Réforme territoriale - Conseillers territoriaux : le gouvernement retiendra-t-il le noyau dur du rapport Balladur ?
Les élus locaux et le gouvernement qui avaient abordé jusqu'à présent des sujets relativement consensuels ont évoqué le 14 mai dans le cadre de la concertation sur la réforme territoriale la proposition du comité Balladur qui suscite le plus d'opposition du côté des départements et des régions. Celle qui consiste à créer des conseillers territoriaux appelés à siéger dans les assemblées départementale et régionale. Le gouvernement étudie de près cette piste de réforme, qui permettra selon la ministre de l'Intérieur de "mieux articuler les actions du niveau régional et du niveau départemental". Mais le schéma dessiné par le comité Balladur pourrait être aménagé. Celui-ci préconisait, rappelons-le, la création de nouvelles circonscriptions infradépartementales à la place des cantons et un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire. Ce n'est pas la solution que retiendrait le gouvernement, qui, sans l'avoir confirmé jeudi aux élus, souhaiterait plutôt, selon une source bien informée, maintenir en la redécoupant la circonscription cantonale et conserver le scrutin uninominal à deux tours, qui est aujourd'hui en vigueur pour les élections cantonales.
Cependant, le gouvernement n'a pas encore arrêté ses choix et cette solution pourrait en fait être retenue seulement pour les territoires ruraux. La ministre de l'Intérieur a en effet indiqué qu'elle avait demandé à ses services une étude sur la possibilité d'un scrutin mixte reposant sur un scrutin de liste en milieu urbain et un scrutin uninominal à deux tours en zone rurale. L'initiative peut quelque peu surprendre dans la mesure où le comité Balladur avait écarté cette option, faisant remarquer qu'"une telle hypothèse lui a en tout état de cause paru mal assurée au regard des exigences constitutionnelles" et aussi compte tenu de "la difficulté qu'il y aurait à définir les critères objectifs selon lesquels les zones rurales seraient distinguées des zones urbaines".
L'Association des maires de France ne s'est pas prononcée sur la question du conseiller territorial, du fait qu'elle ne la concerne pas de manière directe. Très soudés, les représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de l'Association des régions de France (ARF) ont quant à eux dit avec force leur opposition commune. Pour eux, cette proposition repose sur "une erreur de diagnostic" : les deux échelons n'ont pas la même vocation et leurs budgets se recoupent à hauteur de 10% tout au plus, comme le montre une étude du groupe KPMG qui doit être remise à l'ADF le mois prochain. Aussi, conseils régionaux et généraux ne seraient pas de bons mariés.
Des convergences sur les cofinancements
"Il y a vraiment une contradiction dans l'approche qui est faite par le comité Balladur : on ne peut pas demander une clarification des compétences et en même temps essayer de mutualiser", souligne encore un responsable de l'ADF. Ensuite, la proposition du rapport Balladur n'irait pas dans le sens de la démocratie : "Les électeurs doivent déterminer leurs priorités pour chaque niveau de collectivité, confie-t-on à l'ADF. En élisant le même élu pour la région et le département, on les prive de ce débat."
Dans un communiqué, Michèle Alliot-Marie prend acte de la "vive opposition de l'ARF et de l'ADF" et indique que la réflexion se poursuivra.
Les deux autres thèmes de la réunion ont suscité moins de passions. Concernant les cofinancements, l'ensemble des participants ont reconnu la nécessité que le maître d'ouvrage d'un équipement finance aujourd'hui une part importante de celui-ci. Mais la proposition faite par le gouvernement de fixer un seuil minimum à 50% n'a pas fait l'unanimité. Pour les élus locaux, la règle doit connaître des aménagements, en particulier pour les petites communes, qui, sinon, ne pourraient probablement pas financer des projets tels que des équipements dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Il faut donc aussi, ont souligné certains élus, tenir compte de la nature du projet. Sur ce chapitre, les représentants de l'ADF et de l'ARF ont renvoyé l'Etat à ses propres responsabilités en évoquant la question des cofinancements que celui-ci sollicite auprès des collectivités pour les projets qu'il pilote, comme sur les lignes de train à grande vitesse par exemple. "Les réponses de la ministre ont été très évasives", rapporte un participant de la réunion.
Dernier thème à l'ordre du jour : les fusions de départements ou de régions, qui selon la ministre ne s'effectueront que selon la règle du "volontariat". Les associations font valoir qu'elles sont d'accord sur le principe de la fusion de collectivités de même niveau, à condition que les assemblées délibérantes l'aient décidé et que les citoyens se soient exprimés sur le projet.
Thomas Beurey / Projets publics