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Développement durable - Le maire, acteur clé des enjeux énergétiques

Rénovation thermique des bâtiments, transports, urbanisme, chauffage urbain, déchets... : les politiques locales sont au coeur des enjeux de la sobriété énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Un colloque organisé par l'Association des maires de France le 16 juin a fait le tour de ces questions en mettant en avant des expériences locales innovantes.

"On ne peut aménager une ville sans avoir en tête les questions de consommations d'énergie de nos bâtiments et de nos transports", a lancé Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), en introduisant le 16 juin à Paris un colloque sur le thème "Le maire et l'énergie : de la sobriété énergétique à la lutte contre les changements climatiques". A l'occasion de cette rencontre, organisée par l'AMF avec le soutien de la Caisse des Dépôts, les élus ont pu présenter leurs actions en la matière et leurs attentes à l'égard de l'Etat au moment où le Grenelle de l'environnement entre dans sa phase de mise en œuvre.

Deux chiffres suffisent à résumer les enjeux et la puissance d'action des collectivités territoriales : elles gèrent près de 240 millions de mètres carrés de bâtiments et sont en lien direct avec 36 millions d'usagers potentiels des transports publics. Les émissions résultant directement de la gestion de leur patrimoine (flottes de véhicules, bâtiments publics, etc.) et de l'exercice de leurs compétences (transports, déchets, chauffage urbain, etc.)représenteraient plus de 12% du total des émissions de gaz à effet de serre en France. Autant dire qu'elles détiennent en grande partie les clés de la réussite des objectifs du Grenelle.

 

Rénovation thermique des bâtiments : le double défi technique et financier

Le projet de loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle 2) prévoit d'abord l'obligation de réaliser des travaux d'amélioration énergétique dans tous les bâtiments tertiaires entre 2012 et 2020. Un chantier colossal pour les communes qui disposent d'un patrimoine bâti important. Comme l'a souligné Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour et vice-président de l'AMF, en charge du groupe de travail collectivités du Plan Bâtiment Grenelle, le défi n'est pas seulement financier. Il passe aussi par des diagnostics solides. "Sans ingénierie territoriale, on ne pourra mettre en œuvre une politique efficace d'amélioration de la performance énergétique car on manque aujourd'hui de connaissances sur l'état du patrimoine et de professionnels qualifiés pour répondre aux questions des élus et des habitants dans ce domaine."

Comme les investissements en matière d'économies d'énergie s'amortissent sur des périodes longues, il faut aussi réfléchir à de nouveaux modes de calcul. "Le Code des marchés publics va devoir évoluer car on ne peut pas continuer à faire des appels d'offres en prenant uniquement en compte les coûts d'investissement", a souligné Pierre Jarlier. Et de suggérer : "La notion de coût global devrait s'imposer de façon à inclure les coûts de fonctionnement dans la durée." Alors que le principe des prêts bonifiés aux collectivités locales pour mener des travaux de rénovation thermique a été rejeté dans le projet de loi Grenelle 2, il faudrait, selon lui, que l'Etat le rétablisse à la faveur de la prochaine loi de finances.

Intervenant lors du colloque, Valérie Létard n'a pas évoqué une telle mesure. La secrétaire d'Etat au Développement durable a cependant insisté sur les dispositions prévues dans la future loi Grenelle 2 comme les contrats de performance énergétique (CPE), "qui permettront aux collectivités de financer les travaux sur leur parc immobilier grâce aux économies d'énergie réalisées". Un guide pratique pour aider les collectivités à nouer les partenariats pour monter des CPE est en cours de finalisation, a indiqué Valérie Létard. Et la secrétaire d'Etat de citer, parmi les apports du Grenelle, le Fonds chaleur renouvelable, doté d'un milliard d'euros sur la période 2009-2011, pour financer la construction d'installations de production de chaleur renouvelable, notamment des chaufferies bois municipales ; les tarifs d'achat de l'électricité renouvelable qui ont été étendus "à l'ensemble des collectivités et établissements et organismes qui en dépendent" et les certificats d'économies d'énergie appelés à "monter fortement en puissance puisque l'objectif de la seconde période sera 5 fois plus important que celui de la 1ère période".

 

Diffuser les bonnes pratiques sur le territoire

Les collectivités ont aussi une responsabilité importante pour faire partager les enjeux de la sobriété énergétique avec les habitants de leur territoire mais aussi les bailleurs et les entreprises. Les Agendas 21 locaux comme les Plans Climat énergie territoriaux, qui vont devenir obligatoires pour les communes de plus de 50.000 habitants, sont des outils puissants de mobilisation, comme en témoignent plusieurs actions présentées le 16 juin. La communauté de communes du pays des Herbiers (85) a élaboré en 2009 un Agenda 21 local après avoir mené depuis 10 ans un programme d'information et de sensibilisation sur l'énergie qui s'est notamment traduit par des aides aux particuliers pour la modernisation de leur système de chauffage et une opération de thermographie sur l'ensemble du territoire, accompagnée de diagnostics personnalisés sur les maisons – 3.000 foyers ont été touchés en 4 mois.

Autre exemple : la communauté d'agglomération de Rennes Métropole, qui cumule déjà Agenda 21 et Plan Climat, a également signé la Convention des maires qui pose comme objectif de réduire d'au moins 20% les émissions de CO2 du territoire d'ici à 2020. Pour accompagner les habitants et les entreprises dans leurs efforts de réduction des émissions, elle s'est dotée d'une agence locale énergie qui emploie 20 personnes en équivalent temps plein.

