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Réforme des collectivités - Pour le Sénat, mieux vaut des instances de concertation que des conseillers territoriaux

Les sénateurs chargés par Gérard Larcher de préparer le débat sur la réforme des collectivités ont rendu un rapport très attendu. Pour coordonner les collectivités entre elles, ils proposent de généraliser les conférences des exécutifs régionaux, qui n'ont pourtant pas toujours fait leurs preuves. Et pour clarifier les compétences, ils suggèrent de renforcer les blocs de compétences des départements et des régions.

Les 27 propositions du rapport d'étape que la mission sénatoriale sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales avait remises le 11 mars fixaient de grands principes. Les seules préconisations précises concernaient le domaine de l'intercommunalité (lire notre article du 12 mars 2009). Le rapport final de la mission présenté à la presse le 17 juin en fin de journée détaille, lui, 85 propositions, dont les quatre cinquièmes concernent la gouvernance et les compétences des collectivités, noyau dur du document. Les propositions sur les finances se bornent en revanche à énoncer de grandes lignes, les sénateurs n'ayant pas eu le temps d'aller plus loin dans leur réflexion.
En huit mois, les 36 membres de cette mission pluraliste - mise sur pied par le président du Sénat afin de préparer les débats sur le futur projet de loi portant réforme des collectivités territoriales - ont auditionné soixante-cinq personnalités et organisé quatre débats en région. A l'issue de cet impressionnant travail, le président de la mission, Claude Belot, dresse le constat d'une France "très diverse" et estime que si "le système ne marche pas aussi mal qu'on le dit souvent", il faut cependant lui apporter "beaucoup de modifications", en particulier afin de mieux coordonner les interventions des acteurs locaux - ce constat faisant l'unanimité. La méthode de la mission a été constamment de rechercher le consensus entre ses membres. Objectif auquel elle est bien parvenue, puisque "la plupart des propositions nous rassemblent", a relevé l'un des deux rapporteurs, Yves Krattinger.
L'idée des conseillers territoriaux appelés à siéger à la fois au conseil général et au conseil régional - l'une des propositions phares du rapport remis par Edouard Balladur et que l'UMP soutient ardemment - fait exception. Un point de divergence que les sénateurs de gauche comme de droite entendent minimiser. "Il n'y a pas d'accord politique" sur cette proposition, a reconnu Yves Krattinger. La mission sénatoriale ne pouvait pas "résoudre la problématique de ce débat, ce n'était pas le lieu", a-t-il expliqué, ajoutant que "le débat sur les conseillers territoriaux aura lieu le moment venu dans les médias, dans l'hémicycle, en commission, etc.".

 

"Bons exemples"

Au scénario des conseillers territoriaux, qui continue à faire polémique, les sénateurs ont préféré un instrument plus souple, plus large dans sa composition et au coût quasi nul : la création d'un conseil régional des exécutifs, instance de concertation s'inspirant très fortement de la conférence des exécutifs que les présidents de régions organisent tous les ans en vertu de la loi du 13 août 2004. Le bilan de cet organe de concertation est très variable d'une région à l'autre. Selon Yves Krattinger, il existe de "bons exemples", comme "l'Alsace et la Bretagne". Mais dans certaines régions, la conférence "ne fonctionne pas", voire "pas du tout", ajoute Jacqueline Gourault, second rapporteur de la mission.
Les sénateurs souhaitent donc asseoir réellement ce conseil et renforcer ses compétences et ses obligations. Présidé par le président de la région, il rassemblerait les présidents des conseils généraux, des communautés urbaines et d'agglomération - et le cas échéant le président de la métropole - les maires des communes de plus de 50.000 habitants et un représentant des communautés de communes. Il se réunirait obligatoirement tous les trimestres "pour retenir les orientations et faciliter les arbitrages nécessaires à la conduite des politiques territoriales". Une conférence départementale des exécutifs animée par le président du conseil général et regroupant les présidents d'intercommunalité ainsi que, le cas échéant, le président de la métropole, jouerait "un rôle de courroie de transmission de l'information".
En plus des conseillers territoriaux, le groupe UMP du Sénat revendique sa différence sur la question des métropoles en souhaitant le transfert des compétences du département à ce nouveau type d'intercommunalité. La mission sénatoriale préfère pour sa part évoquer des délégations de compétences en faveur de la métropole - non seulement de la part du département, mais aussi de la région et de l'Etat. On retiendra surtout qu'elle prône la création d'"un nombre limité" de métropoles, "parmi lesquelles en particulier Lyon, Lille, Marseille, Toulouse, Nice, Bordeaux, Nantes, Strasbourg". Si les communes le décident, la métropole pourrait devenir une collectivité territoriale de plein exercice, alors que le rapport Balladur en faisait d'emblée une collectivité territoriale "à statut particulier". De plus, toujours en obtenant l'accord des communes, la métropole pourrait voter les taux de fiscalité à leur place et la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait conférée à l'échelon métropolitain. Dans ce volet sur la gouvernance, s'agissant de la question du Grand Paris, la mission n'est pas entrée dans les détails, faute de temps là encore.

