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Transports - La taxe poids lourds inquiète les élus

Quel est le but de la taxe poids lourds ? Quel sera son impact sur les territoires ? Quelles difficultés pose-t-elle ? Le 3 mai, France Nature Environnement et l'association TDIE ont organisé un séminaire éclairant sur le sujet. Pour rappel, cette taxe de douze centimes d'euro par kilomètre en moyenne, dont le déploiement est prévu en 2013, couvrira l'ensemble du réseau routier national (12.000 kilomètres) et une partie du réseau départemental (5.000 kilomètres). Pour Olivier Quoy, adjoint au chef de la mission interministérielle sur la tarification routière qui est rattachée au ministère de l'Ecologie, "elle a été conçue pour envoyer un signal prix afin de faire évoluer la demande de transport". Selon Stéphane Levesque, économiste des transports et délégué aux activités routières de la Fédération des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), "le choix du régime douanier dans lequel elle s'inscrit ne laisse guère de doute sur sa nature, ce n'est pas une éco-redevance mais une manière de taxer la route pour financer des infrastructures". Mais le ministère n'en déroge pas : le but ne serait pas de taxer les transporteurs étant donné que cette taxe sera répercutée sur les chargeurs, et donc sur le prix de vente du produit transporté. "Elle est un levier d'action plus global, qui doit favoriser le transfert modal", insiste Olivier Quoy.

Des projets de décrets attendus pour l'été

En l'instituant, la loi Grenelle 1 a nourri des espoirs ambitieux en termes de report modal vers le fluvial et le ferroviaire. Mais seraient-ils trop ambitieux ? La question se pose pour Philippe Duron, co-président de TDIE et député-maire de Caen, "puisqu'on voit bien sur le terrain que ce transfert modal est grippé, du fait notamment d'un fret ferroviaire peu performant". Face à ces paradoxes, les arbitrages qui restent à mener sont à ses yeux "très fins". Au sein de l'administration, avec les partenaires ou devant le Conseil d'Etat, ils sont d'ailleurs toujours en cours et tant pour préciser les modalités de mise en place de la taxe que pour définir plus précisément comment elle s'appliquera au réseau départemental, les débats sont tendus. Une échéance a été fixée cet été pour communiquer des projets de décrets aux collectivités. Le montant des recettes qu'il est prévu de leur rétrocéder est connu. Il est estimé à 160 millions d'euros, qui iront essentiellement aux conseils généraux". Il est regrettable que le niveau total des recettes ait été plafonné", a réagi dans la salle Gérard Voisin, député de Saône-et-Loire. Il y aura par ailleurs des périmètres spécifiques de perception. Sur le périphérique parisien par exemple, le produit de la taxe reviendrait ainsi à la ville de Paris et, sur les routes autour de Strasbourg, à la communauté urbaine de cette collectivité. Surtout, la plupart de ces routes traversant plusieurs départements, les choses se corsent pour distinguer sur ces territoires le tronçon taxé du tronçon gratuit.

Remise en cause de l'expérimentation en Alsace

Autre sujet d'insatisfaction des élus : le retard pris dans la mise en place de cette taxe - qui est en partie dû à l'inscription du dispositif dans le cadre d'application de la directive européenne sur l'interopérabilité des systèmes routiers - prive pour l'instant les conseils généraux de recettes. Son expérimentation en Alsace semble d'ailleurs remise en cause. Et l'inquiétude des élus s'accroît au vu de la dimension judiciaire que prend l'affaire. L'appel d'offres remporté par le consortium mené par l'Italien Autostrade, allié à la SNCF, Thales, Steria et SFR, en vue de gérer la perception de cette taxe vient en effet d'être annulé par le tribunal administratif de Cercy-Pontoise. "Ce n'est qu'une étape, on en est au pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Pour nous, le projet continue", a tenté de rassurer Olivier Quoy. Sans pour autant convaincre Michel Boutant, sénateur et président du conseil général de Charente, qui craint que les départements ne retirent au final plus d'inconvénients que de bénéfices du dispositif. Et encore moins Jean-Louis Guérin, directeur régional du développement économique et territorial de la chambre de commerce et d'industrie du Nord-Pas-de-Calais, une région non exonérée d'une partie du montant de la taxe, comme ce sera le cas en Bretagne, Aquitaine et Midi-Pyrénées. Il explique qu'"elle est un coup de massue de plus porté à la compétitivité des ports de Dunkerque et Boulogne". En effet, taxer les routes par lesquelles leurs flux transitent conduira, selon lui, à des reports de trafic vers le réseau belge. "Alors qu'on parle de la nécessité d'avoir des plateformes logistiques sur le futur canal Seine-Nord, ce n'est pas une bonne nouvelle car cela va au contraire inciter à ce qu'elles se développent chez notre voisin, mais pas chez nous", a-t-il conclu.