La Cour des comptes sévère sur l'action sociale de la branche Famille
Le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale se penche entre autres sur l'action sociale de la branche Famille. Les dépenses ont connu une forte hausse mais "ne servent pas suffisamment l'accroissement des capacités d'accueil des jeunes enfants" et corrigent mal les inégalités territoriales, constate la Cour.
La Cour des comptes publie son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Portant sur la LFSS 2020, adoptée le 24 décembre 2019, le rapport revêt un aspect un peu surréaliste lorsqu'il commente la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes entre 2010 et 2019, totalement annihilée en 2020 par la crise sanitaire. Et cela malgré les efforts évidents pour ne pas paraître trop en décalage sur l'actualité. Au-delà de la question de l''équilibre des comptes, le rapport de la Cour n'en contient cependant pas moins de nombreuses informations intéressantes.
Fnas : des dépenses en hausse rapide…
C'est notamment le cas de la partie consacrée à l'action sociale de la branche Famille. Avec un budget de 5,86 milliards d'euros en 2019, le fonds national d'action sociale (Fnas) de la Cnaf joue un rôle important dans les territoires, à travers le financement des établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje), d'accueils de loisirs, de centres sociaux, de foyers de jeunes travailleurs, de lieux de soutien à la parentalité...
La Cour des comptes constate que les dépenses d'action sociale de la branche Famille ont connu une forte hausse. Elles sont en effet passées de 4,65 milliards en 2012 à 5,76 milliards en 2018, soit une progression de près de 24%, nettement supérieure à celle du PIB (+15,8%). Ces dépenses d'action sociale progressent aussi alors que celles des prestations stagnent : pour une base 100 en 2012, les dépenses du Fnas sont à l'indice 123,9 en 2018, contre 99,5 pour les dépenses de prestations (sous l'effet de diverses réformes).
Cette progression concerne notamment les deux grands postes de dépenses : l'accueil des enfants de 0 à 6 ans (3,65 milliards, 60% des dépenses et +27% depuis 2013) et le temps libre des enfants et de la famille (1,35 milliard, 22% des dépenses et +22,6% depuis 2013, dont +33% pour les activités périscolaires). Dans le même temps, le rapport constate que "la Cnaf a poursuivi le mouvement de centralisation de la gestion, laquelle reste perfectible".
En effet, les dépenses d'action sociale sont déterminées par la Cnaf, la marge de manœuvre des CAF restant très limitée. Les fonds d'action sociale engagés de manière libre par les conseils d'administration des CAF ne représentent plus que 14% du total en 2018, contre 60% en 1995... Pour autant, la Cour estime que la gouvernance locale est "à mieux encadrer", pointant notamment les commissions trop nombreuses ou la nécessité d'accélérer la sortie de gestion d'équipements ou de services (les CAF gérant encore en direct 279 services – essentiellement des centres sociaux – à la fin de 2018).
...mais des créations de places qui ne suivent pas et des inégalités territoriales persistantes
Sur le fond, la Cour des comptes relève, après bien d'autres rapports (voir par exemple notre article ci-dessous du 17 juillet 2020) que les dépenses d'action sociale de la branche Famille "ne servent pas suffisamment l'accroissement des capacités d'accueil des jeunes enfants". Lors de la COG 2013-2017, seules 62.500 places de crèches ont été effectivement créées, sur un objectif de 100.000. De même, la hausse des dépenses consacrées au financement de la prestation de service unique (PSU, près de 2,5 milliards et +27% depuis 2012), "n'a eu qu'un effet limité sur la capacité d'accueil. En outre, comme l'a déjà signalé la Cour, les établissements d'accueil de jeunes enfants financés par la PSU constituent la solution de garde qui est à la fois la plus coûteuse en frais de fonctionnement et la plus subventionnée par l'argent public".
Un autre point faible relevé par la Cour réside dans la faible correction des inégalités territoriales durant la COG 2013-2017, alors qu'il s'agissait pourtant d'un objectif prioritaire. Même en tenant compte des différences dans les coûts du foncier et des loyers, il est difficile en effet d'expliquer les écarts entre des départements comme l'Aisne ou la Mayenne (dépense par enfant de 354 et 388 euros) et des départements comme Paris (2.808 euros) ou les Hauts-de-Seine (1.624 euros)
Les dépenses en faveur de l'accueil des jeunes enfants sont donc "à mieux orienter". Ceci passe notamment par une "rénovation" des outils d'intervention (comme le contrat enfance jeunesse), une meilleure évaluation des besoins des familles selon les territoires, mais aussi une meilleure régulation de l'offre d'accueil de jeunes enfants.
Enfin, la Cour des comptes propose de "réexaminer" l'implication de la branche famille dans le champ scolaire, les dépenses à ce titre étant passées de 272 à 530 millions entre 2012 et 2018. Certains des objectifs des contrats locaux d'accompagnement scolaire (Clas), financés par les CAF à hauteur de près de 31 millions en 2018, pourraient ainsi être revus.