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Projet de loi HPST - L'exécutif multiplie les concessions face à la grogne des hospitaliers

Alors que le Sénat vient d'entamer la discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), l'exécutif multiplie les gestes à l'égard du monde hospitalier. Le dernier en date est le discours du chef de l'Etat à l'Elysée, le 11 mai, lors de la remise du rapport du professeur Jacques Marescaux sur la réforme des centres hospitaliers universitaires (CHU). Tout en veillant à centrer son intervention sur ce dernier thème, Nicolas Sarkozy a néanmoins multiplié les allusions à la loi HPST. Evitant soigneusement de réutiliser le terme de "patron" pour désigner le directeur de l'hôpital - ce qui avait mis le feu aux poudres -, il a ainsi répété à plusieurs reprises que ce texte n'était en aucun cas une "loi anti-médecins, à moins de considérer que l'ambition de mieux gérer l'hôpital soit opposée aux médecins" et que le directeur n'avait pas vocation à "devenir un despote absolu". Il a également affirmé que "personne n'a jamais dit que l'hôpital devait devenir une entreprise", ce qui correspond d'ailleurs à l'esprit et à la lettre du projet de loi HPST.
De façon plus concrète, l'exécutif a fait plusieurs concessions. Tout d'abord, il a entériné, pour l'essentiel, les nombreux amendements adoptés par la commission des affaires sociales du Sénat, qui posent des limites aux pouvoirs des directeurs d'hôpitaux, mais aussi à ceux des directeurs des futures agences régionales de santé (voir nos articles ci-contre des 4 et 7 mai). Ensuite, il a décidé d'intégrer les propositions du rapport Marescaux dans le projet de loi HPST, sous la forme d'amendements du gouvernement déposés au Sénat. Une annonce qui fait grincer quelques dents du côté de l'Assemblée nationale : compte tenu de l'urgence déclarée sur le texte, les députés ne prendront en effet connaissance de ces dispositions qu'en commission mixte paritaire. Parmi ces dernières figure notamment la décision de nommer trois vice-présidents du directoire dans les CHU, aux côtés du directeur général. Outre le président de la commission médicale d'établissement (vice-président du directoire dans toutes les catégories d'hôpitaux), les CHU compteront également un vice-président représentant la recherche et un autre représentant l'université. Enfin, le chef de l'Etat a consenti un autre geste - plus symbolique - à destination du monde hospitalier : il s'est en effet rendu, ce 12 mai, à Nancy pour y visiter un établissement.
Le gouvernement est depuis plusieurs jours sur la même longueur d'ondes. Tout en affirmant dans une interview au Monde qu'"il y aura bien une réforme Bachelot sur l'hôpital", la ministre de la Santé a annoncé son intention de multiplier les "gestes d'ouverture". Roselyne Bachelot-Narquin a également affirmé que "l'hôpital n'est pas touché par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux" (34.000 suppressions prévues en 2009). Elle en a profité pour rappeler que les effectifs hospitaliers continueraient d'augmenter globalement en 2009, comme cela est le cas chaque année depuis plusieurs décennies.
Si la multiplication des gestes de bonne volonté - qui ne modifient pas fondamentalement les grandes orientations du projet de loi HPST - semble faire quelque peu retomber la pression, le débat au Sénat s'annonce cependant animé et pourrait dépasser la date du 20 mai prévue pour le vote. Trois motions de procédures et près de 1.200 amendements ont d'ores et déjà été déposés. Sans oublier l'apparition de nouvelles grognes : mécontent des concessions du gouvernement, le président du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) se plaint dans une interview aux Echos du 12 mai du risque, pour le directeur d'hôpital, "d'être ligoté de toute part" et rappelle que "le directeur d'un hôpital, qui gère plusieurs milliers de salariés, jouit de prérogatives bien moindres que le directeur d'une minuscule clinique".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009, en discussion au Sénat du 12 au 20 mai 2009).