La communauté de communes d'Epinal, elle aussi signataire de la Convention des maires, a démarré en 2007 par une opération de thermographie aérienne qui a suscité l'engouement des habitants avant de lancer un Plan Climat territorial, aujourd'hui décliné à l'échelle du schéma de cohérence territoriale (Scot). "Grâce au Scot, qui permet d'intégrer toutes les problématiques en matière d'habitat, d'urbanisme, de déplacements, nous pouvons avancer plus vite et de façon coordonnée, qu'il s'agisse du déploiement des bâtiments basse consommation sur tout le territoire ou de la multiplication des chaufferies bois, a assuré Michel Heinrich, député-maire d'Epinal. Nous pouvons mieux harmoniser les pratiques des communes en matière d'aides."

 

Une offre de transports à adapter

La question des déplacements a aussi donné lieu à des échanges nourris au cours du colloque. Planification, aménagement, organisation des transports, soutien aux modes alternatifs à la voiture individuelle (pédibus, vélo, auto-partage, co-voiturage, véhicules électriques…) et à des comportements respectueux de l'environnement… : les collectivités ont de larges responsabilités en la matière.
Patricia Varnaison-Revolle, chef du département déplacements durables du Certu (centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques), a rappelé l'évolution de la demande. "Il y a dix-quinze ans, les gens étaient considérés comme des 'mono-utilisateurs' qui ne prenaient que la voiture, ou que le bus, le vélo… aujourd'hui, c'est en fonction de leurs utilisations." Les déplacements liés au travail sont par ailleurs "à remettre au coeur de la réflexion car un kilomètre sur deux en voiture est lié au travail en France", et passe à "deux kilomètres sur trois aux heures de pointe".
L'offre de transports doit donc s'adapter à ces évolutions. "Si les gens ne prennent pas le bus, ce n'est pas qu'ils sont bêtes, c'est que les bus ne sont pas bons", a lancé Christian Proust, vice-président de la communauté d'agglomération Belfortaine (Territoire de Belfort) qui a décidé de changer complètement sa flotte de bus. "Comme on était très mauvais, on n'avait pas de risque à basculer, a-t-il expliqué. On a donc choisi nos bus comme les gens choisissent leur voiture : gris métallisé, avec une attention particulière au design…". Conséquence : "nous sommes passés de 10.000 à 30.000 abonnés à notre 'pass optimo'", pour lequel trois tarifs sont valables (gratuit pour les allers-retours des élèves, à neuf euros pour les tarifs sociaux, et 30 euros pour les autres). Maintenant, le bus "touche toutes les catégories sociales : dans les 30.000, 12.000 sont des salariés, alors qu'auparavant seuls les jeunes et les pauvres le prenaient", a affirmé Christian Proust.
Michel Guilbert, maire d'Eperlecques (Pas-de-Calais) et vice-président de la communauté d'agglomération de Saint-Omer, a rappelé que dans sa région "beaucoup de gens sont sans mobilité". Le service des transports à Saint-Omer est récent : quatre lignes de transports en commun depuis le 1er septembre 2005, mais le vice-président souhaite "trouver des idées plus flexibles que le bus". Depuis 2009, "trois véhicules sont ainsi à disposition". Il faut réserver le véhicule, qui se rend ensuite "à l'arrêt scolaire le plus proche du domicile", et conduit à la "gare ou au centre-ville, au centre hospitalier, ou au centre commercial". "Un trajet coûte un euro" au client. L'année dernière, il y a eu "3.400 voyages pour un coût de fonctionnement de 100.000 euros." C'est donc un service, au stade expérimental, qui "coûte extrêmement cher".

Marc Le Tourneur, chargé de mission pour Transdev, filiale de la Caisse des Dépôts aujourd'hui quatrième opérateur de transport public en Europe, a pour sa part présenté l'expérience de Tam (Transports de l'agglomération de Montpellier) dont il a été directeur général de 2001 à 2010. Cette société d'économie mixte gère tout à la fois les bus, les trams, les parkings, les horodateurs, ainsi que les vélos et les autos en libre-service de Montpellier. La Tam dispose ainsi "de tous les curseurs" pour la politique des transports. Avantage selon Marc Le Tourneur : "on peut vivre sans voiture à soi en ville", avec une "même carte qui fait tout pour 34 euros par mois (vélo, bus, autopartage)". Pour les vélos en libre-service, il a raconté avoir fait appel à Decaux et à Clear Channel, qui lui proposaient le prix de "2.500 euros par vélo et par an". Avec l'aide de Transdev, on a mis en place un système qui coûte moins cher à installer" et qui ramène le prix à 700-800 euros par vélo et par an, "pour une utilisation équivalente".
Le chargé de mission de Transdev a aussi affiché sa perplexité devant le projet Autolib' de Paris. Selon lui, "on connaît les clés" du système des voitures en libre-service : "Je suis adhérent, je réserve une voiture à un endroit et je la ramène au même endroit." Mais avec Autolib', "on est sur autre chose : prendre la voiture quelque part et ne pas la ramener". "Le coût du service n'a plus rien à voir", a-t-il estimé. "Quel est le business plan ? Quelle est la différence avec un taxi ? Une voiture qui n'est pas électrique ? Pourquoi ne pas demander aux taxis d'avoir des véhicules électriques alors ?" Autant de questions que les promoteurs du système vont devoir résoudre.
 

Anne Lenormand

 

 

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