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Commande publique - La signature du contrat, même irrégulière, met fin à l'office du juge des référés précontractuels

Par une décision du 3 juin 2009, Société Aéroport de Paris (ADP), le Conseil d'Etat rappelle que la signature d'un contrat a pour conséquence de priver le juge du référé précontractuel de son office, même si elle intervient en violation d'une injonction de suspension de signature. Les juges de la Haute Juridiction précisent néanmoins que la signature du contrat intervenue en méconnaissance de cette injonction de suspension entache cet acte d'irrégularité, ouvrant ainsi la possibilité aux candidats évincés de saisir le juge des contrats d'un recours de plein contentieux.
Pour rappel, cette décision fait suite au débat suscité par l'ordonnance "Soc. Brink's c. Aéroports de Paris" rendue le 10 décembre 2008 par le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris. Dans cette affaire, le juge avait créé la surprise en annulant, en dépit des textes et d'une jurisprudence bien établie, la procédure de passation des marchés en cause alors que les contrats avaient déjà été signés entre les parties. Le juge avait reproché au représentant d'ADP d'avoir signé les marchés malgré l'envoi par télécopie, le jour précédent, d'une ordonnance lui enjoignant de différer cette signature. Bien que le représentant ait affirmé ne pas avoir eu connaissance de cette injonction, le juge avait considéré que le compte rendu d'émission de la télécopie prouvait l'envoi de cette injonction à la direction des achats d'ADP, "laquelle ne pouvait ignorer que les contrats allaient être prochainement signés". Dans ces circonstances, le juge avait estimé que ces signatures, "eu égard à leur grave irrégularité ", ne sauraient avoir pour effet de rendre sans objet la requête en référé précontractuel et "qu'il y a donc lieu d'y statuer".
Le Conseil d'Etat, saisi par la société ADP, est venu censurer l'ordonnance du juge des référés précontractuels. En effet, selon les juges de la Haute Juridiction, il résulte des termes de l'article L.551-2 du Code de justice administrative que "si la signature du contrat en méconnaissance de l'injonction de suspension l'entache d'une irrégularité susceptible d'être invoquée par un candidat évincé, devant le juge du contrat, elle prive cependant de son office le juge des référés précontractuels".
Il est donc clairement établi qu'en dépit d'une violation "délibérée" de son injonction de suspension de signature, le juge des référés précontractuels n'est plus compétent pour statuer après la signature des contrats litigieux. La solution dégagée par le Conseil d'Etat se fonde sur la jurisprudence Tropic Travaux ainsi que sur l'ordonnance transposant la directive Recours. Rappelons que cette ordonnance, qui s'appliquera à compter du 1er décembre 2009, prévoit la suspension automatique de la signature du contrat jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle et qu'un candidat évincé ayant déjà exercé un référé précontractuel aura également la possibilité de saisir le juge du référé contractuel "en cas de violation du délai de suspension ou de non-respect de la suspension de la signature du contrat liée à la saisine du juge du référé précontractuel".

 

L'Apasp

 

Références : Conseil d'Etat, 3 juin 2009, Société Aéroport de Paris, 323594.
Tribunal administratif de Paris, 10 décembre 2008, req. 0818394/6-5.

 

La signature d'un marché en dépit d'une injonction de suspension de signature est illégale

Dans un arrêt 324064, du 6 mars 2009, "Société Biomérieux contre Assistance public-hôpitaux de Marseille", le Conseil d'Etat a également précisé que la signature d'un marché public, malgré l'injonction du juge des référés précontractuel de sursoir à la signature dudit marché, est illégale.
Le Conseil d'Etat a ainsi rappelé que malgré leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés "sont néanmoins exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires". Par conséquent, "lorsque le juge des référés a ordonné de suspendre la signature d'un contrat, l'administration ne saurait légalement conclure le contrat en cause".
Il est toutefois précisé qu'une situation d'urgence qui, en cas de suspension du marché, pourrait être à l'origine d'un "risque pour la collectivité publique", serait à même de justifier la méconnaissance du caractère exécutoire de l'ordonnance du juge des référés précontractuels. Le Conseil d'Etat considère néanmoins que le fait que "le marché ait été signé en méconnaissance de l'injonction du juge des référés du tribunal administratif de Marseille de différer cette signature est [...] de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ce marché".

 

 

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