Transports - Taxe poids lourds : mise en oeuvre prévue début 2013
Le déploiement de la taxe poids lourds est "anticipé tout début 2013", a indiqué Daniel Bursaux, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, ce 16 février lors d'une table-ronde organisée par le Sénat sur la mise en place de cette taxe, adoptée dans la loi de finances pour 2009. La loi Grenelle 1 avait prévu son entrée en vigueur en 2011 mais le gouvernement avait annoncé en avril dernier son report à 2012. L'administration est "en train de mettre au point le contrat " de l'opérateur chargé de la gestion de la taxe poids lourds, "l'exercice devrait être finalisé en avril", a précisé Daniel Bursaux. C'est le consortium dirigé par l'Italien Autostrade, allié à la SNCF, Thales, Steria et SFR, qui a remporté le contrat, mi-janvier. "L'expérimentation alsacienne sera réduite sans doute à trois mois, après l'été" 2012, a poursuivi Daniel Bursaux.
La taxe poids lourds est une taxe de douze centimes d'euro par kilomètre en moyenne, qui couvrira tout le réseau routier national (12.000 kilomètres), ainsi qu'une partie du réseau départemental (5.000 kilomètres). Les recettes issues du réseau national seront reversées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), celles du réseau départemental aux budgets des conseils généraux. Le rendement total devrait atteindre 1,2 milliard d'euros. Selon Jean-Paul Deneuville, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), "600.000 des 800.000 véhicules taxés seront français".
Des coûts de perception jugés trop élevés
Plusieurs sénateurs ont manifesté leur mécontentement concernant le retard de mise en place de la taxe, qui prive les conseils généraux de recettes, comme l'a fait remarquer Éric Doligé, sénateur UMP du Loiret et président du conseil général du département. Mais Daniel Bursaux a estimé ces "délais extrêmement ambitieux" et "extrêmement courts par rapport à ce qui a pu se faire dans d'autres Etats membres de l'Union européenne". Autre sujet d'insatisfaction des parlementaires : le coût de perception de la taxe atteindra 20 % environ, contre une moyenne de 5 à 10 % pour les autres taxes. Sur 1,2 milliard d'euros, "150 millions d'euros" iront aux collectivités, au moins "200 millions d'euros" iront au prestataire, il restera donc moins de 850 millions d'euros à l'Afitf, a indiqué Antoine Seillan, chef du bureau des transports à la quatrième sous-direction de la direction du budget. Pour Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes-Maritimes, ce coût de perception est "considérable". Daniel Bursaux a avancé deux explications. "Nous taxons le réseau non autoroutier (...). Il y a donc moins de trafic, et l'assiette est moins favorable." Par ailleurs, le contrat de partenariat va courir sur "dix ans", avec des "coûts d'amortissement rapides". L'interopérabilité du système est une troisième explication, selon Henri Havard, inspecteur des finances chargé de la sous-direction des droits indirects à la direction générale des douanes et droits indirects. "Nous serons le premier système européen interopérable, c'est-à-dire reproductible dans l'Europe. Ça fait partie du coût."
Le Conseil d'Etat doit examiner un projet de décret sur la définition du réseau local taxable. "L'exercice a été particulièrement difficile. Les positions de conseils généraux étaient totalement inconciliables. Certains veulent que zéro kilomètre de leur réseau soit impacté, d'autres un kilométrage beaucoup plus important qu'imaginé", a souligné Daniel Bursaux. Ainsi, une même route pourrait avoir des tronçons taxés dans certains départements et d'autres gratuits. Pour Jean-Paul Deneuville, il avait d'abord été prévu d'inclure "1.000 kilomètres" de routes départementales, puis "2.000" et maintenant "5.000", "il est grand temps que ça s'arrête". Le délégué général de la FNTR a également demandé à ce que les recettes de la taxe "soient affectées aux infrastructures routières", et non aux "autres modes de transport" concurrents. La loi Grenelle 1 prévoit que l'écoredevance permette de financer des projets d'infrastructures de transport sans préciser leur type. Toutefois, elle prévoit des objectifs ambitieux de report modal vers le fluvial et le ferroviaire.
Pour la FNTR, la mise en place de la taxe n'aboutira à aucun report modal, car la moyenne des distances parcourues par les poids lourds taxés est de 45 kilomètres. "Sur les distances de 45 kilomètres, il est clair qu'il n'y aura pas de report modal, a reconnu Daniel Bursaux. Mais pour les trajets internationaux qui traversent l'ensemble de la France, la taxe peut rendre [les modes alternatifs] compétitifs. On espère un vrai report modal." Rémi Mayet, chef d'unité adjoint de la politique des transports terrestres à la DG Mobilité et transports de la Commission européenne, a cité pour sa part l'étude d'impact de la révision de la directive Eurovignette, selon laquelle l'instauration d'une redevance pour les coûts environnementaux permettrait de baisser de 8 % les émissions de gaz à effet de serre.