Commande publique - Le Conseil d'Etat précise les motifs d'annulation d'un Mapa en référé contractuel
L'ordonnance du 7 mai 2009, complétée par un décret du 27 mai 2009, a introduit une nouvelle voie de recours pour les candidats évincés à un contrat public : le référé contractuel. Ce nouveau référé, postérieur à la signature du contrat, permet de remédier aux lacunes de la procédure précontractuelle et autorise le juge administratif, dans certaines conditions, à prononcer la nullité du contrat ou des sanctions plus modérées si une raison impérieuse d'intérêt général s'oppose à cette annulation (résiliation, réduction de la durée du contrat, pénalités financières). Les conditions permettant d'annuler un contrat ne sont pas les même lorsqu'il s'agit d'un marché formalisé ou d'un marché à procédure adaptée (Mapa).
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 19 janvier 2011, a ainsi précisé que dans le cadre d'un référé contractuel, l'annulation d'un Mapa n'est possible que dans quatre cas de figures : l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ; la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique ; le non-respect de l'obligation de suspension de signature faisant suite à la saisine du juge des référés précontractuels ; et enfin, le non-respect de la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.
Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen avait annulé un Mapa conclu entre le port du Havre et la société T. au motif que le port du Havre n'avait pas rendu publique son intention de conclure le marché et n'avait pas observé un délai de suspension de signature de onze jours après cette publication. Le juge des référés appuyait son raisonnement sur le troisième alinéa de l'article L.551-18 du Code de justice administrative (CJA) qui prévoit que la nullité du contrat doit être prononcée "lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre […]" et lorsque "la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L.551-1 et L.551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat".
Selon le juge des référés, toutes les conditions étaient réunies pour l'annulation puisque d'une part, l'absence de publication de l'avis d'intention de conclure et le non-respect du délai de onze jours n'avaient pas permis à la société requérante d'engager un référé précontractuel et, d'autre part, en retenant une offre non conforme au règlement de la consultation, le port avait commis un manquement à ses obligations de mise en concurrence ayant affecté les chances de cette société d'obtenir le contrat.
Pas d'obligation de publier un avis d'intention de conclure et de respecter un délai de suspension de signature en Mapa
Cette interprétation du juge des référés relève en réalité d'une confusion entre les modalités obligatoires conditionnant l'achèvement des procédures formalisées et les modalités facultatives d'achèvement des Mapa.
Dans le cadre d'un marché formalisé, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice est tenu de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus et de suspendre la signature du contrat pendant seize jours à compter de cette communication (onze jours en cas de transmission électronique). Le non-respect de ces obligations entraîne effectivement l'annulation du marché sur le fondement du troisième alinéa de l'article L.551-18 du CJA ou l'application des autres mesures prévues aux articles L.551-19 et L.551-20 (résiliation, réduction de la durée, etc.). En revanche, dans le cadre d'un Mapa, la publication d'un avis d'intention de conclure et le respect d'un délai de suspension de signature de onze jours n'ont pas d'incidence sur la régularité de la procédure. Ce ne sont que des modalités facultatives d'achèvement visant justement à fermer la voie au référé contractuel (article L.551-15 du CJA).
Les juges de la Haute Juridiction administrative rappellent donc au juge des référés qu'il ne peut sanctionner le non-respect d'obligations qui ne visent que les procédures formalisées et que les seuls motifs d'annulation d'un Mapa sont : l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation (article L.551-18, alinéa 1er) ; la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique (article L.551-18, alinéa 2) ; le non-respect de l'obligation de suspension de signature faisant suite à la saisine du juge des référés précontractuels (articles L.551-4 ou L.551-9 du CJA) ; et enfin, le non-respect de la décision juridictionnelle rendue sur ce référé (article L 551-14). Or, en l'espèce, les manquements dont se prévaut la société requérante "ne se rattachent à aucune des hypothèses dans lesquelles le juge du référé contractuel peut exercer son office. Par suite, sa demande tendant à ce que soit prononcée la nullité du marché ne peut qu'être rejetée".
Référence : Conseil d'État, 19 janvier 2011, Grand port maritime du Havre, n° 343435.