Transports - Le gouvernement annonce la suspension "sine die" de l'écotaxe poids lourds
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, et le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, ont annoncé ce 9 octobre, la "suspension sine die du dispositif de l'écotaxe", nouvellement rebaptisée péage de transit poids lourds, ainsi que la création d'un "groupe de travail de co-construction d'une solution avec toutes les parties prenantes" dès la semaine prochaine, et "la recherche de solutions sur la situation économique et sociale globale du secteur". Ces décisions ont été prises après une rencontre, le matin même, avec les responsables des fédérations professionnelles de transport routier, qui avaient appelé à des manifestations dès le 13 octobre.
Ségolène Royal et Alain Vidalies ont affirmé dans un communiqué commun "prendre acte des difficultés de mise en œuvre de l'écotaxe, y compris dans sa phase d'expérimentation", "de la nécessité de clarifier les sources de financement de l'usage des infrastructures pour aboutir à un système clair et juste" et "de la volonté des professionnels du transport de participer à des solutions de financement équitables et pérennes".
Lors d'une conférence de presse consacrée au projet de loi sur la transition énergétique ce même 9 octobre après-midi, la ministre de l'Ecologie a indiqué que sa priorité était "le prélèvement du profit des autoroutes". "C'est quand même le bon sens et c'est un principe pollueur-payeur", a-t-elle déclaré. "La question du payeur usager n'est absolument pas remise en cause, mais doit faire l'objet d'une construction qui prenne en compte les difficultés réelles des entreprises" de transport, a-t-elle dit. Expliquant sa décision de suspendre sine die le péage de transit poids lourds, la ministre a mis en avant les difficultés économiques rencontrées selon elle par les transporteurs. "Pour être appliqué dans les entreprises, celles-ci doivent changer totalement leur système informatique" et "les entreprises ont alerté sur le fait qu'il fallait équiper tous les camions et que ça représentait un coût", a-t-elle dit. "La priorité aujourd'hui, c'est l'emploi. Si l'expérimentation du système écotaxe doit poser des problèmes économiques supplémentaires aux entreprises et menacer l'emploi, les décisions de bon sens doivent être prises", a-t-elle estimé.
Les profits des sociétés d'autoroute dans le collimateur
Selon elle, "les entreprises ont pris connaissance la semaine dernière de la publication des profits des sociétés d'autoroute, et cet élément-là a suscité beaucoup d'interrogations, pour ne pas dire de la colère dans les entreprises qui s'apprêtaient à être taxées". "Sur 100 euros de péage payés par l'usager, 22 sont du profit net pour les sociétés d'autoroute (...) qui ont permis la redistribution de 15 milliards de dividendes depuis la privatisation. On comprend que les entreprises de transport routier aient demandé d'abord la mise à plat des flux financiers", a-t-elle jugé, soulignant "le côté un peu choquant de voir les sociétés d'autoroute en situation de monopole faire autant de profits". Elle a indiqué que le groupe de travail qui allait se mettre en place la semaine prochaine avec toutes les parties prenantes avait pour objet de "mettre à plat les flux des sources de financement... Et les solutions à trouver. Certains ont évoqué la vignette... On ne va pas faire les choses dans la précipitation".
Une mise en oeuvre attendue depuis... 2011
Issue du Grenelle de l'environnement et votée en 2009, sous le gouvernement Fillon, l'écotaxe devait initialement s'appliquer en 2011. Maintes fois reportée, elle a fait l'objet d'une remise à plat sous le gouvernement Ayrault avant d'être suspendue en octobre 2013, suite au mouvement des "Bonnets rouges" en Bretagne. Le nouveau système de "péage de transit poids lourds" au périmètre plus restreint (4.000 kilomètres de routes contre 15.000 kilomètres) et aux recettes moindres (550 millions d'euros bruts par an contre 1,2 milliard d'euros), décidé par Ségolène Royal en juin 2014 a été adopté dans la loi de finances rectificative du 8 août 2014. Le dispositif devait faire l'objet d'une phase d'expérimentation dès le 1er octobre pour une entrée en vigueur, prévue au 1er janvier 2015. Mais Alain Vidalies avait déjà annoncé le 26 septembre son report "aux tout premiers mois de l'année 2015".
Les recettes dégagées par le péage de transit poids lourds devaient abonder le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour financer les infrastructures de transports, et participer au financement de projets de transports en commun inscrits dans les volets mobilités des contrats de plan Etat-région. Pour compenser la baisse des recettes attendues due au nouveau dispositif, le projet de loi de finances pour 2015 a inscrit une augmentation de deux centimes d'euros par litre de gazole dans la TICPE, qui doit rapporter 800 millions d'euros.