PLFSS 2016 / Famille - Sénat : "peu de place à l'optimisme" sur un rattrapage des places d'accueil de la petite enfance
Le Sénat, qui vient d'entamer à son tour, le 9 novembre, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 - adopté par l'Assemblée le 27 octobre -, met en ligne le rapport sur la branche Famille de Caroline Cayeux, sénatrice LR de l'Oise (et maire de Beauvais, présidant à ce titre la fédération Villes de France). Au-delà des considérations sur la situation financière de la branche - dont les résultats 2014 et 2015 se redressent plus rapidement que les prévisions, avant une nouvelle amélioration envisagée en 2016 -, le rapport s'attarde notamment sur l'accueil des jeunes enfants.
Des "progrès importants" à réaliser sur l'accueil des jeunes enfants
Il considère notamment que "des progrès importants" doivent être réalisés en ce domaine. Cette assertion s'appuie sur les résultats observés en matière d'augmentation de l'offre d'accueil, que la rapporteure juge "très en deçà des objectifs fixés". Il s'agit en l'occurrence des objectifs fixés dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017 signée entre l'Etat et la Cnaf, soit la création de 275.000 solutions d'accueil supplémentaires sur la période, dont 100.000 en accueil collectif, 100.000 en accueil individuel et 75.000 en préscolarisation.
S'appuyant sur les travaux du Haut Conseil de la famille (HCF) - dont les conclusions sont contestées par la Cnaf (voir notre article ci-contre du 15 septembre) -, le rapport chiffre les créations nettes de places d'accueil collectif à 13.300 en 2013 (pour un objectif de 21.200) et à 11.300 en 2014 (pour 19.600). Mais la difficulté vient surtout de l'accueil individuel, qui affiche un recul de 1.900 et 6.900 places en 2013 et 2014 au lieu d'une progression attendue de 20.000 par an. De même, la scolarisation des enfants de deux ans en maternelle stagne au cours de cette période.
Pour la rapporteure, un certain nombre de facteurs peuvent expliquer ces résultats : la signature tardive de la COG (juillet 2014), les élections municipales de mars 2014 qui ont pu décaler des projets, la conjoncture économique qui pèse sur le recours des familles à l'accueil individuel (plus coûteux)... Elle estime par ailleurs que "la ponction opérée sur les ressources du fond national d'action sociale [rebasage pour tenir compte des crédits non consommés, ndlr] laisse peu de place à l'optimisme quant au rattrapage du retard accumulé".
Des marges de manœuvre subsistent pour améliorer l'offre
Pour autant, "il existe des marges de manoeuvre pour améliorer l'offre de solutions de garde formelles". Selon le rapport, les solutions sont à rechercher dans plusieurs directions. La première consisterait à simplifier "l'environnement normatif" des établissements d'accueil des jeunes enfants (Eaje), dans le prolongement du décret du 7 juin 2010 réduisant les ratios minima de personnels (dont le gouvernement actuel avait annoncé l'abrogation avant finalement d'y renoncer). Le rapport indique également que les personnes auditionnées ont insisté sur "la nécessité de revoir les règles d'attribution de la prestation de service unique (PSU), qui sont fixées par une circulaire de la Cnaf". Leur niveau d'exigence serait en effet "difficile à satisfaire pour les petites structures associatives, ce qui peut contribuer à expliquer une partie des destructions de places".
Pour faire face à la pénurie de personnels qualifiés - notamment d'auxiliaires de puériculture -, le rapport se déclare également favorable à la poursuite de la réflexion engagée sur la filière des métiers de la petite enfance (voir notre article ci-contre du 22 septembre 2015). Enfin, le rapport propose d'étudier différentes pistes pour relancer l'accueil individuel : établissement de référentiels communs pour les services de PMI lors de la phase d'agrément des assistantes maternelles, actions de valorisation de la profession, mise en œuvre d'un mécanisme de tiers payant pour le complément mode de garde (en cours d'expérimentation)...
La rapporteure estime aussi qu'"il serait pertinent d'interroger les différences qui existent entre la PSU qui finance les établissements et le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui est attribuée aux familles qui font garder leur enfant par un salarié ou au sein d'une micro-crèche".
Le retard sur l'accueil collectif en passe d'être rattrapé
Lors de l'examen des dispositions relatives à la famille en commission des affaires sociales, le 7 octobre, cette dernière a procédé à l'audition de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, et de Daniel Lenoir, directeur général. A cette occasion, les deux dirigeants ont apporté des précisions intéressantes. Ainsi, Jean-Louis Deroussen a rappelé que la branche attendait les conclusions de la mission commune de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les charges de travail des CAF. Selon lui, grâce aux efforts de productivité, la branche devrait être en mesure, à activité inchangée, de restituer 1.700 emplois . La branche a également pu absorber la mise en place, en juillet dernier, de la modulation des allocations familiales, qui a représenté environ 300 ETP.
En revanche, le président de la Cnaf reste "inquiet sur la charge de travail supplémentaire que nous devrons assumer au 1er janvier prochain, avec la mise en place de la prime d'activité" et explique : "La mission estime qu'il faudra sans doute prévoir 500 ETP en plus. Nous essayons d'anticiper et des négociations sont en cours pour obtenir les renforts nécessaires au passage de ce pic d'activité : 800.000 nouveaux bénéficiaires, dont 400.000 ne sont pas connus comme allocataires au titre d'une autre prestation. La restitution envisagée à iso-activité doit être réévaluée" (voir aussi notre article ci-contre du 21 octobre 2015).
Pour sa part, Daniel Lenoir a relativisé la sous-exécution du budget du Fnas : 89 millions d'euros sur un budget de cinq milliards. Il a également rappelé qu'"il faut compter entre six mois et trois ans pour que la décision de créer des places en crèche se concrétise", d'où la reprise encore peu perceptible de 2014, qui se prolonge en 2015. Néanmoins, pour le directeur général de la Cnaf, "tous les indices donnent à penser que nous rattraperons notre retard d'ici la fin de l'année. Quant à l'évolution inquiétante du dispositif des assistantes maternelles, elle doit faire l'objet d'une étude économique dédiée".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la branche Famille.