Petite enfance - Un rapport d'information du Sénat propose de "flexibiliser" les modes de garde
Cyril Pellevat, sénateur (Les Républicains) de Haute-Savoie, a remis son rapport d'information, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, sur "Les modes d'accueil des jeunes enfants : un enjeu de l'égalité entre les femmes et les hommes". Sans surprise, le rapport met en évidence le lien entre le taux d'activité des femmes et le nombre d'enfants, mais aussi les inégalités dans le partage des tâches domestiques et parentales, ainsi que les conséquences négatives d'un éloignement durable des femmes du marché du travail.
Un lien étroit entre politique familiale et activité féminine
Il souligne également le "lien évident" entre la politique familiale et l'activité féminine. Il cite en exemple l'évolution du taux d'activité des femmes avec deux enfants. Celui-ci a progressé de 25 points entre 1975 et 1994, avant de chuter brutalement de 15 points entre 1994 et 1997. La raison tient à l'extension de l'allocation parentale d'éducation (APE) aux parents de deux enfants en juillet 1994, qui a "entraîné un retrait massif des mères concernées du marché du travail". A l'inverse, la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) en 2004 et le crédit d'impôt pour frais de garde en 2005 et 2006 ont eu une influence positive sur le taux d'emploi des femmes.
Dans ce lien entre nombre d'enfants et activité féminine, les modes de garde jouent un rôle essentiel, sur lequel le rapport s'attarde très longuement. Tout en soulignant l'importance et la grande diversité du dispositif français, la mission d'information lui prête néanmoins des "limites qui empêchent la montée en puissance de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017".
Des obstacles au déploiement de la COG 2013-2017
Bien que la progression de 7,5% par an des crédits du Fonds national d'action sociale de la Cnaf soit "le signe d'un engagement très fort du gouvernement", le rapporteur ne croit pas à l'atteinte de 275.000 nouvelles solutions de garde d'ici à 2017.
Parmi les limites qui freinent le déploiement de la COG, il pointe notamment les fortes inégalités territoriales, les choix contraints par le niveau de vie et l'activité professionnelle des parents, la complexité du financement des structures, les normes d'hygiène et de sécurité - "source de concurrence entre les structures collectives et les assistantes maternelles" - ou encore la lenteur de la revalorisation des métiers de la petite enfance.
Le rapport souligne au passage que les coûts de construction d'une nouvelle place en établissement d'accueil du jeune enfant (Eaje) ont presque doublé en dix ans - notamment sous l'effet des normes -, passant, selon les chiffres de la Cnaf, de 18.079 euros en 2000-2001 à 34.312 euros en 2012-2013.
"Harmoniser" les normes
Fort de ce constat, le rapport formule plusieurs recommandations. La première consiste à instaurer un "congé parental modulable tout au long de la vie", qui consisterait essentiellement à ne plus lier la prise du congé parental aux premières années de l'enfant. La seconde préconisation entend clarifier l'environnement juridique de la petite enfance, en harmonisant l'ensemble des normes (redéfinition de la notion de m2 utile par enfant, stabilisation des normes d'hygiène, guide des bonnes pratiques pour les collectivités...) et en clarifiant le statut juridique des maisons d'assistantes maternelles, aujourd'hui "encore très incertain".
Autre piste : la poursuite de la valorisation des métiers de la petite enfance, en lançant notamment une campagne nationale de sensibilisation et en sécurisant le parcours professionnel des assistantes maternelles (meilleur suivi, accès accru à la formation, soutien renforcé aux RAM...). Sur ce point, le rapport rappelle que 30% des assistantes maternelles aujourd'hui en activité prendront leur retraite avant 2020.
Des accueils "à horaires larges et flexibles"
La quatrième recommandation consiste à "encourager la flexibilité des dispositifs d'accueil du jeune enfant". Pour cela, le rapport suggère d'inciter les collectivités territoriales - sans pour autant prévoir d'aides spécifiques - à mettre en place des dispositifs d'accueil "à horaires larges et flexibles". Le rapporteur - ancien DRH - préconise aussi de soutenir les initiatives des entreprises en ce domaine : crèches d'entreprise, conciergeries, organisation du travail compatible avec les contraintes familiales, sensibilisation du management...
Enfin, la dernière recommandation vise à améliorer l'adéquation de l'offre aux besoins repérés sur le territoire. Elle avance plusieurs propositions à ce titre, comme le ciblage des crédits en fonction des besoins recensés dans les schémas départementaux des services aux familles (disposition déjà engagée dans le cadre du rééquilibrage territorial), l'amélioration de la connaissance des usagers des crèches et des coûts des modes de garde pour les collectivités, ou encore l'engagement d'une réflexion sur l'organisation "d'un service public de la petite enfance, qui couvre l'ensemble des modes d'accueil, publics et privés".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Rapport d'information de Cyril Pellevat, sénateur de Haute-Savoie, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, sur "Les modes d'accueil des jeunes enfants : un enjeu de l'égalité entre les femmes et les hommes".