a cependant apporté d'ultimes modifications. Ainsi, il a introduit - à côté des appels à projets pour les créations d'établissements et services médicosociaux - une procédure allégée pour les regroupements à périmètre constant, dès lors que ceux-ci ne modifient pas les missions des établissements et services concernés. Toujours dans le domaine des établissements médicosociaux, les sénateurs ont voté un amendement du gouvernement supprimant la possibilité de distribution des médicaments par les personnels chargés de l'aide aux actes de la vie courante. Seule "l'aide à la prise des médicaments" pourra désormais être assurée par ces agents, la distribution restant de la responsabilité des personnels soignants. Sur le plan fiscal, le Sénat a supprimé l'extension du bénéfice du taux réduit de TVA aux structures d'accueil de jour, mais l'a étendu aux établissements accueillant des mineurs ou des jeunes adultes handicapés.
Sur la permanence des soins, le Sénat a supprimé le dispositif qui prévoyait - en cas d'échec d'un dispositif volontaire d'organisation de la garde médicale à l'issue d'un délai de trois ans après la publication de la loi - la mise en place par l'ARS d'un schéma d'organisation de la permanence des soins mobilisant les médecins d'exercice libéral et les établissements. Si le Sénat a refusé de donner une reconnaissance légale au "testing" (voir notre article ci-contre du 2 juin 2009), il a en revanche introduit la possibilité de publier, à l'issue de l'épuisement de voies de recours, les sanctions prononcées contre les professionnels de santé auteurs de refus de soins.
Passage en CMP courant juin
Pour mémoire, lors des séances précédentes (voir ci-contre nos articles des 14, 15, 19, 25 et 28 mai), le Sénat avait entre autres abandonné la dénomination d'"agence régionale de la santé et de l'autonomie" introduite par la commission des affaires sociales, avait étendu la liste des missions des ARS, avait précisé la composition de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, avait clarifié le rôle de l'ARS dans la définition des zones d'application des politiques incitatives en faveur de la répartition géographique des professionnels de santé, avait revu l'articulation entre le schéma régional d'organisation médicosociale élaboré par l'ARS et les schémas départementaux...
Les sénateurs avaient également rétabli la composition du conseil de surveillance des ARS en trois tiers de cinq membres chacun (représentants des collectivités territoriales, personnel médical et non médical, personnalités qualifiées désignées par l'Etat) mais avaient en revanche prévu que le président de ce conseil de surveillance soit obligatoirement issu du collège des collectivités territoriales.
Ils étaient par ailleurs revenus sur plusieurs dispositions relatives aux communautés hospitalières de territoire (modalités de désignation de l'établissement siège, conditions dans lesquels la création d'une CHT peut être imposée...) et aux groupements de coopération sanitaire (possibilité pour les groupements de bénéficier de financements publics au même titre que les CHT, précisions sur ce qui se passe lorsque le groupement est titulaire d'une ou plusieurs autorisations d'activités de soins...).
Le projet de loi HPST devrait maintenant être examiné par une commission mixte paritaire à partir de la mi-juin, pour être adopté définitivement dans la foulée. Sa date d'application reste fixée au 1er janvier 2010.
Jean-Noël Escudié / PCA
Le projet de loi HPST "essuie les plâtres" de la réforme constitutionnelle
Lors de l'ultime discussion précédant le vote sur l'ensemble du texte, Alain Million, le rapporteur du texte, a constaté que "la commission des affaires sociales a essuyé les plâtres de la nouvelle organisation du travail, liée à la réforme constitutionnelle". Soulignant que "l'arrivée de nouveaux amendements en cours de travail n'a été facile pour personne", il a rappelé que "les sénateurs ont un délai limite pour déposer leurs amendements" et s'est demandé s'il "ne pourrait [pas] en être de même pour le gouvernement". Selon lui, la question mériterait en tout cas d'être posée dans le cadre de la réforme du règlement. Plus optimiste, Nicolas About, le président de la commission des affaires sociales, a estimé que le Sénat a "surmonté l'obstacle de la nouvelle procédure législative". Il a toutefois formé "le voeu que nos conditions de travail s'améliorent, car elles furent plus éprouvantes que jamais ; 1.500 amendements en commission, 1.400 en séance publique, c'est beaucoup. Si nous devenons plus sélectifs, nous serons sans doute plus efficaces".
Référence : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009 et au Sénat le 5 juin 2009).