 

Transferts de compétences

Le volet du rapport portant sur les compétences est au contraire d'une grande précision - à la différence du rapport Balladur qui n'avait fait qu'effleurer le sujet. Il faut dire qu'il a été étayé par une étude spécifique du cabinet Ernst & Young (lire notre article du 24 février 2009 ). En la matière, le rapport d'étape avait indiqué une orientation générale. Chaque échelon de collectivité conserverait l'exercice de la clause générale de compétence. Mais ne pourrait agir dans un domaine ne relevant pas de sa compétence que si la collectivité responsable de cette compétence ne l'exerce pas - c'est ce que le Sénat appelle le "constat de carence". En ce qui concerne les compétences partagées (développement économique, culture, tourisme...), la mission prône le "chef de filat" et l'instauration de multiples dispositifs de concertation ("schémas régionaux", "autorités organisatrices", "conventions", "commissions de concertation"). Plus précisément en matière de développement économique, l'un des domaines où le besoin de clarification est le plus grand, elle propose de créer dans chaque région "un organisme de coordination de développement économique rassemblant tous les acteurs" et, en parallèle, de "spécialiser davantage le rôle de chacun des niveaux".
Pour encore clarifier les compétences des collectivités, le Sénat suggère de nouveaux transferts de compétences, l'idée étant de renforcer les compétences que les régions et les départements exercent déjà. On notera par exemple le transfert aux départements et aux régions des gestionnaires chargés de l'encadrement des personnels techniques des collèges et lycées, de même que celui de la gestion des fonds européens et de la totalité des transports interurbains à la région. Les prérogatives des régions en matière de formation professionnelle seraient renforcées, tout comme celles des départements concernant la prise en charge du handicap. A noter aussi que les compétences de l'Etat en matière d'emploi seraient transférées aux régions à titre expérimental.
"On a sur la table un rapport qui ferait progresser considérablement les collectivités de ce pays", a conclu Yves Krattinger. Les associations d'élus, qui comptent beaucoup sur le Sénat pour défendre leurs positions, devraient accueillir favorablement ce rapport. On peut penser d'ailleurs qu'elles ont pu facilement faire passer leur message, les deux rapporteurs siégeant l'un au bureau de l'Association des maires de France et l'autre au bureau de l'Assemblée des départements de France.
Dans un communiqué, l'Association des petites villes de France a exprimé une réaction "positive". La représentante des villes de 3.000 à 20.000 habitants "se montre tout particulièrement favorable" à la création d'un conseil régional des exécutifs et "forme des voeux" pour que le travail effectué par la mission constitue "l'armature" du texte de loi qui sera présenté fin juillet ou début août en Conseil des ministres.
Le Sénat joue donc pour l'instant parfaitement son rôle de représentant des collectivités territoriales. Une marque qu'il imprimera certainement encore lors du débat parlementaire qui aura lieu cet automne. "Le Parlement n'est pas au garde-à-vous, le Sénat particulièrement", a fait remarquer Claude Belot, pour qui les propositions de la mission doivent bien constituer le socle de la position du Sénat. "Tous les amendements qui seront contraires à l'esprit et à la lettre de la mission, je ne les soutiendrai pas", a-t-il prévenu en ajoutant qu'il ne serait "pas le seul". Pour Jacqueline Gourault, nul doute aussi que le débat "montrera qu'il y a des sensibilités transversales".

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

 

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