Offre de soins - Le rapport Larcher veut révolutionner l'hôpital
Gérard Larcher a remis au président de la République, le 10 avril, le rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital, dont certaines propositions avaient déjà filtré ces derniers jours. Ce document propose au chef de l'Etat d'"oser, au-delà des intérêts [...] et par-delà les habitudes" une réforme en profondeur du secteur hospitalier. Pour cela, la commission a choisi de ne pas multiplier les propositions mais de se concentrer sur 16 mesures emblématiques de nature à introduire une véritable révolution dans le monde de la santé. Celles-ci s'inspirent très largement du discours de Nicolas Sarkozy au CHU de Bordeaux, le 16 octobre dernier. Un tableau comparatif met même en vis-à-vis les propos du président de la République et les propositions de la commission.
Des "communautés hospitalières de territoire"
Les collectivités examineront avec attention les deux propositions relatives à l'organisation de l'offre de soins sur les territoires. La première - déjà connue et actée par avance par la ministre de la Santé - consiste en un renforcement des complémentarités entre hôpitaux publics, sous la forme de la création de "communautés hospitalières de territoire" regroupant plusieurs petits établissement autour d'un hôpital référent (un centre hospitalier général ou un CHU) et d'un projet médical commun. Une part du pouvoir de décision serait transféré entre les mains du directeur de l'hôpital référent et la contrepartie du maintien des petites structures résiderait dans la restructuration, voire la fermeture, de certains services de chirurgie et de maternité (la médecine étant a priori préservée, voire renforcée). La seconde proposition réside dans la participation accrue des cliniques, sur une base contractuelle, aux missions de service public comme les urgences. Les possibilités de regroupement des cliniques seraient également limitées.
Une série de propositions vise à "aménager les relations entre le monde hospitalier et son environnement". Pour cela, le rapport préconise de développer les structures d'aval (après la phase aiguë des soins), grâce à un "redéploiement de l'offre vers le moyen séjour et le médicosocial", dans lequel les départements et les communes sont déjà très impliqués. De même, il propose d'améliorer la continuité du parcours de soins en prenant davantage en compte la dimension sociale et médicosociale de l'hospitalisation (préparation du retour au domicile, prise en charge pluripartenariale des publics fragiles...) et en renforçant la coordination entre les différents acteurs : hôpital, médecine de ville, structures de moyen séjour, établissements et services sociaux et médicosociaux... Deux autres mesures participent également de ce même état d'esprit : une meilleure organisation des soins non programmés (urgences) et le développement de formes d'exercice pluridisciplinaires (une proposition qui rejoint celle des états généraux de la santé, dont Roselyne Bachelot a clôturé les travaux le 9 avril).
Une réforme de la gouvernance
Six propositions portent sur la façon de "préserver l'avenir de l'hôpital public en garantissant son dynamisme". La plus radicale concerne la gouvernance, avec la suppression de l'actuelle dichotomie conseil d'administration/conseil exécutif au profit d'une organisation inspirée de la nouvelle gouvernance des entreprises : un conseil de surveillance (qui resterait présidé par un élu) et un directoire dont le président serait directeur et dont le président de la commission médicale d'établissement (CME) serait le vice-président. En pratique, les directeurs verraient leurs pouvoirs renforcés au détriment du conseil de surveillance. Le statut des hôpitaux serait également revu, à travers deux mesures-phares : la suppression de la séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable et un assouplissement conséquent des règles des marchés publics, afin de développer la fonction d'acheteur.
La carrière des directeurs serait dynamisée par une ouverture du recrutement, une meilleure gestion de carrière et une nomination par les directeurs des futures agences régionales de santé (sauf pour les directeurs de CHU). Pour leur part, les médecins bénéficieraient de "cadres d'exercice souples et valorisants", avec un aménagement du statut (allant jusqu'à l'instauration d'une rémunération à l'activité, notamment pour les chirurgiens) et une unification du cadre contractuel favorisant l'activité à temps partiel de médecins extérieurs. Les personnels non médicaux verraient également leurs perspectives "développées", avec l'alignement sur le système LMD (ce qui répond aux demandes des syndicats infirmiers), le développement de nouveaux métiers (coordination), le renforcement de l'intéressement ou la délégation d'actes (notamment pour les infirmières et les sages-femmes). Enfin, le rapport consacre quatre propositions au développement de l'enseignement et de la recherche : un renforcement de son pilotage, la labellisation des équipes, l'adaptation des formations médicales et paramédicales et un soutien accru au dynamisme de la recherche.
Jean-Noël Escudié / PCA
Réactions plutôt positives et décision le 17 avril
Le rapport Larcher recueille des réactions plutôt positives. L'Association des petites villes de France (APVF), que l'on sait attentive de longue date à la question de l'avenir des hôpitaux, a fait savoir qu'elle "apprécie positivement le constat et le diagnostic posé sur la situation hospitalière de notre pays" et est favorable à la création de "communautés hospitalières de territoire". Espérant que ces regroupements ne servent pas en réalité à "cacher une politique de recomposition hospitalière visant à vider les petits hôpitaux de leur substance et à programmer ainsi leur disparition", l'association présidée par Martin Malvy met en avant trois principes : "complémentarité, accessibilité et subsidiarité", le troisième signifiant qu'"à coût et niveau de sécurité équivalents, tous les actes qui peuvent être effectués au niveau local doivent l'être". L'APVF demande également "une très large prise en compte des élus au sein des instances dirigeantes des futures agences régionales de santé".
Dans une interview aux Echos du 10 avril, Claude Evin, ancien ministre de la Santé et président de la Fédération hospitalière de France (FHF), "adhère totalement aux constats et aux propositions qui sont faites pour relever le défi du maintien d'un service public hospitalier de qualité sur l'ensemble du territoire". Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP et ancien cadre de la FHF, salue un rapport qui "présente des solutions pertinentes et lucides pour l'évolution des structures hospitalières". Le Parti socialiste se montre prudent en attendant "la traduction politique de ce rapport". Pour le PS, "le rapport Larcher, comme Janus aux deux visages, peut être interprété et décliné politiquement de deux manières". Seule la CGT-Santé dénonce la "logique industrielle" et le caractère "productiviste" du rapport. Les fédérations de collectivités n'ont pas encore fait connaître leurs positions.
Pour sa part, le chef de l'Etat a indiqué qu'il dévoilerait ses décisions le 17 avril, à l'occasion d'un déplacement en province, tandis que Roselyne Bachelot annonçait le projet de loi sur l'organisation des soins "au mois d'octobre" sur le bureau de l'Assemblée.