Archives

Convention nationale de l'ADCF - Les élus demandent plus de souplesse pour mettre en oeuvre la réforme de l'intercommunalité... et s'alarment sur la réforme fiscale

A l'occasion de sa convention nationale qui s'est tenue les 1er et 2 octobre, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a demandé au gouvernement de mettre un peu d'huile dans divers mécanismes prévus par le projet de loi réformant les collectivités territoriales. Elle semble avoir été entendue.

 

"Lâchez-nous les baskets !", avait lâché Marc Censi lorsqu'un jour de l'année 1999, en tant que président de l'association qui préfigurait l'Assemblée des communautés de France, il avait rencontré le ministre de l'Intérieur d'alors, Jean-Pierre Chevènement. Cette demande est "plus que jamais d'actualité", a estimé jeudi soir celui qui est aujourd'hui le président d'honneur de l'ADCF.
Durant les deux jours de leur vingtième convention nationale qui s'est tenue à Chambéry, les élus intercommunaux ont lancé des appels insistants au gouvernement et à l'Etat pour que ceux-ci leur fassent confiance. Car, pour 56% de ces élus, le projet de réforme des collectivités territoriales que prépare le gouvernement "tend à une recentralisation".
Cela signifie qu'à leurs yeux, la norme nationale ne doit pas tout régenter. Le projet de réforme des collectivités n'est évidemment pas en accord avec leur ligne politique lorsqu'il fixe précisément pour chaque strate démographique le nombre des élus appelés à siéger dans les assemblées communautaires ou encore dans les bureaux des exécutifs intercommunaux. D'autant que, confient les spécialistes de l'ADCF, des règles d'application automatique pourront être un frein aux fusions, qui ici ou là ne pourraient être rendues possibles, justement, que par l'existence d'assemblées très larges.
"Ne touchez pas aux élus." Tel est aussi le discours entendu régulièrement au cours de cette convention. La réduction du nombre des élus, en particulier, ne peut servir de principe à une réforme. Très sensible à cette question, l'assistance ne s'est pas privée de siffler copieusement le secrétaire d'Etat aux Collectivités territoriales, Alain Marleix, lorsqu'il a confirmé que la création des conseillers territoriaux allait conduire à la réduction de moitié des conseillers régionaux et départementaux. En ce qui concerne le nombre des vice-présidents de communautés, si vraiment le gouvernement tient à les réduire, "pourquoi n'alloue-t-il pas une enveloppe forfaitaire en laissant à chaque communauté la liberté de déterminer le nombre de ses vice-présidents ?", a suggéré Michel Piron, député et président de la communauté de communes des Coteaux du Layon.

La place des petites communes en question

En plus de faire davantage confiance aux élus locaux, l'Etat aurait tout intérêt à moins réglementer, estime par ailleurs Michel Piron. Le débat placé vendredi matin sous le thème "Aller jusqu'au bout de la décentralisation" a été l'occasion pour lui de redire qu'il était favorable à l'octroi aux régions d'une partie du pouvoir réglementaire, une idée débattue de plus en plus souvent lors des colloques sur la décentralisation.
Sur toutes les difficultés pointées par l'ADCF, le secrétaire d'Etat aux Collectivités a voulu montrer qu'il était ouvert au débat. Ainsi sur la question de la représentation des communes petites et moyennes au sein des instances communautaires. "Les débats parlementaires nous permettront à coup sûr de trouver le bon équilibre", a-t-il dit.
A ce sujet, Gérard Larcher a pour sa part assuré que le Sénat allait réfléchir au "meilleur équilibre" possible. "Fondamentalement, la logique que nous avons au Sénat, c'est le croisement de la démographie et du territoire pour que dans cette affaire les communes de taille moyenne ou plus petite ne soient pas en quelque sorte uniquement des forces supplétives des villes centres", a-t-il déclaré. Le président du Sénat s'est dit aussi favorable à la présence de 40% de présidents d'EPCI dans les commissions départementales de coopération intercommunale - comme le suggèrent l'Association des maires de France et l'ADCF - alors que le projet de loi prévoit une proportion de seulement 30%. Gérard Larcher a aussi lancé l'idée selon laquelle "les maires qui ne voudraient pas aller dans telle ou telle intercommunalité d'autorité" doivent bénéficier d'un "droit particulier". Il s'agirait de la possibilité de "demander une seconde lecture de la décision à la commission de coopération intercommunale".
Concernant l'achèvement de la carte intercommunale, le président du Sénat s'est dit favorable à la date de "2012", ce qui est de bon augure pour les maires et présidents de communautés, opposés à la perspective de fin 2013 évoquée par le projet de loi.
Le document vient d'être transmis au Conseil d'Etat afin qu'il puisse être présenté en Conseil des ministres dans la seconde quinzaine d'octobre, a indiqué d'ailleurs Alain Marleix. Il est grand temps que l'examen parlementaire puisse débuter, ont insisté les élus intercommunaux, pour qui la réforme de l'intercommunalité a trop attendu. Il leur faudra encore un peu de patience cependant : les deux lectures au Sénat et à l'Assemblée repoussent la fin du débat à juillet 2010.
 

