Rénovation thermique - Philippe Pelletier : "Les collectivités montrent un grand dynamisme"
A la veille des premières Assises nationales de l'éco-rénovation dans l'habitat organisées par Ideal et son réseau Habitat logement le 17 juin, Philippe Pelletier, président du comité stratégique du Plan Bâtiment Grenelle, dresse le bilan de sa mise en œuvre et de l'action des collectivités.
Localtis : L'éco-rénovation ne progresse pas au même rythme selon les différents types d'habitat. Quels sont aujourd'hui les secteurs les plus avancés ?
Philippe Pelletier : Il faut distinguer quatre sortes de logements : les maisons individuelles, les copropriétés, le logement social et les résidences secondaires. Le choix a été fait de ne pas s'intéresser à ces dernières, la ressource n'étant pas suffisante pour irriguer l'ensemble du parc. Les copropriétés ne sont pas encore en ordre de marche puisqu'il y a dans la loi Grenelle 2 toute la mécanique et les moyens de gouvernance dont elles ont besoin pour décider des travaux.
Du côté des logements sociaux, nous sommes sur la ligne qui avait été décidée début 2009 par le protocole signé entre l'Etat et l'Union sociale pour l'habitat, avec comme objectif 100.000 logements rénovés d'ici fin 2010. Pour les maisons individuelles, on aura rénové par l'éco-prêt à taux zéro fin 2010 200.000 maisons et par les aides de l'éco-subvention distribuées par l'Anah pour les ménages modestes 60.000 à 80.000 maisons supplémentaires. C'est beaucoup. Je rappelle que nous sommes sur un objectif 2050 et que la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 dit qu'à partir de 2013 on doit faire 400.000 logements par an. Nous montons donc en puissance tout à fait normalement.
Ne craignez-vous pas que vu l'état des finances publiques, l'éco-prêt à taux zéro soit menacé ?
Je ne le pense pas. Ce serait absurde qu'il ne soit plus soutenu. Ce serait incohérent car c'est un outil qui commence à être connu et à être bien appliqué par les entreprises et par les banques, il faut le laisser vivre.
On lui reproche aussi de ne pas être adapté aux besoins de financement des copropriétés…
C'est exact. Il est d'ailleurs étrange que des copropriétaires aient commencé à rénover car la règle du jeu n'est pas encore en place. Il n'est pas possible par exemple de faire un éco-prêt à taux zéro aujourd'hui pour changer un chauffage collectif. La seule action possible serait de changer les fenêtres. Mais pour prétendre à l'éco-prêt, il faut au moins deux actions. La loi Grenelle 2 prévoit de nouvelles règles. L'éco-prêt à taux zéro devra peut-être être adapté. Un groupe de travail y réfléchit.
Vous avez remis au début de l'année à Benoist Apparu et à Valérie Létard un rapport sur la précarité énergétique assorti de neuf propositions. Qu'en résulte-t-il comme mesures concrètes aujourd'hui ?
Ces propositions ont été acceptées par le gouvernement. Elles sont financées : 1,250 milliard d'euros sur 8 ans. Nous sommes au stade de la mise en œuvre. La loi Grenelle 2 a chargé l'Anah de gérer ce fonds. On a en plus mis dans Grenelle 2 une définition de la précarité énergétique et conformément à l'engagement qui avait été pris, on a bonifié les certificats d'économie d'énergie portant sur des travaux de lutte contre la précarité énergétique. On a fait tout ce qui est possible, on est maintenant dans la phase où on met en place le plan qui va se décliner territorialement et l'Anah est en train de nouer des partenariats avec certaines collectivités pour qu'elles abondent le fonds et que l'on passe à l'action. On est dans un mécanisme de prise en charge sociale de la personne en situation de précarité énergétique et la démarche consiste à mobiliser les réseaux associatifs pour jouer ce rôle d'approche des personnes concernées, d'accompagnement pendant la phase de décision des travaux jusqu'à la remise du chèque travaux à la fin de l'opération. Courant 2010, les premières aides seront apportées.
Pourquoi cibler en priorité l'habitat diffus en milieu rural ?
