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Petite enfance - Le HCFEA entérine l'échec du plan de création de 275.000 solutions de garde et préconise une relance

Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) a remis à Agnès Buzyn un volumineux rapport sur l'accueil des enfants de trois ans. Dans le communiqué du 12 avril qui accompagne la diffusion du document, le Haut conseil explique, que "malgré une politique volontariste, l'offre et la qualité de l'accueil des enfants de moins de trois ans restent insuffisantes". L'expression est bien en-deçà de la réalité. Même s'il était établi depuis longtemps que l'objectif de 275.000 places supplémentaires d'accueil de la petite enfance prévues sur la durée de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017 de la Cnaf ne seraient pas atteint, le bilan dressé par le rapport montre un échec cuisant.

Un taux de réalisation de seulement 16% en cinq ans

En effet, seules 41.700 places ont effectivement été créées à la fin de la période (résultats encore provisoires pour l'année 2017), soit un taux de réalisation de 16% que le HCFEA qualifie poliment de "bilan nettement en demi-teinte".
Cet échec d'ensemble n'est pas vraiment une surprise, dans la mesure où le plan de création des 275.000 places a dérapé dès les premiers temps de la COG. Malgré les affirmations optimistes du gouvernement de l'époque et l'amélioration des aides versées par la Cnaf, il est vite apparu que les objectifs ne seraient pas atteints. Dès 2015, le Haut conseil de la famille - qui a précédé le HCFEA - et le Sénat ont tiré la sonnette d'alarme (voir nos articles ci-dessous des 15 septembre, 2 octobre et 10 novembre 2015). Mais l'ampleur de l'écart final est très supérieur à ce qui était redouté à l'époque.

Demi-succès pour les Eaje, échec pour les assistantes maternelles et la scolarisation à deux ans

Le résultat quasi définitif observé par le HCFEA à la fin de 2017 recouvre toutefois des évolutions très différentes selon les types de modes de garde. Ainsi, les structures d'accueil collectif - établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje) - affichent 61.800 places supplémentaires pour un objectif de création de 100.000 places, soit un taux de réalisation de 62%. Un tiers des créations concerne toutefois des micro-crèches, en majorité privées.
Non seulement les deux autres grandes catégories de modes de garde n'atteignent pas non plus les objectifs de la COG, mais elles enregistrent même un net recul ou une stagnation de leurs capacités sur la période 2013-2017. C'est le cas des assistantes maternelles qui affichent une baisse de leur capacité d'accueil de 21.900 places, alors que l'objectif était de créer 80.000 places. C'est aussi le cas de la scolarisation à deux ans, dont la capacité d'accueil progresse seulement de 1.800 places, alors que l'objectif était de 75.000 créations, soit un taux de réalisation de 2%.

"S'agit-il d'une réticence des communes ?"

Conséquence : "Dans ce contexte, le type d'accueil prépondérant reste la garde par les parents (61% des jeunes enfants de moins de trois ans sont gardés principalement par leurs parents), même s'il peut être combiné avec le recours à temps partiel à un autre mode d'accueil (pour 22%) [...]."
Sur les raisons de cet échec, le rapport du HCFEA n'apporte pas de réponses, mais soulève un certain nombre de questions. Par exemple, pour ce qui concerne les Eaje, "s'agit-il d'une réticence des communes à engager de nouveaux investissements, potentiellement coûteux en termes de fonctionnement, dans un contexte de resserrement des crédits, ou bien s'agit-il d'un intérêt moindre du sujet de la petite enfance, par rapport à d'autres sollicitations, notamment celles liées à l'école ? Les principes de financement prévus dans les règles, applicables notamment aux prestations de service, sont-ils adaptés ou doivent-ils évoluer ?".