Thomas Beurey / Projets publics, à Chambéry

 

Drôle d'ambiance au rayon finances...

Le 1er octobre dans l'après-midi, c'est bien le forum consacré à la réforme de la fiscalité locale qui attire la majorité des congressistes. Les témoignages d'inquiétude se succèdent.
Principale préoccupation des élus intercommunaux : le poids des taxes sur les ménages (73%) par rapport au taxes sur les entreprises (27%) dans le projet de loi de finances pour 2010. De fait, le texte réserve pour le moment l'impôt sur la valeur ajoutée ("cotisation complémentaire") aux départements pour les trois quarts de son produit et aux régions pour le quart.
Estelle Grelier, présidente de la communauté de communes de Fécamp, se dit très pessimiste. "On sera obligé de faire jouer le taux sur le foncier, ce qui va renforcer la concurrence ente les territoires", prédit l'élue, très remontée. Difficulté à boucler le budget et à financer les investissements, transfert des impôts des entreprises vers les ménages, rupture du pacte communautaire… elle énumère une liste de risques bien "réels". Pour un autre élu, la réforme crée, en l'état, une "usine à gaz" et il est préférable qu'elle soit reportée. Beaucoup de ses pairs applaudissent. "Nous sommes tous complices de ce qui va être une catastrophe pour les communes", en particulier celles qui bénéficiaient du fonds départemental de la taxe professionnelle, dit un édile, avec l'accent du désespoir.
"On est des suicidaires : on va investir des millions dans des zones d'activité. J'ai bien peur qu'on n'ait pas de retour", s'alarme le président d'une communauté d'agglomération. Dans la salle, le doute gagne les élus : "Je me suis battu pour que la communauté passe en TPU", raconte le président d'une communauté de communes. "N'ai-je pas fait une bêtise ?", se demande-t-il. "Vais-je pouvoir maintenir une politique d'aide aux entreprises", s'interroge encore un autre, qui cherche déjà à anticiper : "Est-ce que je ne devrais pas faire des lotissements ?"
Les communes et les intercommunalités disposeront demain de davantage de taxe d'habitation, rappelle Charles Guené, membre de la commission des finances du Sénat, qui a été associé à la réflexion de Bercy sur la réforme. Et celui-ci d'assurer, surtout, que "le bloc communal aura une part de la cotisation complémentaire" qu'il estime à quatre milliards d'euros. "On devrait y arriver : le gouvernement a compris qu'il doit lâcher du lest à ce niveau", dit-il, confiant.
Beaucoup d'élus paraissent soulagés en apprenant que le projet de loi de finances présenté par le gouvernement le 28 septembre au Comité des finances locales prévoit le maintien de la garantie aux communes (sans toutefois que celle-ci soit revalorisée de l'inflation), alors que le projet de texte initial prévoyait une baisse de 5% de cette garantie sur 20 ans.
De plus, Michel Taly, avocat fiscaliste, apporte deux éléments positifs au débat, concernant la valeur ajoutée : celle-ci se révèle être d'une grande stabilité, même en cas de récession économique, et laisse peu de prise à l'optimisation fiscale par le secteur privé.
"Il y a une énorme incompréhension sur le système qui va être mis en place", conclut Yves Fréville, ancien sénateur et spécialiste de la fiscalité locale, pour qui il serait grand temps que Bercy fournisse des simulations précises aux élus pour qu'ils y voient plus clair.
T.B.
 

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis