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Réforme locale - Relations financières avec l'Etat : de quoi parle-t-on ?

Alors que l'Elysée annonce une nouvelle commission sur la réforme des collectivités locales, Philippe Valletoux "creuse son sillon" en présentant son second avis sur les finances locales, consacré aux relations fiancières entre l'Etat et les collectivités. Une belle façon de redonner au débat une base solide.

"Eric Woerth a déclaré que les collectivités sont en déficit, plus qu'elles ne devraient l'être. Les collectivités rétorquent que leur budget est voté en équilibre : la comptabilité nationale et la comptabilité publique ne s'appuient pas sur les mêmes concepts ! Comment, dans ces conditions, engager un dialogue constructif ?" Pour Philippe Valletoux, il est temps d'engager à un débat réel et constructif. Le rapporteur de la section finances du Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de rendre son second avis qui, en écho au premier rendu en 2006 et qui s'intitulait "La nouvelle donne", pourrait se dénommer "Avec quelles cartes ?". Le CESE montre régulièrement, avec ses travaux, un pragmatisme de bon aloi. "On ne peut pas réformer à partir d'a priori", confirme le rapporteur. Au-delà de cette sentence, Philippe Valletoux est concret : "Nous n'avons toujours pas de tableau sur les échanges financiers entre collectivités, et entre les collectivités et l'Etat : comment, dans ces conditions, débattre sur ce sujet depuis des mois ?" L'avis présenté au CESE le 7 octobre est donc avant tout un "avis méthodologique" qui s'articule sur la nécessité de mettre des outils en commun, de définr des objectifs à partager mais aussi sur celle d'engager un dialogue... qui reste à établir.


Par quel bout prendre la réforme ?

"Tant de projets, tant de réflexions sont jusqu'ici restés lettre morte. Certes, toutes les propositions de réforme n'étaient pas également animées d'un réel désir d'aboutir. Mais inversement, beaucoup de projets sincères n'ont pas été appliqués, sauf quelques bribes parfois. L'histoire de la réforme locale est celle de son constant ajournement." Ce constat de la commission Richard date de 1975. Aujourd'hui, et depuis 2006, le sujet de la réforme des finances locales est devenu, comme le qualifie Philippe Valletoux, "un sujet de responsabilité politique". Il repose sur un triptyque : les compétences (rapport d'Alain Lambert), les recettes (rapport de Philippe Valletoux), les dépenses (rapport de Pierre Richard) et sur l'éternelle question : par quoi commencer ? "Il semblerait, suivant les dernières déclarations gouvernementales, que l'on se dirige vers un choix qui consiste à revoir les compétences pour ensuite se demander qui dépense et donc de combien chacun a besoin." "Reste, estime le rapporteur du CESE, qu'en supprimant un échelon, on supprime un impôt mais on ne supprime pas le besoin de financement. Et quant à savoir si l'on fait des économies, rien jusqu'à présent ne le laisse imaginer."

 

Un préalable : avoir les mêmes outils

"Les différentes directions du ministère de l'Economie ont des données, la DGCL en a d'autres. Il n'y a aucune base statistique complète", estime Philippe Valletoux. Il est d'autant plus difficile de mettre ses données en commun et de les croiser qu'elles ne révèlent pas les mêmes réalités. Illustrations : les agrégats issus des comptes nationaux de l'Insee évaluent les Apul (administrations publiques locales), un champ plus large que celui des collectivités. Ces comptes, qui s'appuient sur des données des services comptables du Trésor, ne procèdent pas à la consolidation des mouvements financiers entre collectivités (une dépense de l'une correspond à une recette de l'autre). Pour le rapporteur du CESE, "le travail de synthèse n'est pas à l'ordre du jour du ministère de l'Economie qui estime que ce n'est pas son affaire".
En parallèle, cette nécessaire mise à plat doit s'accompagner d'une réelle capacité de synthèse des collectivités territoriales représentées par les associations d'élus. A eux de créer un groupe d'experts communs. Autre recommandation, une réforme des finances locales impose du temps et doit donc être déclinée sur un calendrier de cinq à six ans.
Enfin, le lieu de dialogue entre l'Etat et les collectivités reste à construire : "En 2007, les déclarations gouvernementales, suite à l'installation de la conférence des exécutifs locaux, laissaient espérer aux collectivités que le mouvement était engagé... Les élections locales ont-elles contrarié l'initiative gouvernementale ?", s'interroge, amusé, Philippe Valletoux. Toujours est-il que la conférence doit être confortée avec la mise en place d'un organe de suivi. "Il faut prendre la mesure que le secteur local de 2007-2008 n'est plus celui des années quatre-vingt : son poids financier est devenu considérable", conclut le vice-président du directoire de Dexia Crédit local.
 

Clémence Villedieu