Urbanisme - Le principe de précaution est opposable en droit de l'urbanisme... mais pas contre les antennes-relais
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 19 juillet 2010, énonce que le principe de précaution défini à l'article 5 de la Charte de l'environnement doit être pris en compte par l'autorité administrative lorsque celle-ci se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, mais qu'il ne fait pas obstacle à l'implantation d'antennes-relais.
L'article 5 de la Charte de l'environnement impose aux autorités publiques, lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, de veiller, par application du principe de précaution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
En l'espèce, une association avait sollicité l'annulation d'une décision du maire d'Amboise autorisant l'implantation d'un pylône de relais de téléphonie mobile dans le périmètre d'un site classé. La demande est rejetée par le tribunal administratif d'Orléans, le 6 avril 2009, celui-ci estimant que le principe de précaution de l'article 5 de la Charte de l'environnement n'a pas à être pris en compte par les autorités administratives lors de l'octroi d'autorisation en matière d'urbanisme. Saisi du litige, le Conseil d'Etat statue au fond conformément à l'article L.821-2 du Code de justice administrative au vu du nombre important de contentieux relatifs à l'implantation d'antennes-relais.
Le Conseil d'Etat confirme sa jurisprudence "commune d'Annecy" du 3 octobre 2008 (n°297931), qui s'était inscrite dans l'esprit de la décision n°2008-56 DC rendue par le Conseil constitutionnel le 19 juin 2008 concernant la portée des droits reconnus par la Charte de l'environnement. Pour autant, si l'opposabilité de ce principe de précaution ne fait plus de doute, son effectivité reste relative.
En effet, le Conseil d'Etat estime qu'en l'état des connaissances scientifiques sur les risques d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les antennes de relais de téléphonie mobile, le maire n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, considérant par ailleurs que le projet participe à la mission de service public d'accès de tout le territoire à la téléphonie mobile.
Un rapport du 15 octobre 2009 notamment, rendu par l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, affirme l'absence d'effets sanitaires avérés dus à l'exposition aux champs électromagnétiques. En l'absence de risque certain, le principe de précaution issu de la Charte de l'environnement ne constitue pas un moyen effectif devant le juge administratif pour s'opposer à l'implantation d'antennes-relais.
Les justiciables se trouvent cependant fondés à agir devant le juge judiciaire qui fait, depuis plusieurs années déjà, preuve d'audace et a ordonné le démantèlement d'antennes-relais, estimant qu'être exposé contre son gré à un risque de dommage constituait un trouble anormal du voisinage. On se référera par exemple à l'arrêt du 4 février 2009 rendu par la quatorzième chambre de la cour d'appel de Versailles (n°0808775), suivie par de nombreux juges civils : TGI Carpentras, jugement n°0800707 du 16 février 2009 ; TGI Angers, jugement n°0800765 du 5 mars 2009 ; TGI Créteil, jugement n°09658 du 11 août 2009. Sur ce même fondement, le TGI de Grasse (jugement n°2003-221748) avait déjà ordonné le 17 juin 2003 le démantèlement d'une antenne implantée sur le toit d'une école maternelle.
Fany Morisseau, Avocat à la Cour, Cabinet de Castelnau
Référence : Conseil d'Etat, 19 juillet 2010, n°328687, association du quartier "Les Hauts-de-Choiseul".