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Santé - Le parcours du projet de loi HPST au Sénat s'annonce mouvementé

Face à l'actuelle levée de boucliers du monde hospitalier, le projet de loi Bachelot pourrait être largement amendé au Sénat. Certains sénateurs se disent en tout cas prêts à le "transformer profondément" et le gouvernement semble plutôt soucieux d'apaiser les choses.

Malgré le nombre élevé d'amendements déposés, le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a finalement connu un parcours assez paisible à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté en première lecture le 18 mars (voir nos articles ci-contre). Mais le climat risque d'être sensiblement différent au Sénat, qui doit examiner à son tour le texte du 11 au 20 mai. Il est vrai que le contexte a fortement évolué depuis le passage du texte devant les députés.
Le premier changement est la rapide montée en puissance d'un mouvement de contestation issu du monde hospitalier, et plus spécialement des "mandarins". Le mécontentement de ces derniers et, plus largement, de la communauté médicale, porte sur les pouvoirs jugés excessifs conférés au directeur. La contestation s'est étendue progressivement à d'autres catégories de personnels - les agents hospitaliers - et à d'autres sujets. Certains ont un lien direct avec le projet de loi, comme la crainte des fermetures ou des transformations de petits établissements avec la mise en place des communautés hospitalières de territoire (CHT). D'autres n'ont en revanche que peu de rapport avec le texte, comme la dénonciation de la "privatisation" de l'hôpital et de la "marchandisation" de la santé. Tous ces mécontentements doivent s'exprimer dans la manifestation nationale organisée à Paris le 28 avril, qui doit rassembler - fait inhabituel - aussi bien des PU-PH (professeurs des universités-praticiens hospitaliers) que des soignants, des administratifs et des personnels techniques. Inquiet de la possible émergence d'un mouvement comparable à celui des universités, le gouvernement a préféré prendre les devants. Le 22 avril, Nicolas Sarkozy a donc reçu à l'Elysée, en présence de Roselyne Bachelot-Narquin et de Valérie Pécresse, "quelques médecins hospitaliers, principalement des professeurs d'université, pour un échange informel sur la réforme de l'hôpital". Tout en rappelant "qu'il était attaché à l'affirmation du rôle du directeur, qui doit travailler en étroite coopération et dans un esprit de confiance mutuelle avec les médecins", le chef de l'Etat a fait part de son souhait de reprendre certaines propositions du rapport de Jacques Marescaux sur la gouvernance des CHU et a affirmé que les propositions faites au cours de la réunion à l'Elysée "seraient examinées au cours des prochains jours par le gouvernement dans un esprit constructif".

Paradoxe

Le message a aussitôt été entendu par le Sénat. Celui-ci s'était d'ailleurs déjà montré préoccupé, lors de l'audition de Roselyne Bachelot-Narquin par la commission des affaires sociales le 8 avril, des pouvoirs très importants conférés aux directeurs d'hôpitaux (voir notre article ci-contre du 15 avril 2009). Les propos présidentiels ont manifestement renforcé sa combativité sur ce point. Dans une interview au Monde, Jean-Pierre Raffarin affirme ainsi que "le Sénat transformera profondément le projet de loi" et qu'"il faut rééquilibrer les responsabilités entre l'administration et la médecine". Jugeant le texte voté par l'Assemblée nationale "trop confus", l'ancien Premier ministre a clairement laissé entendre que le Sénat pourrait même aller au-delà des souhaits du gouvernement, car il "n'a pas l'intention de considérer que la réforme qui sort du Conseil des ministres est une réforme achevée". Ceci concerne notamment le rôle des ARS (agences régionales de la santé), dont la commission des affaires sociales du Sénat estime qu'il empiète de façon trop importante sur les compétences sociales et médico-sociales des départements (voir notre article du 15 avril ).
Intervenant le 19 mars lors des 17es Journées de l'Association des directeurs d'hôpitaux, la ministre de la Santé avait déjà invité ces derniers à "ne pas ignorer" les élus, pourtant réduits à la portion congrue dans la nouvelle gouvernance hospitalière. Lors de son audition du 8 avril par la commission des affaires sociales du Sénat, Roselyne Bachelot-Narquin avait reconnu "que la visibilité du binôme constitué par le directeur d'hôpital et le président de la CME (commission médicale d'établissement) peut être encore renforcée dans le projet de loi". A l'occasion d'une visite, le 24 avril, à l'hôpital de Lavaur (Tarn) - afin de signer une convention entre cet établissement et le CHU de Toulouse qui préfigure les futures communautés hospitalières de territoire -, la ministre a réaffirmé avec force que l'Etat ne fermerait aucun hôpital. Mais ces efforts d'explication risquent fort désormais de ne pas suffire. C'est précisément tout le paradoxe de cette crise : alors que le projet de loi HPST associe en réalité davantage les médecins à la gouvernance de l'hôpital, en particulier à travers la vice-présidence du directoire confiée au président de la commission médicale d'établissement, la mise en avant des pouvoirs du directeur - le chef de l'Etat avait lui-même répété à plusieurs reprises la nécessité d'un "vrai patron" à l'hôpital - risque de se retourner contre l'objectif initial.

Jean-Noël Escudié / PCA


 

Référence : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009, en discussion au Sénat du 11 au 20 mai 2009).

 

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