C'est là que se situe la précarité énergétique. Les personnes concernées sont principalement des propriétaires occupants (ménages retraités ou pré-retraités ou touchant le RSA…), qui consacrent plus de 10% de leurs ressources à se chauffer. Or la consommation d'énergie dans une maison est le double de celle d'un appartement. A revenu égal, une personne qui vit dans un appartement en ville consomme deux fois moins.
Concernant les collectivités, quels sont les bâtiments à rénover en priorité ? De quels nouveaux dispositifs d'accompagnement devraient-elles bénéficier pour poursuivre et intensifier leurs efforts ?
Il y a une situation probablement paradoxale aujourd'hui car il n'y a pas venant du Plan Bâtiment Grenelle une organisation très claire pour inciter les collectivités territoriales à progresser et à entreprendre dans la durée la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Mais d'autre part, il y a de la part des collectivités territoriales une pléthore d'initiatives qui les unes et les autres montrent un grand dynamisme. On a quatre sortes d'exemples : celui de petites collectivités qui ont décidé des exonérations ou des réductions de taxes foncières lorsque leurs assujettis transformaient leurs bâtiments, de grandes régions comme l'Alsace ou la région Centre qui ont décidé un plan très ambitieux de rénovation de leurs lycées. Autres exemples : celui de la ville de Grenoble qui apporte une aide aux copropriétés pour assurer leur rénovation énergétique ou celui des régions qui ont décidé de prendre en charge l'intérêt de 1,9% versé par les organismes HLM au titre de l'éco-prêt social qui permet de financer les travaux de rénovation énergétique.
On observe aussi des actions assez fortes de mesure de la performance énergétique du parc sous forme notamment de thermographie.
Nous sommes plutôt en retard pour donner une méthode, une hiérarchie des priorités et pour éventuellement inciter l'Etat à accompagner ce mouvement mais il est réel et ne nous a pas attendu pour commencer.
Les collectivités ne risquent-elles pas de buter rapidement sur des obstacles financiers vu l'ampleur des chantiers à mener et le contexte de restriction budgétaire ?
Probablement. Nous avons un groupe de travail présidé par Pierre Jarlier (sénateur-maire de Saint-Flour, NDLR) qui doit rendre compte d'ici un mois de ses propositions et de ses incitations. J'observe simplement que dans le vote de Grenelle 2, des parlementaires n'ont pas manqué de faire des propositions au gouvernement qui ont été retoquées, notamment celle visant à ouvrir le prêt à 1,9% aux collectivités et une autre prévoyant l'élargissement aux collectivités du dispositif de TVA à taux réduit. Le gouvernement ne semble pas enclin, et les temps budgétaires lui donnent raison, à aider les collectivités.
Néanmoins, elles peuvent recourir à de nouveaux outils. Les certificats d'économie d'énergie, tout d'abord, qui vont donner un peu d'aides financières. Il y a aussi les contrats de performance énergétique (CPE) mais on met derrière ce vocable des réalités très différentes. Au sens premier du terme, le CPE est un marché de travaux avec un engagement sur la performance après les travaux. Mais la collectivité peut aussi traiter avec une entreprise qui non seulement va garantir une performance mais en plus assurer la rénovation du bien en se payant sur les économies d'énergie. Il n'est pas sûr que ce modèle fonctionne sauf dans la très longue durée car il est difficile de trouver des partenaires privés dans ces conditions-là. On observe donc aujourd'hui deux autres options permettant aux collectivités de ne pas débourser pour faire les travaux. Soit le propriétaire du bâtiment consent une sorte de loyer pendant le temps du contrat qui vient équilibrer la relation : en d'autres termes l'économie réalisée sur les travaux ne suffit pas à payer l'entreprise, c'est une sorte de flux régulier qui intervient. Ou bien il fait appel à une entreprise qui dépend d'un groupe producteur d'électricité ou de gaz et en même temps que les travaux sont faits et il y a un engagement à acquérir l'énergie de la part de la collectivité.
Dans tous les cas, les collectivités ont un rôle central à jouer dans l'éco-rénovation ?
Oui, je le pense. L'Etat a donné des objectifs généraux à travers Grenelle 1, fabriqué la trousse à outils pour rendre possible la réalisation des objectifs à travers Grenelle 2 et maintenant il y a une appropriation des sujets par les différents décideurs et les collectivités sont l'un des plus importants.
Propos recueillis par Anne Lenormand