FMVM - Les villes moyennes "prennent la vague"
Réforme des collectivités locales et réforme de la taxe professionnelle. Les deux dossiers ont logiquement dominé les Assises nationales des villes moyennes ces 4 et 5 juin à Châlons-en-Champagne. En y ajoutant une dose de politique de la ville avec la réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU), une pincée de RGPP et un large parfum de crise économique... tous les ingrédients ou presque étaient réunis pour qu'une certaine amertume se dégage de ces deux jours d'échanges entre les maires et présidents d'intercommunalités réunis dans la ville de Bruno Bourg-Broc, le président de la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM). Une amertume surtout nourrie, semble-t-il, par le manque de visibilité dont disposent aujourd'hui les élus sur tous ces sujets.
La réforme de la taxe professionnelle est à ce titre emblématique. Certes, les élus sont largement associés aux travaux coanimés par Bercy et l'Intérieur. La prochaine réunion est prévue pour le 25 juin. Mais ils ne disposent pour l'heure d'aucune simulation sur les implications concrètes des scénarios envisagés. "Tant que l'on ne connaît pas la règle du jeu, oui, nous sommes inquiets", a résumé Bruno Bourg-Broc. Cette demande de simulations a été maintes fois exprimée au cours des Assises et figure d'ailleurs dans la résolution adoptée par la FMVM, aux côtés de trois autres exigences bien connues : garantie d'une juste compensation, maintien du lien économique entre entreprises et territoires, pas de report de charge sur les ménages. Venu conclure la première journée des Assises, Alain Marleix, le ministre délégué aux Collectivités locales, n'a pu qu'assurer que ces exigences seraient bien respectées et évoquer les "différentes pistes actuellement expertisées". "A la demande des associations d'élus, le gouvernement travaille en particulier à une simulation intégrant un scénario de relèvement de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée", a-t-il précisé. Le directeur général des collectivités locales, Edward Jossa, présent à l'une des plénières, était lui aussi revenu sur cette idée de "taux plancher national" de l'assiette fondée sur la valeur ajoutée (avec un niveau d'équilibre situé à 1,67% de la valeur ajoutée), soulignant que si celle-ci semble aujourd'hui faire consensus parmi les associations de maires, elle n'engage pour l'heure ni le Medef (qui militerait lui pour un taux plafond de 1,5%) ni le gouvernement. Le DGCL a aussi souligné que dans la mesure où il y aura "compensation intégrale collectivité par collectivité", il faudra bien prévoir des prélèvements sur celles qui sortiraient gagnantes. "Il est difficile de préjuger de ce qui va sortir des négociations", a-t-il reconnu. "Il est possible que la date d'effet de la réforme pour les collectivités soit plutôt 2011 que 2010. Ce n'est pas encore décidé", a-t-il enfin annoncé, ajoutant : "Cela dépendra du rythme d'entrée en vigueur pour les entreprises. En fonction de cela, les choses pourraient être un peu décalées" et ce, donc, même s'il est toujours bien prévu que la réforme de la TP figure dans la loi de finances pour 2010 qui sera présentée en septembre.
Intercommunalité : redistribuer les sièges
Il a par ailleurs été confirmé que l'intention du gouvernement est bien de "rouvrir le chantier de la révision des bases locatives", qui a par le passé "déjà été ouvert mais refermé à la demande des élus" pour lesquels cette révision signifiait une perte de fiscalité. "On imagine que les mêmes causes risqueraient aujourd'hui de produire les mêmes effets. D'où l'idée d'une réforme progressive, par exemple au fil des mutations", a expliqué Edward Jossa, précisant qu'il "est trop tôt pour en dire plus". Alain Marleix a lui aussi indiqué que "le gouvernement souhaite un mécanisme souple, sans transfert de charges trop brutal", sur le modèle de ce qu'a proposé le comité Balladur, à savoir une révision tous les six ans. "Tous les six ans, cela me semble raisonnable", a estimé le secrétaire d'Etat. Et celui-ci d'affirmer : "Je souhaiterais que l'on fasse la réforme de la fiscalité en premier, et la réforme des structures après."
Du flou, il y en a aussi évidemment du côté de cette réforme des institutions, sur laquelle un projet de loi est pourtant toujours annoncé pour l'automne, précédé d'un premier "brouillon" - selon les termes de François Fillon - au début de l'été. Du point de vue des maires de villes moyennes, le volet considéré comme essentiel est évidemment celui de l'intercommunalité. Avec un certain nombre de préoccupations spécifiques.
Ainsi, au-delà de la fameuse nécessité de parachever et rationnaliser la carte intercommunale, les élus de villes moyennes mettent largement l'accent sur le problème de la représentation des communes membres au sein de l'intercommunalité. Ou comment, autrement dit, redistribuer une partie des sièges au profit de la ville centre - comment faire en sorte "que le vote du budget ne puisse pas être fait par une coalition de petites communes de l'EPCI contre la ville centre", tel que l'a exprimé Jean-Patrick Courtois, sénateur-maire de Mâcon et membre de la commission Belot. Dans sa résolution, la FMVM demande ainsi que la loi "prévoie expressément que la représentation soit proportionnelle à l'importance des populations", avec 50% des délégués communautaires pour toute ville centre représentant plus de 50% de la population intercommunale. Dominique Perben, venu participer aux débats en tant que membre du comité Balladur, a lui aussi estimé que cette redistribution était indispensable. L'ancien ministre a également évoqué la fonction des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) par rapport aux "imperfections des intercommunalités bricolées" : "Il faut rénover les CDCI pour qu'elles prennent leur responsabilité et travaillent. Il faudra que leur rôle soit clairement précisé dans la loi. Et il faudrait aussi que sur ce point, les préfets fassent leur boulot."
Les métropoles en question
Dominique Perben a par ailleurs évoqué la désignation des délégués communautaires par "fléchage" et la question qui se pose alors, celle de l'abaissement du seuil pour le panachage des listes, laissant au débat parlementaire à venir le soin de préciser si ce seuil doit être abaissé à 500 ou à 1.000 habitants. Alain Marleix a pour sa part indiqué que le fléchage figure, non seulement dans le rapport Balladur, mais aussi dans son projet de loi sur l'intercommunalité préparé avant le démarrage des travaux du comité. D'ailleurs, cet avant-projet de loi reste-t-il d'actualité ? "Il est prêt. Il a été mis de côté. Il peut maintenant soit être intégré dans le futur projet de loi de réforme des collectivités, soit être traité à part. Nous sommes en train d'y réfléchir avec le Premier ministre. S'il reste un texte autonome, il peut être présenté dès demain", répond le secrétaire d'Etat.
La question des métropoles préconisées par le comité Balladur préoccupe évidemment aussi les villes moyennes. "Le renforcement des grandes villes ne doit pas conduire à l'affaiblissement des villes moyennes", a assuré Alain Marleix, sachant que "certaines de ces métropoles auraient le statut de collectivité territoriale"... mais aussi que "des villes de moindre taille pourront se rapprocher au sein de communes nouvelles, qui seront la déclinaison des métropoles dans les bassins de vie plus réduits". Pour Dominique Perben, "il faut cinq ou six métropoles, pas plus" (Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes), qui "auraient à la fois les compétences de la communauté urbaine et celles du conseil général sur le territoire" mais dont les communes membres conserveraient en revanche leur statut actuel.
Il a aussi finalement été mal question de départements et de régions, en tant que partenaires permanents des villes moyennes. Le président du conseil général de la Marne, René-Paul Savary, et le président de la région Champagne-Ardenne, Jean-Paul Bachy, sont d'ailleurs venus témoigner de leurs interactions avec des villes comme Châlons. On notera sur ce sujet une petite inflexion d'Alain Marleix, qui ne semble plus si sûr qu'il faille supprimer la clause générale de compétence des départements et des régions, songeant notamment au "rôle d'aménagement du territoire" joué par le conseil général. "Il s'agit à mon sens plutôt de s'orienter vers le chef de filat".
S'agissant de la création de conseillers territoriaux, les avis des maires qui se sont exprimés à Châlons divergent. A première vue, la majorité d'entre eux semblent toutefois s'être ralliés à cette idée, estimant entre autres, comme Jean-Patrick Courtois, que "le conseiller territorial sera le meilleur défenseur des communes, qu'il pourra représenter à la fois au conseil général et au conseil régional". Dominique Perben se demande si pour l'élection de ces conseillers, le mieux ne serait pas de "garder le scrutin uninominal à deux tours, mais d'introduire de la proportionnelle dans le milieu urbain, où le canton n'a plus de sens". "La ficelle est un peu grosse...", a réagi Pierre Regnault, maire de La Roche-sur-Yon.
Ne pas "laisser les élus sur leur faim"
En termes d'actualité financière, Alain Marleix s'est évidemment félicité du succès de l'opération FCTVA et des quelque 19.540 conventions signées par les collectivités pour 55 milliards d'euros d'investissement, soit 54% de plus que sur la période de référence. Un point sur lequel est également revenu Patrick Devedjian, le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, venu vendredi clore les Assises. Celui-ci a d'ailleurs indiqué que le gouvernement envisage de donner la possibilité aux collectivités "qui n'ont pas pu signer de convention FCTVA cette année pour des raisons techniques" de bénéficier du dispositif l'année prochaine. Il a aussi reconnu que l'on risque d'avoir "quelques ratés en fin d'année" avec des collectivités qui se seraient engagées sur des investissements qu'elles ne pourront finalement pas achever et payer : "Il faudra prévoir une mesure de rattrapage", a indiqué le ministre. Quant à l'idée souvent évoquée de pérenniser l'opération FCTVA, Patrick Devedjian a déclaré : "Je voudrais déjà boucler le système pour l'année en cours. Après... pourquoi pas. On y pense."
Invité par Bruno Bourg-Broc à expliquer comment il "envisage d'associer concrètement les villes moyennes et leurs EPCI au plan de relance", "sans laisser les élus sur leur faim", le ministre a longuement passé en revue les nombreuses mesures du plan, assurant avoir voulu "donner à ce plan une dimension territoriale" à travers, notamment, les "mille projets" (parmi lesquels 470 chantiers auraient effectivement démarré), "l'accélération des contrats de projets et des PDMI [programmes de modernisation d'itinéraires routiers]", les crédits FNADT, le plan en faveur des cathédrales et autres sites du patrimoine, les opérations Anru et le logement... Mais il n'est pas certain qu'il ait totalement répondu à l'attente des élus, qui avaient auparavant évoqué leurs difficultés à "tirer leur épingle du jeu", selon les termes du président de la FMVM. "Nos villes moyennes prennent la vague - la vague de la métropolisation, de la RGPP, de la crise...", s'était par exemple inquiété Philippe Bonnecarrère, le maire d'Albi.
Les tables-rondes et multiples échanges au cours de ces deux jours ont toutefois montré comment, en déployant souvent des trésors d'inventivité et d'énergie, ces villes et leurs élus parviennent finalement à résister plutôt bien à ces assauts. Et même à impulser, que ce soit par exemple en termes d'emploi, d'attractivité, d'environnement ou de services, de vraies dynamiques de développement.
Claire Mallet, à Châlons-en-Champagne
Consultez également notre dossier rassemblant la dizaine d'interviews de maires de villes moyennes réalisées par Localtis en amont des Assises.