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Réforme des collectivités - Le chef de l'Etat déterminé à enrayer la "crise de croissance" des collectivités

A la veille de sa présentation en Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy a défendu ce 20 octobre à Saint-Dizier les grands principes de sa réforme des collectivités. Peu de nouveautés par rapport à ce que l'on savait du projet... mais pas de recul non plus, ni sur les conseillers territoriaux ni sur les compétences.

Il y avait eu le discours de Toulon. Il y aura maintenant celui de Saint-Dizier. Le premier avait lancé le processus de réforme des collectivités et confirmé celui de la suppression de la taxe professionnelle. C'était le 25 septembre 2008. "Le grand chantier de la réforme de nos administrations locales sera ouvert dès le mois de janvier. Le moment est venu de poser la question des échelons de collectivités locales dont le nombre et l'enchevêtrement des compétences est une source d'inefficacité et de dépenses supplémentaires", avait alors déclaré le chef de l'Etat. A peine un peu plus d'un an plus tard, ce 20 octobre, le second discours présidentiel vient en quelque sorte clore le cycle de la préparation et des consultations : la suppression de la taxe professionnelle est déjà en cours d'examen au Parlement et le premier projet de réforme des collectivités doit être présenté ce 21 octobre en Conseil des ministres.
Les propos tenus mardi en Haute-Marne par Nicolas Sarkozy n'auront donc pas apporté d'éléments réellement nouveaux par rapport aux dernières informations dont on disposait depuis quelques semaines, que ce soit par le biais de diverses interventions ministérielles (François Fillon le 15 octobre à l'issue de la Conférence nationale des exécutifs, Michel Mercier le 9 octobre à Bordeaux, Alain Marleix le 2 octobre à Chambéry, Brice Hortefeux le 22 septembre à Clermont-Ferrand…) ou par les avant-projets de textes divulgués par l'intermédiaire de grands quotidiens. Il s'est surtout agi de réexpliquer le pourquoi de la réforme et de réaffirmer la détermination élyséenne à mener le projet jusqu'au bout. D'assurer, aussi, que le chantier n'est pas mené contre la décentralisation ni contre les élus locaux eux-mêmes. Le tout, après un long préambule historique, sur la base d'un diagnostic volontairement alarmiste. Le tableau d'une France où les collectivités "traversent une crise de croissance" et ne cesseraient de créer de nouveaux emplois publics pendant que l'Etat s'oblige à en supprimer. D'une France où un "écheveau" et une "complexité des circuits de décision et de financement" rendrait la population "légitimement exaspérée" et les élus "épuisés".

 

La clause générale de compétence bien supprimée

S'agissant du contenu même de la réforme, quatre "piliers" ont été détaillés par Nicolas Sarkozy : le conseiller territorial, les compétences, l'intercommunalité et "le fait métropolitain". Le premier donnant lieu aux développements les plus amples, afin de répondre aux vives critiques dont il fait l'objet de toutes parts. La création du conseiller territorial - "un seul élu qui siégera au département et à la région" - a été présentée comme l'alternative à la suppression du département ou de la région prônée par "certains" : "La solution - j'y ai beaucoup réfléchi et travaillé -, ce n'était pas la suppression de l'un mais le rapprochement des deux." "Le conseiller territorial sera mieux à même d'organiser l'action de ces deux collectivités, sur le mode de la complémentarité", a insisté le chef de l'Etat, rejetant à la fois les arguments de ceux qui y voient la fin des régions comme de ceux qui redoutent la mort des départements. "Je me demande pourquoi on n'y a pas pensé avant !", s'est-il même amusé. Assurant que la diminution du nombre d'élus "n'est pas un objectif en soi" (mais "n'est pas non plus une infamie"…), il a confirmé le mode de scrutin finalement choisi : "La majorité des conseillers territoriaux seront élus dans le cadre du canton, au scrutin uninominal à un tour" et 20% des sièges seront attribués "à la proportionnelle au plus fort reste". Le tout, donc, pas avant 2014 afin que... "chacun puisse s'organiser".
Côté compétences, on retiendra surtout que - tandis que l'on avait cru percevoir ces derniers temps une petite ouverture de la part des ministres - le président n'entend pas revenir en arrière sur la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions. Le but du jeu : "Interdire à toute collectivité d'intervenir sur une compétence attribuée à une autre." En sachant toutefois que quelques "exceptions" pourront être envisagées, sur des champs tels que le tourisme ou la culture et "dans les cas qui n'auront pas été prévus par la loi". Et Nicolas Sarkozy d'introduire ainsi le concept d'un "droit d'initiative" : "Un droit d'initiative du département ou de la région pourrait être reconnu." Il a par ailleurs été rappelé que la question des compétences sera déclinée dans "une loi ultérieure", celle présentée ce 21 octobre pour être discutée au Parlement "à la mi-décembre" se contentant de poser "les grands principes".

