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Réforme de la fiscalité locale - Une nouvelle donne sans l'Etat ?

Selon l'avis de Philippe Valletoux, la réforme de la fiscalité locale est possible sans remettre en cause les ressources des collectivités ni la pression fiscale actuelle des contribuables. Pour cela, les impôts locaux spécialisés par niveaux de collectivités seront complétés de parts d'impôts nationaux partagés. Tout financement fiscal par l'Etat sera alors supprimé.

Philippe Valletoux, rapporteur de la section des finances du Conseil économique et social et vice-président de Dexia Crédit local, a présenté le 11 décembre à la presse les conclusions de son projet d'avis "Fiscalité et finances locales : à la recherche d'une nouvelle donne", demandé l'été dernier par les trois grandes associations d'élus locaux (AMF, ADF et ARF).
L'objectif est donc de redistribuer les cartes (les impôts) tout en redonnant la même main (les ressources collectées) aux collectivités territoriales. Pragmatique, le vice-président de Dexia Crédit local ne veut pas "d'un grand soir" tout en remettant chacun dans ses buts : l'Etat doit arrêter de se substituer au contribuable local. "S'il veut faire du clientélisme, explique Philippe Valletoux, qu'il le fasse sur les impôts nationaux." Les collectivités territoriales doivent prendre en compte leur responsabilité collective dans l'équilibre des finances publiques. Passé ce préalable, l'avis du Conseil économique et social s'appuie sur des principes lisibles : ne plus concevoir l'impôt local que dans le cadre d'une relation directe entre la collectivité et chaque catégorie de contribuables ; proscrire des impôts locaux sur lesquels s'exercent plusieurs pouvoirs de fixation des taux de pression fiscale. Une fois ces axiomes devenus réalité, il sera temps de "moderniser les bases fiscales les plus obsolètes". 

On redistribue

Actuellement, les ressources de collectivités s'élèvent à 129,5 milliards d'euros dont 90,5 milliards de fiscalité et 39 milliards d'euros de dotations. La fiscalité se compose de 77,6 milliards alimentés par les contribuables et  de 12,9 milliards d'euros alimenté par l'Etat. Avec le projet de Philippe Valletoux baptisé "le schéma cible", 82,9 milliards d'euros seront collectés auprès des contribuables  et 46,6 milliards en dotations. L'Etat ne participera donc plus à la fiscalité mais le total des ressources restera 129,5 milliards d'euros. L'idée est simple : la situation ne change que sur le seul point du financement direct ou du financement indirect par le truchement de l'Etat. Pour Philippe Valletoux, "l'Etat ne crée pas de la monnaie ou très peu, les ressources qu'il affecte aujourd'hui à la fiscalité locale proviennent de toute façon des contribuables !".
Un changement de donne mais avec les mêmes cartes : chaque collectivité pourra compter sur le même volume financier, la pression fiscale sera inchangée et la répartition de la pression fiscale entre ménages et entreprises ne bougera pas. Les règles du jeu seront modifiées : chaque niveau de collectivité aura une recette fiscale composé de plusieurs impôts  dont il a la pleine maîtrise. La redistribution se fera en fonction des compétences principales de chaque niveau. 

De nouveaux impôts sans nouvelles ressources

Philippe Valletoux propose que le foncier bâti soit scindé en deux : un foncier bâti sur les locaux d'habitation affecté aux communes et EPCI, un foncier bâti sur les locaux à usage économique pour les départements. Deux autres mesures concernent les taxes directes locales : la taxe professionnelle actuelle (15,7 milliards d'euros) sera amputée de 2,7 milliards d'euros pour permettre une imposition des entreprises à destination des régions. La taxe d'habitation (10,4 milliards d'euros) sera diminuée de 3,4 milliards d'euros pour contribuer à des impositions sur les ménages à destination des départements et des régions.
Concrètement, la pression fiscale resterait la même mais de nouveaux impôts verraient le jour : un impôt départemental sur les ménages qui pourrait prendre la forme d'une taxe dédiée sur les mêmes bases que la CSG, un impôt régional sur le revenu qui pourrait prendre la forme d'un impôt additionnel à l'IRPP national (l'impôt sur le revenu des personnes physiques), un impôt départemental qui pourrait prendre la forme d'une taxation sur l'automobile, un impôt régional sur les entreprises qui pourrait prendre la forme d'un impôt modulable sur la valeur ajoutée ou encore celle d'une quote-part de la TVA nationale. L'avis du CES ne donne pas de solution pour un partage "concerté" d'impôts nationaux entre l'Etat et les collectivités. Ce sont pourtant ces impôts nationaux partagés qui font office de  jokers de "la nouvelle donne". La fiscalité directe baisserait de près de 20 milliards en partie à cause de la disparition de la contribution de l'Etat, actuellement de 12,9 milliards d'euros. Les impôts traditionnels (versement transport, Teom, taxe sur l'électricité...) resteraient au même niveau mais les impôts récents (taxe sur les assurances, TIPP...) subiraient une baisse de plus d'un milliard. Les quatre nouveaux impôts permettraient de dégager un gain de près de 12,6 milliards auxquels s'ajouteraient plus de 7 milliards supplémentaires de dotations.

Un fonds national pour la péréquation

Le CES propose que la valeur locative qui fonde l'assiette des taxes foncières, de la taxe d'habitation et d'une part de la taxe professionnelle, "référence malaisée dont l'actualisation apparaît impossible" soit remplacée par la valeur locative déclarative et contrôlée. Pour la péréquation, le CES conseille la mise en place d'un fonds national de péréquation alimenté par l'agrégation des dispositifs locaux ou départementaux actuels, de la cotisation minimale de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée et par une fraction des dotations de l'Etat participant actuellement à la péréquation ou encore de celles qui demeurent attribuées de façon spécifique par plusieurs ministères. "On pourrait substituer à ce dispositif qui comportent plusieurs contributions de l'Etat l'affectation d'une partie d'un impôt national sur les télécommunications."

Les propositions de Philippe Valletoux ont-elles des chances de trouver une application dans l'avenir ? Suivant l'état actuel du débat, les trois associations d'élus devraient retrouver leurs propres propositions énoncées lors du Congrès des maires, le 23 novembre dernier : un panier fiscal par niveaux de collectivités, une partage d'impôts nationaux, la mise en place d'un fonds national de péréquation... Le rapport de Pierre Richard, président du conseil d'administration de Dexia Crédit local, sur la maîtrise des dépenses locales, commandé par le gouvernement en juin dernier et présenté le 11 décembre,  préconise quant à lui, de poursuivre les transferts de fiscalité de l'Etat vers les collectivités locales, notamment sous la forme d'un partage des impôts nationaux. En parallèle, selon le président du conseil d'administration de Dexia, il faut réduire progressivement la part des impôts locaux pris en charge par l'Etat et procéder à une actualisation des valeurs locatives cadastrales. Enfin, il se dit favorable à une spécialisation "relative" des impôts locaux. 
Quelle sera la position de l'Etat  face à cette quasi unanimité ?  Le gouvernement - actuel ou futur - sera-t-il prêt à envisager de partager une part des impôts nationaux et à ne plus intervenir sur la fiscalité locale ?

 

Clémence Villedieu

 


Le schéma-cible

Pour les communes et groupements :
- la taxe d'habitation ;
- la taxe sur le foncier bâti  "ménages";
- la taxe sur le non-bâti ;
- la taxe professionnelle ;
- -la taxe sur les ordures ménagères ;
- - la taxe sur l'électricité ;
- - le versement transport.
Pour les départements :
- la taxe sur le foncier bâti "entreprises" ;
- - les droits de mutation ;
- - la taxe sur les contrats d'assurance ;
- - une imposition type CSG ;
- - une imposition sur le parc des véhicules automobiles.
Pour les régions :
 La taxe sur les produits pétroliers ;
- la taxe sur les cartes grises ;
- - la taxe sur l'apprentissage ;
- - une imposition sur le revenu des ménages ;
- - une imposition sur les entreprises.
 

 

 

 

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