Le HCFEA propose un nouvel objectif de 230.000 places sur 2018-2022

A défaut d'apporter des réponses, le HCFEA propose néanmoins, dans le second tome de son rapport, un certain nombre d'orientations. Tout d'abord, il "souligne la nécessité d'objectifs qualitatifs - mieux répondre aux besoins de bien-être, d'éveil et de socialisation des jeunes enfants - à côté d'enjeux quantitatifs de développement de l'offre". Sur ce second point, le HCFEA évalue, "a minima", le nombre de places à créer à 230.000 au cours des cinq prochaines années - autrement dit sur la durée de la COG 2018-2022 -, "pour répondre aux besoins les plus immédiats". La réalisation de cet objectif suppose un surcroît de crédits pour le Fnas (fonds national d'action sociale de la Cnaf), que le rapport évalue entre 400 et 600 millions d'euros sur la période.
Mais l'aspect financier ne suffira pas. Le HCFEA demande donc aussi de "lever les freins observés au cours des dernières années pour le développement de l'offre".

Rationaliser et sécuriser les financements

Pour l'accueil collectif, ceci passe notamment par une rationalisation et une sécurisation des financements "par rapport à la grande complexité actuelle", afin de mieux aider les communes en fonction de leur potentiel financier.
En matière d'accueil individuel, le rapport préconise notamment le renforcement du maillage territorial des relais d'assistantes maternelles (RAM) et de leur rôle de structuration de l'offre d'accueil individuel - avec un soutien financier plus important de la branche famille -, la relance des crèches familiales et la consolidation organisationnelle et pédagogique des maisons d'assistantes maternelles (MAM). Il suggère aussi de "travailler sur le rééquilibrage des restes à charge par rapport à l'accueil collectif".
En termes de qualité de l'accueil, le HCFEA recommande d'ajouter davantage de temps collectifs à la pratique des assistantes maternelles - notamment à travers les RAM - et "d'aller vers un décloisonnement des modes d'accueil dans un souci de s'adapter au rythme et besoins de l'enfant et de développer ainsi des passerelles entre eux, par exemple au moment du passage à l'école maternelle, et en relançant les modes d'accueil intermédiaires, comme les jardins d'enfants ou les classes passerelles".

Maintien de la PSU, mais avec des "bonus"

Sur la préscolarisation à deux ans, le rapport recommande qu'elle soit "adaptée aux besoins de développement des très jeunes enfants, progressive et préparée entre famille et école, ainsi qu'entre modes d'accueil et école et qu'elle ait lieu dans un environnement dédié, avec des professionnels formés en conséquence". Il conviendrait également d'engager une étude "pour mieux comprendre les réticences des familles à confier leurs enfants en préscolarisation à deux ans afin d'identifier les freins et d'éviter une sous-utilisation des places".
Vis-à-vis des collectivités, le HCFEA préconise de conserver le système actuel de la PSU (prestation de service unique), mais en lui ajoutant "des bonus pour la prise en charge de publics spécifiques (enfants handicapés, horaires atypiques...)", et en remplaçant le système des contrats enfance jeunesse (CEJ), "générateur de fortes inégalités entre communes selon qu'elles en bénéficient ou non, par une dotation versée à l'ensemble des communes ou intercommunalités concernées, et prenant en compte leur potentiel financier, avec une majoration éventuelle pour favoriser la mixité du public accueilli".

Vers un retour du "droit au mode de garde opposable" ?

Enfin, le HCFEA recommande de renforcer la politique de réduction des inégalités sociales et territoriales - prévue par la COG - et de réformer la gouvernance, pour contrer "l'éparpillement des compétences et des acteurs, la multiplicité́ des financements et des dispositifs [qui] nuisent à l'efficience et à la lisibilité de cette politique". Ceci passe notamment par un renforcement de l'élaboration collective des priorités entre les acteurs concernés (collectivités, Etat, CAF, MSA, représentants des gestionnaires et professionnels) au travers de schémas départementaux des services aux familles (SDSF) consolidés.
Si cela ne suffit pas, le HCFEA propose alors d''envisager une réforme plus en profondeur de la gouvernance", à travers notamment l'attribution de la compétence petite enfance à un acteur bien identifié - avec la nécessité dans tous les cas de préciser le contenu et les missions de la compétence transférée -, puis de créer un droit pour les familles, par exemple au bénéfice des enfants de plus de deux ans ou des publics prioritaires puis à terme à celui de l'ensemble des enfants. D'une certaine façon, un retour au droit au mode de garde opposable envisagé au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis finalement abandonné...

 

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