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Réforme des collectivités - Ce que prévoit le volet intercommunal du projet de loi

La partie la plus aboutie et la moins polémique de la réforme des collectivités locales est celle qui concerne l'intercommunalité. Ce volet de l'avant-projet de loi est presque prêt. Périmètres, modes de concertation, fusions, élections, compétences, répartition des sièges... Sur tous ces aspects, des changements non-négligeables sont prévus.

Cela ne faisait plus de doute, mais c'est aujourd'hui quasi officiel : le volet intercommunalité du futur projet de loi de réforme des collectivités prévoit que la carte intercommunale devra être achevée d'ici le 31 décembre 2011. Les associations d'élus ont très tôt soutenu cette échéance, la date de 2014 évoquée par le rapport Balladur ayant pour inconvénient majeur de correspondre à l'année des prochaines élections municipales. Simultanément à l'achèvement de la carte, l'intercommunalité devra progresser qualitativement, ce qui signifie notamment que les périmètres jugés parfois inadéquats seront revus. Les deux chantiers seront menés en même temps, ce que ne prévoyait pas l'avant-projet de loi Marleix (l'avant-projet de loi relatif à la modernisation de la démocratie locale, dont certaines dispositions devraient être reprises dans le nouveau texte gouvernemental), observe un spécialiste de l'intercommunalité. Pour mener à bien cet ambitieux chantier, le gouvernement devrait relancer les schémas de coopération intercommunale - et ce, d'ailleurs, sans attendre le vote de la loi qui devrait intervenir à la fin de l'année.
En outre, ce texte - encore en préparation du côté des cabinets ministériels mais dont les associations d'élus ont eu tout récemment connaissance - relance la concertation tout en renforçant les pouvoirs du préfet. C'est dans le cadre de commissions départementales de coopération intercommunale au visage renouvelé que les élus seront associés aux chantiers qui s'ouvrent. Les nouvelles commissions accueilleront plus d'élus intercommunaux : la proportion des élus intercommunaux (au sens strict, c'est-à-dire les élus représentant des EPCI à fiscalité propre) passera à 30% contre 20% actuellement (ce quota prenant aussi en compte les représentants des syndicats intercommunaux). Ce chiffre désormais inscrit dans l'avant-projet de loi décevra certainement l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et l'Association des maires de France (AMF), qui demandaient la présence de 40% de présidents de communautés au sein des commissions. Les maires resteront donc majoritaires au sein des instances, avec 50% des membres.

"Les fusions autoritaires seront possibles"

Ce cadre de concertation renforcé n'empêchera pas le préfet de disposer de pouvoirs accrus. "De manière limitée, dérogatoire et encadrée dans le temps", ils "auront des pouvoirs renforcés sur la délimitation des périmètres, lorsque l'extension d'une communauté est envisagée ou en cas de fusion de communautés", explique un spécialiste. Ce retour en force des préfets ne devrait pas plaire aux élus locaux. "C'est une ambiance assez préfectorale dans laquelle nous ne nous retrouvons pas beaucoup", commente-t-on à l'ADCF.
Concrètement, par exemple dans le cas de fusions entre des communautés, les préfets pourront décider d'intégrer "de force" à la nouvelle intercommunalité une ou des communes qui seraient membres d'autres communautés. "Les fusions autoritaires seront possibles, on ne s'y attendait pas", réagit l'ADCF. Jusqu'alors, le préfet pouvait seulement contraindre une commune isolée qui ne faisait partie d'aucun EPCI à fiscalité propre.
Avec un pouvoir renforcé des préfets, les fusions de communautés, dont le bilan depuis 2005 est assez modeste - puisque seules 35 nouvelles intercommunalités sont nées par cette voie, quasiment toujours par la fusion entre seulement deux communautés - vont être relancées. Le mouvement devrait aussi être favorisé par la simplification des règles de la fusion à laquelle procède l'avant-projet de loi.
Cette simplification concerne les règles d'approbation de la fusion par les élus. L'avis des conseils communautaires, qui est aujourd'hui obligatoire, deviendra un simple avis. L'opposition d'un conseil communautaire au projet de fusion ne sera donc plus un obstacle à la mise en œuvre du projet. Le tiers des conseils municipaux de chaque EPCI devra toutefois se prononcer en faveur de la fusion - contre la majorité actuellement. Cette proportion devrait empêcher que certaines communautés ne mènent "des OPA hostiles", commente l'ADCF. En amont de la fusion, les communes auraient à se prononcer sur le périmètre, mais aussi, fait nouveau, sur les statuts de la nouvelle communauté.
Autre disposition qui devrait faciliter les projets de fusion : la possibilité d'un transfert sur une période de deux ans des compétences obligatoires et optionnelles des anciennes communautés vers la nouvelle entité. Un point positif salué par l'ADCF, pour qui le transfert sans délai prévu par la loi du 13 août 2004 est "trop brutal".

Une répartition des sièges proportionnelle à la population

D'une manière générale, l'avant-projet de loi simplifie et renforce l'intercommunalité. Les compétences des communautés de communes seraient alignées sur celles des communautés d'agglomération. De plus, leurs conseils communautaires devraient définir l'intérêt communautaire en lieu et place des conseils municipaux.
Une partie des communautés de communes, de même que l'ensemble des communautés d'agglomération, devraient bénéficier de compétences renforcées en matière d'urbanisme, puisque l'élaboration des plans locaux d'urbanisme (PLU) serait "transférée dès 30.000 habitants". A ce stade toutefois, "une ambiguïté" demeure, fait remarquer l'ADCF : "On ne sait pas si le gouvernement souhaite un PLU unique à l'échelle communautaire ou bien s'il s'agit de donner à la communauté la capacité de coordonner des PLU infra-communautaires définis par les communes ou au sein d'un secteur." La seconde solution convenant mieux à l'ADCF.
Enfin, l'avant-projet de loi renforce la légitimité démocratique de l'intercommunalité en instaurant dès 2014 l'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct selon un scrutin de liste fléché. Et ce dans toutes les communes de plus de 500 habitants, le panachage subsistant dans les communes de taille inférieure. Conséquence : "On ne pourra plus faire l'impasse sur l'intercommunalité comme lors de la campagne pour les élections municipales de 2008, où on ne parlait que des projets communautaires sans jamais parler de l'institution", se réjouit l'ADCF. Autres conséquences du nouveau scrutin : la parité fera son apparition dans les conseils communautaires et les oppositions municipales seront automatiquement représentées.
A ces modalités, le gouvernement veut ajouter une nouveauté, qui ne plaira pas forcément à tous les élus locaux, mais à laquelle il tiendrait "beaucoup" : fixée par la loi, la répartition des sièges serait proportionnelle à la population des communes, à l'image de ce qui existe déjà dans les communautés urbaines. Alors qu'aujourd'hui, les conseils communautaires décident librement de la répartition des sièges du conseil communautaire, donnant ainsi à la ville centre un poids plus ou moins important. Cette disposition devrait en tout cas donner satisfaction aux maires de villes moyennes : leur fédération (FMVM) avait précisément demandé, dans une résolution adoptée début juin lors de ses assises, que la loi "prévoie expressément que la représentation soit proportionnelle à l'importance des populations", avec 50% des délégués communautaires pour toute ville-centre représentant plus de 50% de la population intercommunale.
Enfin, au chapitre des élections, le mandat du président de communauté serait pris en compte dans le cumul des mandats à partir d'un seuil de 50.000 habitants (seuil minimum pour la création d'une communauté d'agglomération), comme le recommandait le rapport du comité Balladur.

Thomas Beurey / Projets publics