Santé - Coup d'envoi du projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires"

La ministre de la Santé a présenté au Conseil des ministres du 22 octobre le projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires". Ce texte très dense et ambitieux - 33 articles et 73 pages - comporte nombre de dispositions intéressant très directement les collectivités.

A l'issue d'une phase de maturation longue et difficile, le projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST) entend constituer "un projet de santé durable pour nos concitoyens". S'inspirant des grandes lignes tracées par Nicolas Sarkozy dans ses discours de Bordeaux et de Neufchâteau, en octobre 2007 et avril 2008, il redessine l'organisation de l'offre sanitaire et médico-sociale.
Ambitieux dans ses objectifs, le projet de loi HPST reflète une approche très large et transversale de la santé, abordée sous plusieurs dimensions. Ses quatre titres traitent ainsi successivement de la modernisation des établissements de santé, de l'accès de tous à des soins de qualité, de la prévention et de la santé publique, ainsi que de l'organisation territoriale du système de santé.
En matière de modernisation des établissements, le texte entend en premier lieu "refonder la gouvernance". En pratique, ceci se traduit par un renforcement conséquent du rôle du directeur - reconnu comme le "patron de l'hôpital" -, au détriment du président du conseil d'administration (dont les pouvoirs réels étaient déjà il est vrai plus réduits que ne le laissaient supposer les textes). Le conseil d'administration est d'ailleurs supprimé, au profit d'un directoire chargé d'assurer le pilotage stratégique de l'établissement et présidé par le directeur, secondé par le président de la commission médicale d'établissement (CME). Le conseil de surveillance est pour sa part cantonné à un rôle plus formel. S'il lui revient toujours d'approuver les comptes, la liste des sujets soumis à ses délibérations est très fortement réduite. Comptant, au plus, quatre représentants des collectivités territoriales, quatre représentants des personnels et quatre personnalités qualifiées (désignées par le directeur général de l'agence régionale de santé), le conseil de surveillance élit son président parmi les représentants des collectivités ou les personnalités qualifiées.

 

Des communautés hospitalières de territoire

Les communautés hospitalières de territoire (CHT) sont l'une des grandes novations du projet de loi. Elles correspondent à l'association de plusieurs établissements autour d'un projet médical partagé et de la mise en commun d'un certain nombre de fonctions et de moyens. En pratique, il s'agira en premier lieu de restructurer les petits hôpitaux sans les supprimer, en articulant leur activité autour d'un centre hospitalier plus important, qui servira à la fois de pivot et de soutien. L'adhésion à ces communautés devrait en principe se faire sur une base volontaire, mais le lien instauré entre certains financements et l'adhésion à une CHT pourrait bien constituer un puissant levier d'incitation.
Dans un esprit similaire, le projet de loi simplifie également les modalités de création des groupements de coopération sanitaire (GSC) entre établissements publics et privés et organise les modalités de participation des cliniques au service public hospitalier.
Le second titre du projet de loi HPST est consacré à l'accès de tous à des soins de qualité. Outre des mesures destinées à garantir l'accès aux soins (comme la validation du "testing" et les sanctions des refus de soins) et diverses dispositions sur la formation continue ou la réforme des laboratoires d'analyse de biologie médicale, il comporte lui aussi plusieurs mesures intéressant les collectivités.
Ainsi, un article pose les principes d'une organisation de l'offre de soins en niveaux de recours, à partir de l'échelon régional. Il restera toutefois à donner un contenu concret à cette approche théorique. Les collectivités devraient également ressentir une certaine déception à la lecture de l'article 15, qui organise la régulation territoriale de la démographie médicale. Si l'article organise le numerus clausus à l'échelon régional, il ne va pas au-delà des mesures incitatives actuelles pour rééquilibrer la répartition territoriale des professions de santé. La remise en cause de la liberté d'installation, envisagée un temps par Nicolas Sarkozy, ne semble donc plus d'actualité. De nombreux amendements pourraient donc être déposés sur cette disposition.
Un autre article aborde la permanence des soins ambulatoires, dont l'organisation sera confiée aux futures agences régionales de santé. En dehors de cette innovation, l'article se contente de donner force de loi aux dispositions conventionnelles actuelles. Plus intéressant : le projet de loi institutionnalise et généralise les possibilités de coopération entre professionnels de santé, jusqu'alors mises en oeuvre dans un cadre expérimental. Il devrait ainsi favoriser le développement de modes d'exercice innovants, comme les maisons de santé, tout en encadrant ces nouvelles coopérations professionnelles dans des protocoles validés par la Haute Autorité de santé.

 

Des proconsuls sanitaires ?

