Projet de loi HPST - Il n'y aura pas de décentralisation expérimentale des crédits d'assurance maladie pour le secteur social
La commission des affaires sociales du Sénat a procédé, le 8 avril, à l'audition de Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé, et de Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 18 mars, ce texte doit venir en discussion au Sénat du 11 au 20 mai prochains. La commission des affaires sociales s'est notamment fait l'écho des inquiétudes de nombreux élus face aux pouvoirs considérables que le projet de loi HPST confère à deux acteurs clés de la réforme : les directeurs d'hôpitaux et les futures agences régionales de santé (ARS).
Sur le premier point, la ministre de la Santé - confrontée à la grogne des médecins face aux pouvoirs jugés excessifs des directeurs d'hôpitaux - a reconnu "que la visibilité du binôme constitué par le directeur d'hôpital et le président de la CME [commission médicale d'établissement] peut être encore renforcée dans le projet de loi". Elle a toutefois assorti cette clarification de la "condition que le directeur dispose des moyens de sortir d'une éventuelle situation de blocage". Elle a également confirmé que la création des communautés hospitalières de territoire (CHT) n'a pas pour vocation "de vider certains hôpitaux de leur substance pour en remplir d'autres", mais plutôt de favoriser les alliances entre établissements de taille moyenne.
Plusieurs sénateurs sont ensuite intervenus longuement sur la question des ARS. Leurs propos reflètent largement les craintes des départements, qui s'inquiètent d'un éventuel empiètement des agences sur leurs compétences en matière d'établissements sociaux et médico-sociaux. Le 1er avril, lors de la table ronde au Sénat sur le projet de loi, Bernard Cazeau - sénateur et président du conseil général de la Dordogne - avait résumé ces inquiétudes en indiquant que "dans le domaine médico-social, deux compétences vont s'affronter : le directeur général de l'ARS créé par la loi HPST et le président du conseil général dont les compétences ont été légalisées par les lois de décentralisation".
Tout en reconnaissant que ces interrogations sont "légitimes", Valérie Létard s'est efforcée de rassurer, en affirmant que "l'ARS ne sera pas la domination d'un secteur sur un autre" et que la création des agences est au contraire "une chance pour le secteur médico-social, à condition de respecter certains prérequis", qu'elle n'a toutefois pas détaillés. La secrétaire d'Etat chargée de la solidarité estime notamment qu'"une concertation approfondie entre les collectivités locales et l'ARS est bien organisée au travers de la création d'une commission de coordination qui permettra, dans le respect des compétences de chacun, d'articuler au mieux les politiques médico-sociales". Il n'est pas sûr que ces propos suffisent à rassurer les départements dont la mission de planification de l'offre sociale et médico-sociale - à travers l'élaboration des divers schémas départementaux - sera amoindrie par le rôle central confié aux ARS en la matière au nom de la nécessaire coordination entre le sanitaire et le social. Valérie Létard l'a d'ailleurs reconnu elle-même en indiquant "que l'objectif du schéma régional n'est pas la juxtaposition des schémas départementaux, mais la détermination d'une 'ligne de force' régionale en matière d'analyse des besoins médico-sociaux".
La secrétaire d'Etat a, par ailleurs, opposé une fin de non-recevoir au souhait de certains sénateurs d'expérimenter la délégation, aux conseils généraux, des compétences de gestion des crédits d'assurance maladie destinés aux établissements médico-sociaux. Outre l'aspect prématuré d'une telle expérimentation "alors qu'un texte viendra dans les prochains mois redéfinir les contours des collectivités territoriales" (allusion aux suites éventuelles du comité Balladur), Valérie Létard a fait valoir qu'"un tel transfert de compétence, même expérimental, mérite d'être mûrement réfléchi puisqu'il reviendrait à déroger à un principe fondamental de la protection sociale en confiant aux collectivités territoriales la gestion de crédits d'assurance maladie".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009, en discussion au Sénat du 11 au 20 mai 2009).