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Clarification des compétences - Pour des fusions à la carte

La mission relative à la clarification des compétences des collectivités créée à l'Assemblée a achevé ses travaux. Elle prône la fin des financements croisés, une forte spécialisation, une montée en puissance des agglomérations... mais aussi une loi favorisant les regroupements volontaires entre niveaux de collectivités sur la base des spécificités de chaque territoire.

Une contribution de plus parmi les diverses initiatives et prises de position du moment concernant le devenir des collectivités locales et de leurs compétences ? En tout cas, le rapport qu'a adopté ce 8 octobre à l'unanimité la commission des Lois de l'Assemblée nationale a le mérite d'avoir creusé le sujet, au fil de nombreuses auditions, aboutissant à une somme de près de 120 pages... et devrait logiquement interpeller les élus locaux. Ce rapport est celui que vient d'achever la mission d'information relative à la clarification des compétences des collectivités, mission mise en place en novembre dernier par le président de la commission des Lois, Jean-Luc Warsmann. Avec, au final, dix "recommandations" qui dépassent le strict cadre de la répartition des compétences pour s'intéresser aux structures territoriales elles-mêmes et aux "mécanismes" à mettre en œuvre pour favoriser leur regroupement. "Le problème posé par la distribution actuelle des compétences est apparu indissociable de celui de l'architecture territoriale actuelle et du trop grand nombre d'échelons", indique en effet la mission dès l'introduction de son rapport.
"Trop d'échelons"... Ce sont précisément les mots employés par le chef de l'Etat le 26 septembre dernier, donnant lieu dans la foulée à toutes les suggestions que l'on sait sur, notamment, la fusion entre départements et régions. Or, pour la commission des Lois, il n'est pas question de supprimer purement et simplement un échelon. Jean-Luc Warsmann s'en est expliqué ce 8 octobre devant l'association des journalistes de la presse parlementaire : "Une évidence est rapidement apparue au cours de nos travaux : l'ensemble du territoire n'a pas les mêmes besoins en termes de structures. Sur certains territoires, le conseil général a du sens, sur d'autres, c'est la région qui est forte..." Les deux rapporteurs de la mission d'information parlementaire, Didier Quentin et Jean- Jacques Urvoas, ont donc privilégié "une approche qui donne une marge de manœuvre aux territoires", "une approche concertée, fondée sur la démarche volontaire des collectivités, accompagnées et encouragées par le législateur national".

Fusions sur-mesure

Ainsi, la mission estime que l'on pourrait "réduire le nombre de collectivités" en incitant financièrement ces dernières (par une fraction de DGF) à "se regrouper volontairement, soit par l'union avec une collectivité de même niveau, soit par l'accroissement de compétences résultant de la fusion avec un autre niveau". Il s'agirait pas exemple de faciliter le regroupement de deux régions telles que la Basse et la Haute-Normandie. Ou de favoriser la fusion d'une région et de ses départements en une même collectivité, une "grande région" exerçant alors les compétences des deux anciens niveaux, comme on peut l'imaginer en Alsace avec le Haut et le Bas-Rhin. Les principes de ces démarches de regroupements seraient inscrits dans une loi qui donnerait un délai de l'ordre d'un an aux collectivités pour que celles-ci se concertent et proposent de nouvelles organisations. Une sorte d'appel à projets en somme. Passé ce délai, le législateur reprendrait la main pour "valider les résultats obtenus"... ou trancher en cas de litige.
Dans le même esprit, les grandes communautés d'agglomération ou communautés urbaines qui le souhaitent pourraient acquérir le statut de "métropoles" et se substitueraient alors complètement au département. Quid des communes des "zones périphériques" du département ? Seraient-elles exclues du périmètre de la nouvelles métropole ? "Elles rejoindraient les départements voisins." Et Jean-Luc Warsmann de citer l'exemple d'un Grand Lyon absorbant les compétences du conseil général du Rhône.

Renforcer l'intercommunalité... sans les pays

Trois autres préconisations du rapport portent elles aussi sur l'intercommunalité. Avec tout d'abord, afin que l'intercommunalité couvre enfin l'ensemble de l'Hexagone, la fixation par la loi d'une date butoir (2010 ou 2011) au-delà de laquelle le préfet de département pourra intégrer d'office dans des EPCI à fiscalité propre (existants ou créés à cet effet) les dernières communes isolées.
La mission d'information prône également, pour les territoires qui le souhaitent, la transformation d'une intercommunalité et de ses communes membres en une collectivité unique dont l'ensemble des conseillers seraient alors élus au suffrage universel. Chacun des conseils des communes regroupées conserveraient toutefois certaines "compétences de proximité". Pour les agglomérations de plus de 50.000 habitants, on aboutirait en fait à la création d'une super-commune composée d'arrondissements, sur le modèle Paris-Lyon-Marseille.
Enfin, au risque de faire sursauter certains, les rapporteurs suggèrent la suppression progressive des pays, avec un transfert de leurs activités aux EPCI. "Les pays, affirment-ils, ont évolué vers une institutionnalisation qui risque à terme d'aboutir à la création de fait d'un nouvel échelon administratif. Dans la perspective d'une couverture intercommunale complète du territoire, les pays auront rempli leur mission et, de ce fait, cessé d'être utiles".

Le retour des blocs de compétences

S'agissant des compétences, la mission fixe deux objectifs : mettre fin à la "dérive des financements croisés" et "spécialiser l'action des collectivités". Sur le premier point, elle va plus loin que la plupart des propositions émises ces dernières années, telles que celle du rapport Richard qui proposait de limiter à 50% la participation des collectivités à un projet dont elles ne seraient pas maître d'ouvrage. L'idée, cette fois, serait en effet de n'autoriser qu'un seul niveau de collectivités à participer au financement d'un projet conduit par une autre collectivité. "Ce serait la fin du saupoudrage" a commenté Jean-Luc Warsmann, en précisant toutefois qu'une dérogation serait prévue pour les toutes petites collectivités à faible potentiel fiscal, celles-ci risquant d'être pénalisées par un tel dispositif.
Quant à la spécialisation, elle se résumerait ainsi : que "80% des compétences soient attribuées exclusivement à un seul échelon de collectivités". La mission n'a pas listé ces compétences mais détaille quelques exemples simples : les équipements sportifs aux communes et intercommunalités ; l'action sociale, le tourisme et la culture aux départements ; les collèges et lycées, l'enseignement supérieur et les transports aux régions. Ou comment "renouer avec la logique des blocs de compétences".
Néanmoins, là encore, les députés entendent "tenir compte des réalités locales" et donc permettre une dose de sur-mesure en "permettant à une collectivité attributaire d'une compétence exclusive de la déléguer entièrement à un autre échelon territorial". Une région déléguant les transports aux départements, les départements confiant à leur région d'appartenance le soin d'exercer leurs compétences culturelles, une ville tenant absolument à conserver la gestion de ses musées...
La commission des Lois insiste sur le caractère pluraliste de ses travaux et estime que son rapport devrait représenter un élément de poids dans les réflexions ou décisions à venir, que celles-ci aient lieu au Parlement... ou ailleurs.

Claire Mallet