 

Métropoles : deux formules au choix

Evoquant le volet intercommunalité de la réforme, le chef de l'Etat s'est surtout employé à montrer que le développement de l'intercommunalité, depuis la loi Chevènement de 1999, n'avait pas eu que du bon… Il a ainsi par exemple évoqué les effectifs des EPCI qui "ont augmenté de 64% depuis dix ans" sans que les effectifs ne baissent à l'échelle communale et mis en question l'utilité de "15.900 syndicats intercommunaux". "Achèvement et rationalisation de la carte intercommunale", "suppression des syndicats inutiles" et mise en cohérence des périmètres seront donc des objectifs prioritaires. Pas de quartiers, non plus, pour les pays, dont les "projets peuvent être mis en œuvre par les structures classiques de l'intercommunalité". "Il faut que la loi interdise à la région ou au département d'obliger la commune à adhérer à un syndicat intercommunal pour bénéficier de leur aide", a-t-il également déclaré. Nicolas Sarkozy a par ailleurs confirmé le scénario du "fléchage" des délégués communautaires, excluant toute "élection distincte", et l'abaissement du seuil d'application du scrutin de liste de 3.500 à 500 habitants. La perspective des "communes nouvelles" a été tout juste mentionnée, comme formule devant remplacer la loi Marcellin sur les fusions de communes qui sera "abrogée".
Vient, enfin, le quatrième "pilier", celui de la "reconnaissance du fait métropolitain", jugée impérieuse à l'heure ou "seules Paris et Lyon - et encore - parviennent à se faire une place dans les classements internationaux". Sur ce point, le chef de l'Etat a confirmé ce qu'avait par exemple expliqué Michel Mercier il y a dix jours devant l'Assemblée des communautés urbaines : deux formules seront proposées. D'une part, celle de la "métropole d'un seul tenant" ou "métropole intégrée", qui sera finalement réservée aux agglomérations de plus de 450.000 habitants (soit "huit métropoles potentielles"), impliquant "une convention de transfert de compétences avec la région et le départements" ainsi qu'"une fiscalité locale et des dotations unifiées". Mais il y aura aussi, d'autre part, les "métropoles multipolaires" ou "métropoles en réseau", sur le modèle du désormais fameux exemple Metz-Nancy-Thionville-Epinal. "Nous allons confier à la Datar le soin de coordonner ces initiatives", a précisé le président.
Si celui-ci prévoit qu'une fois le texte arrivé au Parlement, "il y aura des discussions et certainement des compromis", pas question d'aboutir à un "statu quo". La réforme peut, selon Nicolas Sarkozy, se résumer en ces termes : "L'évolution de notre organisation en deux couples complémentaires, commune-intercommunalité, région-département, et, en parallèle, un réseau de métropoles." De la même façon, a-t-il par ailleurs martelé, la suppression de la taxe professionnelle est "une réforme sur laquelle [il] ne cédera pas" et l'actualisation des bases locatives, "gelée depuis trente ans", aura bien lieu (mais "en douceur", "à chaque fois qu'un local change de propriétaire").
Mardi après-midi, les communiqués de réactions au discours présidentiel n'ont cessé d'affluer. En très grande majorité, signés de grands élus locaux, pour dénoncer un dessein de "recentralisation".

 

Claire Mallet

 

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