Le titre III, consacré à la prévention et à la santé publique, aborde des questions importantes, mais qui n'ont qu'un impact limité sur les collectivités : éducation thérapeutique du patient, renforcement de l'interdiction de la vente d'alcool aux mineurs ainsi que dans les stations-service, à domicile ou au forfait (système de l'"open bar", très utilisé dans les soirées étudiantes), interdiction des cigarettes bonbons... Si ces mesures sont importantes, le texte de référence en matière de prévention reste toutefois la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
Enfin, le titre IV se penche sur l'organisation territoriale du système de santé. La création des agences régionales de santé (ARS) en constitue l'essentiel. Les articles correspondants devraient être âprement discutés devant le Parlement. La création des ARS - qui devrait être effective au 1er janvier 2010 - est accueillie favorablement par la plupart des acteurs concernés. Mais l'ampleur de leurs missions et de leurs pouvoirs - qui fait de leurs directeurs généraux des sortes de proconsuls sanitaires - suscite quelques réticences, notamment du côté de la Sécurité sociale. Les ARS vont en effet se substituer non seulement aux actuelles agences régionales de l'hospitalisation (ARH), mais aussi aux actuels services déconcentrés de l'Etat (en absorbant les pôles "santé" et "médico-social" des Ddass et des Drass), aux unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam), aux groupements régionaux de santé publique (GRSP), aux missions régionales de santé (MRS), ainsi qu'à la partie "sanitaire" des caisses régionales d'assurance maladie (Cram).
La conférence régionale de santé, placée auprès du directeur général de l'ARS et où siégeront des représentants des collectivités, deviendra ainsi l'instance clé de la concertation dans le domaine sanitaire et médico-social. Chaque ARS sera notamment chargée de mettre en oeuvre un "programme régional de santé" (PRS), regroupant un plan stratégique régional de santé (orientations et objectifs chiffrés), des schémas régionaux de mise en oeuvre en matière de prévention, d'organisation des soins et d'organisation médico-sociale, ainsi que - le cas échéant - des programmes sectoriels ou thématiques définissant les modalités de mise en oeuvre et le financement des schémas. Au niveau national, la cohésion d'ensemble sera assurée par un comité de coordination des ARS.
Le principe de la libre administration des collectivités territoriales a finalement dissuadé d'empiéter trop ouvertement sur le champ social, comme l'envisageaient certains projets. Le projet de loi privilégie plutôt la concertation, en prévoyant notamment la mise en place d'une démarche coordonnée entre les ARS et les départements, et en précisant les compétences respectives en matière de planification, d'autorisation (sous forme d'appels à projets), de tarification et de contrôle des établissements.
Quelques autres dispositions complètent ce titre IV, consacrées notamment à la veille et à la sécurité sanitaires, à la représentation des professions de santé libérale ou à l'habilitation du gouvernement à procéder par ordonnance pour réviser le statut des centres de lutte contre le cancer et pour adapter certaines dispositions de la loi aux petites collectivités d'outre-mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon).
L'encombrement du calendrier parlementaire renvoie à janvier 2009 l'examen de ce texte par le Parlement. Roselyne Bachelot-Narquin a toutefois indiqué que le gouvernement avait décrété l'urgence, ce qui limitera la discussion à une seule lecture. L'objectif - ambitieux - reste en effet une entrée en vigueur de la plupart de ses dispositions le 1er janvier 2010.

 

Jean-Noël Escudié / PCA


 

"Renforcer l'ancrage territorial des politiques de santé"

 

Présentant mercredi à la presse son projet de loi entourée de Valérie Létard, de Gérard Larcher et de deux "acteurs" (le directeur du Samu de Paris et le président du comité inter-associatif sur la santé), Roselyne Bachelot a largement mis en avant le "processus de concertation sans précédent" ayant prévalu à la préparation du projet de loi. Ainsi que quelques-uns des principes qui l'ont guidé: "dépasser l'hospitalo-centrisme traditionnel", "garantir l'accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire", dépasser "les cloisonnements inutiles" et "rassembler tous les acteurs", "renforcer l'ancrage territorial des politiques de santé", "redonner un avenir aux centres hospitaliers de proximité en les intégrant à une communauté"...
Valérie Létard, la secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, est pour sa part intervenue pour insister sur l'importance de "l'inclusion du secteur médico-social dans le champ de compétence des ARS". Les ARS permettront, estime Valérie Létard, de développer une "approche commune" entre l'hôpital et le médico-social donc, mais aussi entre la médecine de ville et le médico-social. Cette approche "permettra de mieux prendre en charge les publics âgés ou handicapés en leur assurant une véritable continuité du domicile à l'hôpital, de la sortie de l'hôpital au domicile ou à la maison de retraite, en passant par toutes les structures intermédiaires d'accueil de jour, d'hébergement temporaire, etc.". La secrétaire d'Etat a par ailleurs noté que le projet de loi permettra de simplifier les procédures de création de places nouvelles dans le secteur médico-social en mettant en place une procédure d'appels à projets. Enfin, elle a relevé que les conseils généraux seront représentés à la fois au sein du conseil de l'ARS, au sein de la commission de planification qui assurera l'articulation entre Etat et départements et au sein de la commission chargée des appels à projets pour les créations de places.

C.M.

 

 

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