Environnement - La loi Grenelle 2 est bouclée, enfin presque...
Le 11 mai, les députés ont voté par 314 voix contre 213 le projet de loi portant engagement national sur l'environnement, dit Grenelle 2, dont l’examen s’est achevé à près de 4 heures du matin le 8 mai. Lors du vote solennel, les parlementaires UMP ont fait bloc et mis en avant le consensus qui a su se dégager dans leurs rangs. L’un d’eux, Martial Saddier, député de Haute-Savoie, a ajouté que "l’équipe réunie autour du ministre Jean-Louis Borloo a été présente pendant les 100 heures de débats en commission, à l’écoute des parlementaires", et qu’en amont du texte, il fallait saluer l’implication de la société civile et des collectivités territoriales. Le banc du Nouveau Centre s‘est dit "heureux d'avoir contribué à enrichir le texte, notamment par le biais d'amendements de bon sens, fruits de leur expérience d'élus locaux".
Et l’un de ses députés, Stéphane Demilly (Somme), de citer à l’appui les amendements adoptés à l’initiative du groupe : celui autorisant les établissements recevant du public à utiliser l'eau de pluie pour l'alimentation des toilettes, celui obligeant les établissements de restauration rapide à mettre en place une collecte sélective des déchets, celui reconnaissant la précarité énergétique dans le cadre du droit au logement, etc. A gauche, le député de Paris Yves Cochet a pour sa part jugé la loi "décevante" et a voté contre.
A la sortie du vote, quelques députés dont les rapporteurs du texte ont livré leurs impressions. L’ambiance était à la satisfaction, voire au soulagement pour certains, et le bon sens prévalait : "Les outils sont en place, il faut maintenant les activer au niveau des collectivités, des territoires, et des entreprises", ont aussi bien insisté Michel Piron, député de Maine-et-Loire et rapporteur de la commission des affaires économiques, que Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie. Sur le volet de la performance énergétique du bâtiment (titre I) - étonnamment celui qui a suscité le moins de remous alors que la partie n’était pour ainsi dire pas gagnée d’avance - le premier a confié que les "bons jalons, les bonnes questions ont été posés" mais s’est dit déçu par la mesure introduite en dernier lieu par le Nouveau Centre, qui a rendu opposable suite à un amendement les diagnostics de performance énergétique (DPE). Selon lui, ce point sera sûrement à nouveau débattu dans le cadre de la commission mixte paritaire (CMP), qui se réunira prochainement afin d'aboutir à un compromis entre sénateurs et députés, et à l’issue de laquelle le texte sera définitivement adopté. Pour l’heure, ses membres ne sont pas connus mais ils ne devraient pas tarder à être nommés sur vote. Au sein de cette CMP, d’autres "petits ajustements" devraient être abordés, notamment sur le volet urbanisme.
Mais pas l’enjeu d’intercommunalisation du PLU, que Michel Piron a déjà soutenu à travers un amendement (rejeté malgré l’appui du secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme, Benoist Apparu) et qui, "s’il a été évacué du texte, reviendra dans le cadre de la proposition de loi en cours relative à l’urbanisme commercial", qu’il défend en parallèle aux côtés de Patrick Ollier, député des Hauts-de-Seine.
Comme d’autres, le député de la Meuse et rapporteur Bertrand Pancher n’a pas caché que le projet de loi Grenelle 2 aurait pu aller plus loin sur certains points, par exemple en matière de concertation déployée en amont des enquêtes publiques ou de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), un enjeu trop vite esquissé dans le texte. Le rapporteur et député-maire d'Orléans Serge Grouard a conclu en pointant l’un des impacts déjà positifs du texte, à savoir "l’effet d’anticipation qu’il a suscité chez les professionnels, notamment dans le domaine de l’isolation et de la performance énergétique". De son point de vue d’élu, l’effet serait un peu moins marqué au sein des collectivités, où la prudence règne et où beaucoup reste pourtant à faire…
Morgan Boëdec / Victoires éditions
Les principales mesures du Grenelle 2
Bâtiments et urbanisme : création d'une attestation obligatoire vérifiant la prise en compte des normes énergétiques à la fin des travaux. Développement des contrats de performance énergétique. Obligation d'informer en amont les futurs occupants d'un bâtiment sur sa performance énergétique et affichage des performances énergétiques dans les annonces immobilières. Opposabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE). Simplification des procédures pour la réalisation de travaux de rénovation thermique au sein des copropriétés. Verdissement des outils de planification (directives territoriales d'aménagement, schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme), possibilité de dépasser les coefficients d'occupation des sols (Cos) jusqu'à 30% si les bâtiments concernés sont particulièrement performants en matière énergétique. Réforme de la réglementation de l'affichage publicitaire.
Transports : modulation des péages selon les émissions de gaz à effet de serre pour les poids lourds, possibilité pour les communes de créer et d'entretenir des infrastructures de charges de véhicules électriques, création d'un label pour l'"auto-partage", obligation de prévoir des garages à vélos dans les nouveaux immeubles, possibilité de financer les transports collectifs en site propre (TCSP) par la taxation des plus-values foncières induites.
Energie et climat : élaboration au niveau régional de schémas du climat, de l'air et de l'énergie, instauration d'un schéma régional de raccordement au réseau d'énergies renouvelables, bilan social et environnemental pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 500.000 habitants avant fin 2012.
Energies renouvelables (ENR) : création d’un tarif d’injection pour le biogaz, extension aux régions et aux départements du bénéfice de l'obligation d’achat pour l'énergie qu'ils produiront de façon renouvelable, fixation d’un délai pour les petites installations des particuliers. Pour l'éolien, seuil de 5 mâts minimum par installation, à une distance d’au moins 500 mètres des premières habitations, rythme de construction d’au moins 500 machines par an. Soumission des éoliennes au régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Schémas régionaux éoliens.
Biodiversité : déploiement de la trame verte et bleue (TVB) qui devient opposable aux infrastructures linéaires de l'Etat. Schémas régionaux de cohérence écologique.
Pesticides et agriculture : interdiction de la publicité sur les pesticides, label de "haute valeur environnementale" pour les exploitations agricoles, lancement d'un programme de prévention contre les algues vertes, protection des points de captage d’eau potable, généralisation des bandes enherbées le long des cours d'eau.
Risques et santé : encadrement de la pollution lumineuse, lutte contre les pollutions sonores, surveillance de la qualité de l'air intérieur, mesure et information du public sur les ondes électromagnétiques, interdiction des téléphones portables dans les écoles (de la maternelle à la fin du collège). Expérimentation de l’étiquetage carbone sur produit. Suspension de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol.
Déchets : impression des livres scolaires en papier recyclé, renforcement de l'ambition des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers, redevance incitative, harmonisation des consignes de tri, étude de l’extension du principe de responsabilité élargie des producteurs (REP). Limitation de la capacité des incinérateurs et des centres de stockage à 60% des déchets produits sur le secteur concerné.
Gouvernance : modification de la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) avec une participation accrue des associations.