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Commande publique - Recevabilité des référés : avantage au candidat évincé

Dans deux décisions du 10 novembre 2010, le Conseil d'Etat a donné raison à des candidats évincés d'un marché public en jugeant recevables leurs référés, qu'ils soient précontractuels ou contractuels.

Dans la première affaire (n°341132), la société Multi Travaux Guyane (MTG), candidate malheureuse d’un marché de rénovation de logements, avait engagé un référé précontractuel. Le pouvoir adjudicateur, en l'occurrence le ministère de la Défense, estimait que ce référé était irrecevable car MTG ne l'avait pas informé de son recours.  Or l’article L.551-1 du Code de justice administrative (CJA) prévoit que l’auteur d’un référé précontractuel doit notifier son recours au pouvoir adjudicateur en même temps qu’il le dépose auprès du tribunal. Néanmoins, la loi précise que ces dispositions ont été édictées dans l’intérêt de l’auteur du référé afin d’éviter "que le marché ne soit prématurément signé par le pouvoir adjudicateur resté dans l’ignorance de l’introduction d’un recours". De cette explication, le Conseil d'Etat déduit que ces dispositions n’étaient "pas prescrites à peine d’irrecevabilité de ce recours". Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un candidat "oublie" de prévenir le pouvoir adjudicateur que son recours est automatiquement irrecevable. Cette omission ne peut pas lui porter préjudice.

Exceptionnellement, un référé contractuel peut suivre un référé précontractuel 

Dans la deuxième affaire (n°340944), la réponse est encore favorable au candidat. En l'espèce, l'établissement public France Agrimer avait lancé un marché de fourniture et de livraison de denrées alimentaires auquel la société FIT a répondu en déposant une offre sur plusieurs lots. La société demande au juge des référés précontractuels l’annulation de la passation  pour mauvaise information sur les critères de choix. Au cours de l’instance, France Agrimer indique que le marché a déjà été signé, insinuant que le recours précontractuel n’est plus recevable. La société engage alors un nouveau recours, cette fois contractuel. Le tribunal administratif fait droit à sa demande et résilie les lots litigieux. France Agrimer fait appel de cette décision avec pour argument que le recours précontractuel exclut la possibilité de faire un recours contractuel .
En effet, selon l’article L.551-14 du CJA, "le recours contractuel n’est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel" dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension et n’a pas signé le contrat. Dans son arrêt, le Conseil d'Etat précise que ces dispositions "n’ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un référé précontractuel alors qu’il était dans l’ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché suite à un manquement du pouvoir adjudicateur". En n’informant pas la société FIT du rejet de son offre et de la conclusion du marché, le pouvoir adjudicateur a manqué à son obligation d’information (art. 80 du Code des marchés publics). La société a donc, dans ce cas, le droit de transformer son référé précontractuel en référé contractuel.

Références :  Conseil d'Etat, 10 novembre 2010, ministre de la Défense, n°341132 ;  Conseil d'Etat, 10 novembre 2010, France Agrimer, n°340944.

Pour rappel...

Référé précontractuel (art. L.551-1 et L.551-5 du Code de justice administrative) : le juge est saisi avant la conclusion du contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services ayant une contrepartie économique. Dès lors qu’un tel recours est admis, la signature du contrat est automatiquement suspendue. Depuis l’arrêt Smirgeomes du 3 octobre 2008, le requérant d’un référé précontractuel doit prouver que les manquements qu’il invoque sont susceptibles ou risquent de le léser.

Référé contractuel (art. L.551-13 et L.551-18 du Code de justice administrative) : ce nouveau recours a été créé par l’ordonnance du 7 mai 2009 en complément du référé précontractuel. Le juge est saisi après la signature du contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services ayant une contrepartie économique.

Les autres référés : recours en contestation de la validité du contrat (recours dit "Tropic") ; référé-suspension ; recours pour excès de pouvoir.