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Santé - Le rapport Ritter propose de révolutionner l'organisation sanitaire et sociale

Philippe Ritter - préfet honoraire et ancien directeur des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) de Rhône-Alpes, puis d'Ile-de-France - a remis à la ministre de la Santé son rapport sur la création des agences régionales de santé (ARS). Ce document préconise de donner aux futures ARS des compétences très étendues, sans commune mesure avec celles des actuelles ARH. Leur compétence s'étendrait ainsi aux établissements de soins publics et privés, aux soins ambulatoires (médecine de ville) et aux activités de prévention et d'éducation pour la santé, mais aussi au secteur médico-social - c'est-à-dire à l'ensemble des structures pour personnes âgées ou personnes handicapées dès lors que "le financement de l'assurance maladie est engagé" -, aux formations sanitaires et sociales, ainsi qu'à la veille et à la sécurité sanitaires et à la gestion des crises sanitaires.
Les ARS se substitueraient naturellement aux ARH, mais auraient aussi vocation à remplacer diverses instances comme les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam), les groupements régionaux de santé publique et les missions régionales de santé. Les ARS deviendraient ainsi des sortes de "ministères de la santé" à l'échelon régional. Une telle évolution conduit inévitablement à poser la question du devenir des actuels services extérieurs du ministère. Sans trancher ouvertement, le rapport Ritter estime en effet que "la question de la pérennité des Ddass et des Drass est posée", compte tenu du transfert à l'ARS de la majorité de leurs compétences actuelles et des effectifs correspondant. Les agents des Ddass et des Drass travaillant sur les politiques sociales de l'Etat seraient, pour leur part, intégrés aux préfectures, marquant ainsi une sorte de retour à la situation antérieure à 1960 lorsque les Ddass étaient encore de simples bureaux des préfectures.
En termes de mission, les ARS auraient vocation à organiser l'offre de soins sur le territoire régional et à veiller à l'efficacité et à l'efficience des dépenses d'assurance maladie. Elle seraient ainsi responsables de la carte sanitaire, de la carte des formations, des restructurations des établissements de soins, de la contractualisation avec les professions de santé, de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie (avec possibilité de déléguer cette compétence aux caisses)... En termes de gouvernance, les ARS s'appuieraient sur trois composantes : "un exécutif fort, resserré autour du directeur", un organe "d'orientation et de suivi" (le conseil de l'ARS, au sein duquel le rapport suggère de faire siéger des parlementaires, mais pas de représentants des exécutifs locaux) et une "instance de démocratie sanitaire", la conférence régionale de santé, regroupant notamment un collège des représentants des communes des départements et de la région.

 

Bouleversements en vue pour les collectivités

Ainsi que l'a annoncé le Premier ministre le 1er décembre dernier, le projet de loi sur l'organisation du système de santé, qualifié de "texte fondateur pour la modernisation de notre système de santé", devrait être déposé pour "l'été prochain". Si ce texte, qui inclura la création des ARS, reprend la vision maximaliste du rapport, il devrait avoir un impact important sur les collectivités.
Pour les régions, l'interlocuteur en matière de formations sanitaires et sociales deviendrait l'ARS au lieu de la Drass. Par ailleurs, la présence au niveau régional d'un "superpréfet" sanitaire et social devrait étouffer dans l'oeuf toute velléité d'investir ce domaine de façon significative. Mais les départements seraient toutefois les plus concernés par la réforme. Le regroupement, au sein des ARS, des compétences en matière d'établissements de soins (celles des actuelles ARH) et de compétences nouvelles à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux (exercées aujourd'hui par les Ddass) a pour objectif de "fluidifier les parcours de soins et d'accompagner le rééquilibrage de l'offre de soins au profit du médico-social". Mais cette meilleure articulation entre sanitaire et social - souhaitée depuis plusieurs années - va conduire les départements à traiter désormais avec un échelon régional, notamment sur la tarification conjointe des établissements. C'est l'ensemble du dispositif mis en place depuis plusieurs années qui va ainsi être ébranlé. Le rapport Ritter est d'ailleurs bien conscient de la difficulté, lorsqu'il indique que "l'inclusion du médico-social dans le périmètre de compétence de l'ARS implique une articulation efficace avec les conseils généraux" et que "cela ne doit pas remettre en cause les compétences respectives de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des conseils généraux, mais mérite néanmoins un examen de la viabilité d'un maintien en l'état du dispositif actuel". Le sujet est suffisamment délicat pour que le rapport propose, sur cette "question essentielle", la mise en place d'un groupe de travail chargé "d'approfondir les moyens opérationnels de nature à assurer cette articulation opérationnelle".

 

Jean-Noël Escudié / PCA